rennes

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Rennes (par OGEE - 1778)

Ville épiscopale, par les 4° 2' 4" de longitude, et par les 48° 6' de latitude. Le diocèse de Rennes est borné, au Nord par ceux de Dol et d'Avranches ; au Sud par celui de Nantes ; à l'Est par ceux d'Angers et du Mans, et à l'Ouest par ceux de Vannes et de Saint-Malo. Il renferme deux cent vingt-une paroisses, dix villes, deux cent onze bourgs, onze trèves ou succursales, trois abbayes d'hommes, deux de femmes, quinze couvents d'hommes, dix-sept couvents de femmes, six hôpitaux, un Hôtel-Dieu, trois collégiales, sept doyennés ruraux, cinquante-deux prieurés, quatorze forêts et plusieurs rivières. On y compte 290 900 communiants. Le territoire produit du grain, des pâturages abondants, du beurre très estimé, du lin et d'excellent cidre. L'église cathédrale est sous le vocable de saint Pierre. Le chapitre est composé de cinq dignitaires, seize chanoines, quatre semi-prébendés, d'un sous-chantre et d'un sacriste. Onze grandes routes aboutissent à cette ville, qui est fermée d'un mur en mauvais état, et qui a mille quatre cent trente-sept toises de pourtour. Ses faubourgs sont d'une grande étendue ; ils comprennent, avec la ville, dix paroisses, deux abbayes, dix prieurés, sept chapelles, sept couvents d'hommes, treize communautés de femmes, quatre hôpitaux, une école des droits, un collège, trois écoles chrétiennes pour les garçons, six pour les filles, une école gratuite de dessin relative aux arts et métiers, de belles bibliothèques publiques, parmi lesquelles on distingue celle des avocats, qui ouvre trois fois la semaine ; le grand et le petit séminaire ; ce dernier est gratuit pour l'instruction des jeunes gens qui aspirent aux ordres sacrés. Les cures des paroisses sont à la nomination de différents présentateurs. Saint-Etienne est présenté par les chanoines de la cathédrale ; Toussaint, Saint-Pierre- en-Saint-Georges, Saint-Sauveur, sous le fief du roi, par l'abbesse de Saint-Georges ; Saint-Germain, sous le fief du roi, par un chanoine ; Saint-Laurent, par un chanoine ; Saint-Aubin, par l'évêque ; Saint-Hellier, par un chanoine ; Saint Jean et Saint-Martin, par l'abbé de Saint-Melaine. Les prêtres qui desservent la chapelle Sainte-Anne sont nommés par la confrérie érigée sous l'invocation de saint Roch et de saint Eutrope. Les deux abbayes sont de l'ordre de saint Benoît : celle de Saint-Melaine pour les hommes et celle de Saint-Georges pour les femmes. Les couvents d'hommes sont : les Jacobins, les Carmes, les Cordeliers, les Capucins, les Augustins, les Minimes et les Carmes-Déchaussés. Les communautés de filles sont : les Grandes et Petites Ursulines, les Calvairiennes de Saint-Cyr, les Carmélites, les Hospitalières, la grande Visitation, la Trinité, les Calvairiennes de Cucé, les Visitandines du Colombier, les Filles de Saint-Thomas-de-Villeneuve, les Filles du Bon-Pasteur, les Filles de la Sagesse et les sœurs de la Charité. Les quatre hôpitaux sont : Saint-Yves, l'Hôpital-Général, l'hôpital de Saint-Méen et les Incurables. La chapelle de Brequigni est une succursale de Saint-Etienne. L'évêque est seigneur d'une partie de sa ville épiscopale, qui peut compter 42 600 habitants.On remarque à Rennes une cour de Parlement, une chancellerie, une cour des aides, une table de marbre, un siège présidial, les sièges du consulat, des eaux, bois et forêts, de la prévôté, de la police, et plusieurs autres jurisdictions qui s'exercent dans la basse salle du présidial, et qui appartiennent à différents seigneurs, savoir : les regaires de l'évêque et ceux du chapitre, Brequigni, l'abbaye de Saint-Georges, l'abbaye de Saint-Melaine, le comté de Mejusseaume, la châtellenie de la Motte-au-Vicomte, la Freslonnière, la Martinière, le prieuré de Saint-Cyr, Cucé, la Cotardais, les Gailleuls , les Loges, le prieuré de Saint-Moran, le prieuré de Saint-Michel, Montbarot, la Prévalaye, la Thébaudaye-Chenaudière, la Vicomté, la Ville-Asselin, le prieuré de Saint-Martin, la Plesse, les Chesnai et la Lande-Coëtlogon. Ces deux dernières s'exercent dans la paroisse de Saint-Martin.
Rennes est un gouvernement particulier de la lieutenance du roi en Bretagne. Dans la même ville est l'intendance de la province, quoique le siège de celle généralité dût être à Nantes, où résident les généraux des finances et trésoriers de France réunis à la Chambre des comptes. Le prévot général de la maréchaussée fait aussi son séjour à Rennes, avec trois brigades. On remarque un hôtel des gentilshommes, une commission intermédiaire qui s'assemble deux fois la semaine, le greffe des Etats, une communauté de ville, une recette des domaines, les postes aux lettres et aux chevaux, un bureau de messagerie, etc.
Le commerce de Rennes n'est pas fort étendu ; il consiste principalement dans l'importation et l'exportation des denrées nécessaires à la vie. On trouve néanmoins dans la ville plusieurs manufactures de bonnets, de bas, de toiles, d'étoffes et de fayence. L'occupation la plus ordinaire des femmes du peuple est de broder la mousseline pour le linge. Le beurre est la branche la plus étendue du commerce des Rennais ; ils en font passer une quantité prodigieuse à Nantes et dans les autres villes de Bretagne, et même jusqu'à Paris. La situation de leur ville ne leur permet pas de se livrer immédiatement au commerce maritime. La Vilaine leur donne la facilité de faire venir de Redon et d'y conduire, par le moyen des écluses construites sur cette rivière, les marchandises importées et exportées ; mais cette navigation est pénible et coûteuse, et il n'est pas vraisemblable que jamais la ville de Rennes brille par son commerce, à moins qu'on ne rende navigables les rivières qui sont dans cette partie de la province. Aussi le peuple, qui n'a pour toute ressource que le revenu modique d'un travail journalier et peu lucratif, est-il généralement pauvre. Le corps du commerce est composé des marchands de draps, épiciers et merciers. La rivière d'Ille, qui traverse deux des faubourgs et qui se jette dans la Vilaine, n'est point navigable.
Rennes est certainement une des anciennes villes des Gaules ; mais l'époque de sa fondation est absolument inconnue. Les fables qu'on a débitées, les conjectures qu'on a formées sur son origine ne prouvent que l'impossibilité de la découvrir. Je ne rapporterai point ici les différentes opinions adoptées par les amateurs du merveilleux : je me bornerai à dire qu'avant la conquête des Romains, Rennes se gouvernait en république, comme les autres villes de l'Armorique, qui ne reconnaissaient aucun souverain particulier. On ne peut mieux comparer leur gouvernement qu'à celui des Suisses, ou à celui qui se forme actuellement dans le nord de l'Amérique. Jules-César, après avoir conquis une partie des Gaules, envoya Crassus contre Rennes. Ce lieutenant l’a prit et l’a soumit à la domination romaine. Les anciennes cartes géographiques lui donnent le nom de condate rhedonum, nom qu'elle a quitté pour prendre celui du peuple qui l'habitait, Rhedones, dont, par corruption, on a formé le mot Rennes. Le pays de ces Rhedones s'étendait le long de la Vilaine jusqu'à la mer. Quelques historiens prétendent que cette ville était anciennement située sur la rivière d'Ille, et que son enceinte s'étendait depuis la paroisse de Saint-Martin jusqu'à celle de Saint-Laurent, qui est encore une des paroisses de la ville, quoiqu'elle en soit éloignée de trois quarts de lieue. On a remarqué dans cet intervalle une longue suite de murs qui commencent au bas de la rue Saint-Dominique, dans le champ de la Cochardière. On y aperçoit l'emplacement d'une grande tour qui se connaît à la couleur du gazon, qui est bien moins frais qu'aux environs. Quoi qu'il en soit, César donna le gouvernement de Rennes à Crassus, qui l'avait prise. Ce Romain fut en même temps magistrat et gouverneur, et plutôt le roi que le protecteur des Rennais. Ils ne pouvaient rien entreprendre ni rien décider sans son approbation ; il présidait à toutes les assemblées, et sa volonté était une loi qu'il fallait suivre. Cette forme de gouvernement s'établit de telle sorte dans cette ville, qu'elle subsistait encore dans le XVe siècle. Les plus anciens titres qui se voient aux archives de la maison de ville sont des années 1410 et 1418 ; ils nous apprennent que l'autorité résidait tout entière dans la personne du gouverneur, en son absence dans celle de son lieutenant, et successivement dans les deux connétables. On ignore les révolutions que peut avoir éprouvées la ville de Rennes, quoiqu'il soit vraisemblable qu'elle n'en a pas été exempte ; mais nous croyons devoir rapporter deux inscriptions qui ne peuvent qu'aider à percer l'obscurité des premiers siècles de notre ère. Sur un des parements de la porte Mordelaise se lit celle-ci :

IMP CAES. ANTONIO.
GORDIANO. PIO. FEL. AUG. P. M.
TR. P. COS. O. R. (id est civitas Redonis)

S'il était certain que l'inscription et la pierre eussent été placées là à dessein, on pourrait assurer que cette porte fut bâtie dans le IIIe siècle, puisque Gordien fut reconnu empereur en 236, et qu'il se tua en 238. On pourrait encore conclure de là que l'ancienne cité de Rennes, qu'on appela la Ville-Rouge, fut bâtie dans les IIe et IIIe siècles ; mais ce n'est qu'une faible conjecture, puisqu'il se peut très-bien faire que cette pierre, détachée d'un monument érigé à l'empereur Gordien, ait été placée là sans autre dessein du constructeur ou du maçon que celui de faire usage d'une pierre commode. Cette inscription ne peut donc rien prouver. Voyons maintenant si l'autre nous donnera des connaissances plus certaines. Elle fut trouvée en 1741, sous une lame de bronze, dans la cour de M. de Salis, près la place de la Vieille-Monnaie. La voici :


Heic ubi Junonis celebrantur sacra monetae,

Venus et Liber jongont pia Numina dextras ;

Non procul à madidis quae ambit Vivonia pratis,

Turba Sacerdotom, Martis streidente procella,

Condit humi pateras, cyathosq. et vasa Liaei.

Nec nisi post longam aetatem, serosque nepotes,

Com reget Armoricas Princeps aequiss. oras,

Effodientur opes : hic divae templa rnonetae,

Restituet, sacramque viris plaudenlibus aedem

Auro, non color est, ni justo splendeat usu.

 

Cette inscription, découverte dans le terrain formé par la porte Mordelaise, est certainement du temps des Romains. Elle nous apprend qu'il y avait dans cet endroit un temple consacré à Junon-Monète ; que ce temple n'était pas éloigné de la Vilaine, et que, dans un temps de guerre et de pillage, les prêtres, craignant que leurs trésors ne devinssent la proie de l'ennemi, les avaient enfouis sous terre dans le lieu même. On sait qu'à Rome le temple de Junon-Monète était destiné à conserver l'argent monnayé : celui de Rennes pouvait servir au même usage. En réunissant les conjectures formées par les deux inscriptions, on peut croire que l'endroit où la dernière a été trouvée faisait partie de l'ancienne cité de Rennes, et, selon toutes les apparences, la ville des Celtes-Rennais était dans ce lieu-là. Malheureusement ce monument est sans date, et l'on ne peut savoir quelle était cette guerre qui désolait alors la Bretagne. Poussons encore plus loin nos conjectures, d'après les découvertes faites depuis quelques années. Au côté oriental de la place de la Vieille-Monnaie, on trouva, en creusant les fondements d'un édifice, en 1774, à environ sept pieds de profondeur, quelques ossements et une patère décorée de seize médailles impériales. Cette patère est d'une espèce unique par sa grandeur, ayant neuf pouces cinq lignes de diamètre ; elle est ornée dans le fond d'un bas-relief qui représente les Bacchanales. Les ouvriers trouvèrent de plus, dans le même endroit, quatre-vingt-quatorze médailles de pur or comme la patère ; elles sont de différents empereurs, depuis Néron, qui se tua l'an de grâce 70, jusqu'à Aurélien, qui parvint à l'empire vers 270. On trouva encore quatre médailles enchâssées dans des cercles travaillés en filigrannes, avec une bélière à chacune et trois chaînes d'or. Ces précieux monuments, pèsent ensemble huit marcs cinq onces quatre gros d'or. Le chapitre les envoya à M. le duc de Penthièvre, gouverneur de la province, qui fut prié de les présenter au roi. La même année, les ouvriers employés au bâtiment du chapitre trouvèrent, dans le même lieu , une médaille d'or, d'Antonin le Pieux, qui parvint à l'empire l'an 138 de l'ère chrétienne.
On voit que, parmi les médailles ou monnaies trouvées, il y en a qui sont de la fin du troisième siècle ; ce n'est donc que dans ce siècle ou dans l'autre qu'elles ont été mises en terre, de là on peut présumer que la guerre dont parle l'inscription est celle que causa l'arrivée de Maxime et de Conan dans l'Armorique. Je sais bien qu'on peut m'objecter que Rennes avait des évêques quelque temps avant cette époque, mais ces évêques n'avaient qu'un très-petit troupeau. Saint Clair, évêque de Nantes, n'avait pas deux cents sectateurs dans sa ville, et il est probable que l'évêque de Rennes n'avait pas fait de plus grands progrès. Le paganisme subsista dans l'Armorique, non seulement jusqu'au règne de Conan, mais encore longtemps après.
L'histoire politique de la ville de Rennes n'offre presque rien de certain avant l'arrivée de Maxime et de Conan Mériadec. Elle obéissait aux Romains, et suivait les lois de l'empire. La religion chrétienne commençait à s'y établir. Il y avait environ quarante ans que Modéran, son premier évêque, y avait jeté les semences de la foi, mais elle tenait encore à ses anciennes erreurs, et peu de personnes avaient eu le courage de les abandonner. Maxime, suivi de Conan et d'une armée nombreuse de Bretons, débarqua dans l'Armorique, vers l'an 383. D'après le récit des historiens, il est probable qu'ils mirent pied à terre à l'embouchure de la Vilaine. Ils remontèrent cette rivière, et ayant défait les troupes qui s'opposaient à leur passage, ils se présentèrent devant Rennes, et sommèrent cette ville de se rendre. Sulpice, capitaine Gaulois, qui y commandait pour l'empereur, obéit. Nantes se soumit ensuite, et toute l'Armorique suivit l'exemple de ces deux villes. Maxime donna à Conan le pays qu'il venait de conquérir, et continua sa route.
On croit que les églises paroissiales de Saint-Etienne, Saint-Germain et de Toussaint, furent fondées vers la fin du IVe siècle ou au commencement du Ve. On prétend qu'alors les églises n'étaient point dans l'enceinte des cités, parce qu'on craignait que , sous prétexte d'entendre la messe, des étrangers, mal intentionnés, n'entrassent dans les villes et ne les surprissent. Il n'y avait, dit-on, dans la cité de Rennes, d'autre chapelle que celle de Notre-Dame, qui servait de cathédrale. Les dix paroisses, avec les abbayes de Saint-Melaine et de Saint-Georges, ont été pendant longtemps hors des murs, et ce n'est que par l'agrandissement de la ville qu'elles se trouvent aujourd'hui renfermées dans son enceinte, comme on le verra dans son temps.
L'histoire politique et civile de Rennes ne nous offre aucun fait digne de mémoire dans les IVe Ve et VIe siècles. En 693, l'église de Saint-Melaine fut réduite en cendres. Salomon, roi de Bretagne, la fit rebâtir, et cette construction l'a fait regarder, par quelques historiens, comme le fondateur de cette abbaye. La Martinière combat ce sentiment et attribue cette fondation à saint Paterne, évêque du Mans. On peut prendre un milieu entre les deux opinions. Il est certain que l'évêque Paterne fit construire ce monastère, mais il est douteux s'il y attacha des revenus, et s'il y plaça des religieux. Salomon lui donna des biens considérables, mais on ne sait en quel temps les moines de Saint-Benoît l'habitèrent. Salomon voulut être enterré dans cette abbaye, dont il est reconnu le principal bienfaiteur. Elle a été depuis attachée à la mense épiscopale, et les évêques de Rennes en sont les abbés nés.
658. — Les Français prennent Rennes, et la soumettent à la domination du roi Clovis.
843. — Charles-le-Chauve, roi de France, assemble son armée à Poitiers, et vient faire le siège de Rennes. Cette ville est si bien défendue que le monarque est forcé d'abandonner son entreprise.
874. — Après la mort de Solomon, Pasquiten et Gurvand, ses meurtriers, se partagent la Bretagne. Pasquiten eut, pour son partage, Vannes et tout le pays situé au midi de la province, et Gurvand obtint le comté de Rennes. Ces deux comtes ne vécurent pas longtemps en bonne intelligence. Pasquiten, gendre de Salomon, plus ambitieux que son rival, voulant régner seul, appela une troupe de Normands à son secours, entra sur les terres du comte de Rennes, et y commit les plus affreux ravages. Il marche ensuite contre la ville et l'assiège. Les habitants, étonnés du grand nombre des ennemis, prennent la fuite ; il ne reste à Gurvand qu'environ mille braves disposés à seconder son courage. Ils lui représentèrent cependant qu'il n'était pas possible de se soutenir contre une si grande armée, et s'efforcèrent de lui persuader qu'il fallait céder aux circonstances et attendre une meilleure occasion, et qu'il valait mieux éviter le danger que de s'exposer à une mort certaine, en résistant à une armée si nombreuse. Gurvand, naturellement intrépide, leur répondit que jamais une honteuse fuite ne ternirait la gloire qu'il s'était acquise dans les combats ; qu'il préférait une mort glorieuse à la honte de vivre dans l'ignominie et l'exil, et que la victoire ne dépendait pas toujours du nombre des combattants et de l'aveugle fortune, mais du Dieu des armées et du courage des soldats. Ces braves, excités par ce discours, promirent à Gurvand de le suivre et de périr avec lui s'il le fallait. Ils firent une sortie et attaquèrent si vigoureusement l'ennemi qu'ils le mirent en fuite. Pasquiten retourna dans ses états, et les Normands échappés au carnage se retranchèrent dans l'abbaye de Saint-Melaine, d'où ils n'osèrent sortir qu'à la faveur de la nuit, pour se retirer en lieu de sûreté.
Raoul, chef des Normands, avait épousé la fille du roi de France, qui lui avait donné la Neustrie et la souveraineté de la Bretagne. Ce dernier don devait paraître d'autant plus singulier, que les rois de France ne jouissaient de cette souveraineté qu'autant qu'ils pouvaient contraindre, par la force des armes, les Bretons à la reconnaître. Mais le roi, qui voulait s'attacher l'étranger, et qui d'ailleurs était bien aise de mettre de la division entre deux peuples redoutables, considéra moins la justice que ses intérêts en cette occasion. Le duc normand ne fut pas plus tôt établi dans le pays qui lui avait été assigné, qu'il somma les comtes de Bretagne de venir lui rendre hommage. Ils n'écoutèrent cette sommation qu'avec colère, et y répondirent avec indignation. Raoul entre en Bretagne en 910, et, par des succès multipliés, force Berenger, comte de Rennes, à lui faire hommage. Cet acte de soumission déplut entièrement au peuple ; mais la Bretagne, trop faible pour repousser les efforts de son ennemi, fut obligée de plier. Dans la suite, les Bretons ne voulurent point acquiescer aux prétentions injustes des Normands. Fiers de leur liberté, ils bravèrent à la fois les rois de France et les ducs de Normandie. Les historiens de la nation, respectant les préjugés du peuple, ont quelquefois passé sous silence les humiliations auxquelles la force des armes et la nécessité forcèrent les princes Bretons de se soumettre. Par exemple, quelques-uns ont prétendu que les ducs de Bretagne n'ont jamais rendu hommage aux ducs normands. Pour conserver l'honneur de la nation, il ne s'agissait pas de taire une vérité reconnue. Comme ce n'est pas la force qui fait le droit, il fallait examiner si les prétentions des Normands étaient fondées et en démontrer l'injustice ; ce qui ne paraît pas difficile.
1007. — Les bourgeois de Rennes accordent le droit de bouteillage aux chanoines de leur église cathédrale. Le duc Geoffroi ratifie cet acte de piété dans la même église, en présence de la duchesse et des barons.
1020. — Assemblée des évêques de Bretagne : on ne sait dans quel lieu. Les prélats approuvent le rétablissement des monastères de Saint-Gildas de Rhuis, de Lominé et de Saint-Georges de Rennes. La première abbesse de cette maison fut la sœur d'Alain, duc de Bretagne, qui dota l'abbaye. Le premier terrain qu'il donna était un champ qui, quoique petit, dit l'acte de concession, n'était pas à mépriser : il renfermait des vignes abondantes, des prairies arrosées par une rivière poissonneuse et deux moulins. Ce champ touchait, du côté du nord, au chemin public ; du côté du midi, à la Vilaine ; du côté de l'orient, à Saint-Melaine, et du côté de l'occident, aux faubourgs de la ville. Le duc leur donna en outre le village nommé Tenteniac, avec son église, ses biens présents et à venir, et exempta de toute imposition les domaines de ces religieuses, présents et futurs, et leur permit, dans tous les lieux de sa domination, d'acheter et de vendre toutes les marchandises qu'elles voudraient, etc. Sur la fin de l'acte, le duc enjoint aux évêques de Bretagne d'excommunier le premier audacieux qui osera violer ou attenter aux droits ci-dessus accordés. Cette pièce est signée du duc Alain ; de Junkeneus, archevêque de Dol, et de tous les évêques de Bretagne. L'église du couvent de Saint-Georges fut bâtie sur les ruines d'un ancien temple dont on aperçoit encore quelques vestiges ; elle forme une des paroisses de la ville. L'abbaye de Saint-Georges est le monastère le plus célèbre et le plus distingué de la province. On n'y reçoit que des filles de condition noble, quoiqu'il n'y ait aucune constitution pour fondement de cet usage, qui s'observe plus régulièrement que beaucoup de lois solennelles. L'illustre naissance d'Adelle de Bretagne, sœur du duc Alain III, qui fut la première abbesse de ce couvent, où elle vécut avec des demoiselles du premier rang, a été le motif de l'exactitude qu'on apporte à n'admettre dans cette communauté que des personnes de la première distinction. Parmi les religieuses de cette maison, on compte plusieurs princesses, et les plus anciennes familles de la province se sont toujours fait honneur d'y consacrer à Dieu des dames de leur maison. C'est de là, sans doute, que sont venues les richesses immenses de cette abbaye. On sait qu'autrefois, pour prendre le voile comme pour porter le capuchon, il fallait faire des donations considérables aux monastères dans lesquels ou entrait. Plus on était riche, plus on exigeait ; et il n'est pas étonnant qu'une communauté qui n'admettait que les filles de grands seigneurs ait trouvé le moyen de se faire des revenus prodigieux.
Le prieuré de Sainl-Cyr, situé à l'extrémité du faubourg l'Evêque, fut fondé, vers l'an 1037, par le duc Alain III, qui prit, à ce sujet, l'avis de plusieurs abbés, et particulièrement de Richard, abbé de Saint-Julien, qui se transporta sur les lieux, et convint avec le duc de faire habiter ce nouveau monastère par des religieux de son ordre, dépendants de son abbaye. — Alain, toujours porté à favoriser les moines, donna, en 1039, le dixième de la seigneurie de Rennes à l'abbaye de Saint-Melaine, comme nous l'apprend un cartulaire de cette maison. Il fit en même temps frapper des sous et des deniers d'argent à Rennes.
1055. — Geoffroi-le-Bâtard, comte de Rennes, et Berthe de Dol, son épouse, font rétablir l'abbaye de Saint-Melaine, qui avait été ruinée par les malheurs de la guerre, et la donnent à Even, moine de Saint-Florent de Saumur, qui prit le titre d'abbé. — Eudon, comte de Penthièvre, tuteur de Conan II, fait frapper des deniers et des sous rennais, avec une espèce monnaie appelée Popelicans ou Popelicains. — Le 11 septembre 1066, le duc Conan meurt en commençant la guerre avec le duc de Normandie ; son corps est transféré à Rennes, et porté par les quatre barons de Bretagne dans l’église Saint Melaine, où il est enterré. Berthe, comtesse de Blois, mère de ce jeune prince, donne aux chanoines de l'église cathédrale de Rennes, le tiers des pâturages qu’ils possédait dans la forêt de Mont Mohon. — Even, abbé de Saint-Melaine, se rend recommandable par la plus sage conduite. Son abbaye qui ne pouvait nourrir que quelques religieux, est rétablie dans sa première splendeur ; ses revenus sont augmentés et fournissent aux besoins de cent moines. L’archevêque de Tours assemble, en 1079, un concile à Rennes, où se trouve le duc Hoël. Cette assemblée décide “ qu’un homme, à qui l’on a imposé une pénitence publique ou secrète pour l’expiation de quelques grands crimes, ne peut, en sûreté de conscience, ni s’appliquer au commerce, ni porter des armes à moins que ce ne soit pour la défense de l’église, de la patrie ou des pauvres. ”
En 1080, le duc Geoffroy donne à l’abbaye de Saint-georges une prairie située sur les bords de la Vilaine : la Prairie Saint-Georges. Au début de l’année 1084, ce prince cède à Sylvestre de La Guerche, évêque de Rennes, son droit de haute-justice autour de l'église cathédrale, du faubourg l’Evêque et dans la paroisse de Bruz, et ses successeurs en ont joui jusqu'à aujourd'hui.
1084. — Hoël II, duc de Bretagne, meurt le 13 avril. Alain IV, son fils et son successeur, veut aller prendre la couronne à Rennes. Geoffroi, son oncle, comte de cette ville, lui en refuse l'entrée. Ce procédé irrite le jeune duc, qui vient assiéger celle place, la prend d'assaut, et Geoffroi n'a que le temps de se déguiser pour se dérober à la colère de son neveu. Le prince fugitif s'enferme dans le château de La Guerche, à huit lieues trois quarts de Rennes. Alain se fait couronner, et envoie contre La Guerche une armée qui prend prisonnier son oncle, qui, deux ans après, meurt en exil à Quimper. L'année suivante, 1085, Alain épouse à Caen Constance, fille de Guillaume-le-Conquérant, roi d'Angleterre. L'arrivée de ces deux époux à Rennes est célébrée par des fêtes et des réjouissances. La princesse meurt en 1090, sans postérité, et est enterrée dans l'église de Saint-Melaine. En 1119, l'abbé et les moines de Saint-Melaine sont excommuniés, on ne sait pour quelle raison ; et le pape charge l'évêque Marbodus de bien faire garder l'excommunication. Le duc Alain IV, revenant de la Terre-Sainte, où il avait été accompagné par un grand nombre de seigneurs bretons, trouve son duché rempli de désordres. Pendant son absence, les grands avaient vexé le peuple, et la justice n'avait point été administrée. Pour remédier à tous ces maux et en tarir la source, il établit un siège de judicature à Rennes, y crée un sénéchal, et soumet à son tribunal tout le reste de la Bretagne, à l'exception du comté de Nantes. Toutes les causes devaient ressortir devant ce premier tribunal, par contredit, qui était une forme de réclamation de jugement ou d'appel.
En 1126, Rennes est affligée par la disette. Les habitants écrivent au duc Conan dit “le Gros” et à la duchesse, sa mère, leur peignent leur situation malheureuse, leur désespoir, et leur demandent des secours. Deux ans après, cette ville infortunée est réduite en cendres. Le duc Conan a la douleur d'être témoin de ce triste spectacle. On continue toujours de battre monnaie à Rennes, et le duc confirme, en 1139 et 1158, à l'abbaye de Saint-Melaine, le don que lui avait fait, en 1039, le duc Alain III, du dixième des monnaies. Cette augmentation de valeur idéale a des suites fâcheuses. Le peuple de Rennes écrit au duc que ce changement a fait augmenter les denrées, qui étaient déjà trop chères, et que les pauvres sont réduits au désespoir ; il finit par le supplier de rétablir les choses sur l'ancien pied. L'expérience a prouvé que les révolutions dans le prix des monnaies étaient toujours désavantageuses.
1140. — Ermengarde d'Anjou, veuve du duc Alain III, fonde le prieuré de Saint-Michel, et fait bâtir, auprès de son château, une petite chapelle sur une tour appelée la Tour-au-Comte, où sont maintenant les prisons. La porte de Saint-Michel s'appelait alors la porte Châtelière. L'année suivante, le duc Conan fait venir un religieux de l'abbaye de la Roë, dans l'Anjou, pour desservir cette chapelle, et fonde lui-même la chapelle de Saint-Lazare, qu'il donne à la même abbaye, avec tous les revenus attribués au chapelain. La chapelle de la Madeleine, dans le faubourg de ce nom, date de la même époque, et reconnaît le meme fondateur. Le faubourg de la Madeleine ne porte ce nom que depuis 1400. Il se nommait auparavant le faubourg du Lazare.
Alain, dit le Noir, seigneur de la Rochederien et comte de Richemont, fils cadet du comte de Penthièvre, épouse Berthe, fille du duc Conan III. Il a de son mariage un fils nommé Conan, et deux filles, et meurt le 30 mars 1146. Berthe, son épouse, prend, en secondes noces, Eudes, IIe du nom, vicomte de Porhoët, à qui elle porte le duché de Bretagne, après la mort de Conan III, son père, arrivée l'an 1148. Conan, fils d'Alain, était passé en Angleterre. Après la mort de sa mère, il demande du secours au roi d'Angleterre pour chasser de son trône le vicomte de Porhoët (sous le nom de Eudes II), son beau-père, qui l'occupait injustement. Le monarque anglais se rend à sa prière, et Conan repasse en Bretagne l'an 1155 ou 1156. Les Bretons de son parti se joignent à lui et prennent quelques places. Conan met le siège devant Rennes, est battu et forcé de retourner en Angleterre. Il sollicite et obtient de nouveaux secours, repasse la mer, et, plus heureux que la première fois, il se rend maître de la ville et met Eudon dans les fers. D'Argentré dit que cette ville était alors fort élendue et bien fermée. Je le crois, quant au second point ; mais, quant au premier, il paraît qu'il se trompe, si l'on en juge par l'enceinte de cette ancienne cité.
Au mois de mai 1169, et non en 1155, comme le prétend d'Argentré, Geoffroi d'Angleterre, fils du roi Henri II, épouse Constance de Bretagne, fille du duc Conan IV, et vient avec son épouse et le roi son père à Rennes, où ils sont tous magnifiquement reçus par l'évêque et le clergé. Geoffroi est reconnu duc de Bretagne, et prend possession de ce duché dans cette ville. Conan IV [dit “le petit” ou “le tort”] se voit ainsi dépouiller de sa couronne sans oser proférer la moindre plainte, et le monarque anglais gouverne la Bretagne, au nom de son fils, depuis 1169 jusqu'en 1182, que le jeune prince, parvenu à l'âge de majorité, prend lui-même les rênes de ses Etats.
1176. — Synode provincial, assemblé à Rennes par l'archevêque de Tours. On ignore les actes de ce concile. L'an 1180, l'évêque Philippe fait commencer la démolition de sa cathédrale, qui menaçait ruine, et la fait rebâtir dans le même lieu, mais sur un plan nouveau. Un historien de Bretagne dit que ce prélat n'avait point d'argent pour cette entreprise ; mais que, persuadé qu'il trouverait un trésor dans la démolition de l'édifice ancien, il n'hésita point à commencer l'exécution de son projet. Il ne fut pas trompé dans son espérance : il trouva, selon le même auteur, autant d'argent qu'il en fallait pour la confection de l'ouvrage.
1182. — Geoffroi d'Angleterre, duc de Bretagne, âgé de vingt et un ans, prend en main le gouvernement de ses états. Son père veut le forcer à rendre en même temps hommage à Henri, son frère aîné, roi d'Angleterre et duc de Normandie, et au roi de France Louis-le-Jeune. Le duc et les seigneurs refusent nettement d'obéir. Henri, outré de ce refus, envoie en Bretagne une armée, qui prend Rennes et met cette ville à feu et à sang. Geoffroi accourt à son secours, mais trop tard ; il ne lui reste que la consolation de réparer les ruines de cette ville saccagée. Il y assemble ses Etats en 1185, et y porte la fameuse loi concernant le partage des fiefs de baronnie et de chevalerie entre aînés et cadets nobles. Cette ordonnance est encore appelée l'Assise du comte Geoffroi.
Les moines de Saint-Melaine, à la mort de leur abbé, avaient coutume de choisir son successeur parmi les religieux du couvent de Saumur, lorsqu'il ne se trouvait personne parmi eux capable d'occuper cette place. L'abbé étant mort l'an 1184 ou 1185, ils procédèrent à l'élection, et nommèrent un des leurs. Le duc Geoffroi, apparemment fâché de n'avoir pas été appelé au chapitre, ou consulté sur le choix, fit enlever l'élu, et traita les moines avec la dernière rigueur. L'abbé, pour apaiser le prince, se démit de sa place, et les religieux de Saint-Melaine jetèrent les yeux sur un sujet du couvent de Saumur. Cette élection ne fut pas plus du goût de Geoffroy que la première. Ce prince nomma un moine d'une autre maison, et le mit par force en possession de sa place. Une conduite si opposée aux principes de l'Eglise fit fuir presque tous les bénédictins de Saint-Melaine. Ils se retirèrent à Saumur, et instruisirent le pape de ce qui se passait. Le pontife écrivit sur-le-champ à l'évêque d'Angers, à l'élu de Nantes et à l'abbé de Thouars, et les chargea de se rendre à Saint-Melaine, de choisir canoniquement un sujet, et de l'établir abbé de cette maison, en vertu du pouvoir qu'il leur donne, malgré les moines eux-mêmes, s'ils osaient s'y opposer. On ne sait point la suite de cette affaire ; mais il est à croire que les ordres du pape furent exécutés. L'an 1194, la duchesse Constance accorda à l'abbaye de Saint-Melaine le droit de faire rendre justice à ses vassaux ; elle ne se réserva que le droit de glaive.
Pierre de Dinan, évêque de Rennes, établit quatre chanoines réguliers dans son église cathédrale, et leur assigne des fonds et des revenus pour leur subsistance, à la charge d'y assister, comme les autres chapelains, à toutes heures canoniales, et d'y célébrer la messe.
Les chapellenies de Saint-Michel et de Saint-Lazare, fondées par la duchesse Ermengarde et le duc Conan III, ayant été données au chapitre de la cathédrale, furent réunies pour être desservies dans la suite par un religieux de l'abbaye de la Roë, qui devait servir de chapelain dans la cathédrale. Les moines et le chapitre convinrent et décidèrent « que le religieux serait nommé et choisi par le chapitre ; qu'il assisterait à toutes les heures canoniales dans la cathédrale, qu'on lui assignerait un autel particulier pour dire la messe, et qu'au cas que forcé d'aller la célébrer dans la Tour-au-Comte, il ne pût la dire dans la cathédrale, il serait tenu de la faire acquitter par un prêtre séculier. » On fit plusieurs autres arrangements pour établir une parfaite union entre l'évêque, les chanoines, les chapelains et les moines, non seulement pour ce qui concernait le spirituel, mais même encore le temporel, et le tout fut approuvé par l'évêque Pierre de Dinan, l'an 1206. L'original est aux archives du chapitre, avec plusieurs pièces de procédures pour faire exécuter le règlement ; mais on n'a pu jusqu'ici y réussir. Les moines ne font point de résidence et n'ont point dit la messe, qu'ils doivent tous les jours, depuis l'année 1656.
L'abbaye de Rillé fournissait d'abord, et assez exactement, quatre chapelains à l'église cathédrale de Rennes, mais sans aucune obligation. Le chapitre, par reconnaissance, donna à ces chapelains la chapelle de Saint-Denis (voir l’article final, au paragraphe Etablissements consacrés au culte), située sur son fief, avec ses dépendances, quelques maisons pour se loger, et autres revenus pour leur subsistance. Ces religieux, dégoûtés de leurs occupations, se retirèrent, sous divers prétextes, dans leur abbaye. Le chapitre, voyant que l'abbé favorisait cette évasion, sans les obliger à renoncer aux revenus et aux domaines qu'on leur avait assignés, se pourvut contre eux en justice. Après de longues procédures, on consentit enfin à un accommodement qui fut proposé par les moines. On convint que l'abbaye ne fournirait pas autant de moines que par le passé ; qu'au lieu de 20 livres qu'on payait ci-devant au prieur, il n'aurait que 20 sous, le reste demeurant au chapitre ; que la cure serait présentée par le prieur, qui serait tenu de résider et d’assister exactement aux offices de jour et de nuit, et à dire ou faire dire, selon la coutume, la messe à l'autel de Saint-André. Cet accommodement fut accepté et ratifié en 1351 par les parties ; mais les conventions n'ont point été remplies. Les prieurs ont perçu les revenus sans acquitter les charges, malgré les sentences et jugements obtenus contre eux. Les originaux sont aux archives du chapitre : ils prouvent l'injustice et la mauvaise foi des moines, qui, depuis 1656, n'ont célébré aucune des messes qu'ils doivent tous les jours.
1210. — L'archevêque de Tours assemble un concile à Rennes. On y termine la contestation entre l'évêque de Quimper et Guy de Thouars, duc de Bretagne, au sujet du château que ce dernier avait fait bâtir contre les murs de Quimper. Le prince, qui avait été excommunié, reconnaît ses torts, fait démolir la maison, et en donne tous les matériaux au prélat.
1213. — Pierre de Dreux, duc de Bretagne, par son mariage avec Alix, héritière de ce duché, va prendre la couronne à Rennes. Pierre de Fougères, ci-devant chancelier du duc Artur, alors évêque de ce diocèse, fait la cérémonie du couronnement, que nous allons détailler ici pour la satisfaction des lecteurs.
Les ducs se présentaient à la porte Mordelaise, et, avant d'entrer, ils juraient de conserver la foi catholique, de protéger l'Eglise de Bretagne, de défendre ses libertés, de gouverner sagement son peuple, et de lui rendre une exacte justice. Ils entraient ensuite dans la ville, et passaient le jour et la nuit devant l'autel de la cathédrale, jusqu'après les matines du lendemain. Après les vêpres et les complies, le prince se rendait à son logis et s'y reposait. Avant la grande messe du jour suivant, on allait processionnellement le chercher. Il sortait de sa chambre à l'arrivée de la procession ; et l'évêque, en habit pontifical, récitait les prières d'usage. Deux autres évêques, aussi en habit de chœur, se plaçaient à droite et à gauche du prince, et l'on retournait à l'église : les barons et le peuple suivaient. On faisait deux stations, l'une à la porte de l'église, l'autre à l'entrée du chœur. A ce dernier endroit, on donnait à deux chanoines l'épée et le cercle ducal, et l'on entrait dans le chœur, que l'on avait eu soin d'orner magnifiquement. Le duc était conduit par les évêques jusqu'au maître-autel, où il se mettait à genoux sur son prie-dieu. L'évêque de Rennes se plaçait à ses côtés sur un autre prie-dieu, et commençait l'hymne Veni Creator, après laquelle on chantait les litanies des saints, et on demandait la bénédiction du ciel pour le duc.
Pendant ces différentes prières, le plus ancien des chanoines, au côté droit de l'autel, tenait à la main l'épée nue, et un autre chanoine, au côté gauche, tenait le cercle ducal. Toutes les oraisons finies, le chanoine donnait l'épée à l'évêque, qui la bénissait et la présentait au duc, en lui disant à voix moyenne : On vous donne cette épée au nom de monseigneur Saint-Pierre, comme on l'a donnée aux rois et ducs vos prédécesseurs, en signe de justice, pour défendre l'église et le peuple qui vous est commis en prince équitable. Dieu veuille que ce soit par cette manière que vous en puissiez rendre vrai compte au jour du jugement, au sauvement de vous et audit peuple.
Le prêtre lui ceignait ensuite l'épée et lui posait le cercle ducal sur la tête, en disant : On vous baille, au nom de Dieu et de monseigneur Saint-Pierre, ce cercle qui désigne que vous recevez votre puissance de Dieu, le Tout-Puissant, puisqu'étant rond, il n'a ni fin ni commencement - Ce Dieu vous réserve une couronne plus belle dans le ciel, si vous remplissez vos devoirs, en contribuant par vos soins à l'exaltation de la foi et à la tranquillité de l'église et de vos sujets.
Après cette cérémonie, le duc montait à l'autel et faisait le serment ordinaire, en la forme qui suit : Vous jurez à Dieu, disait l'evêque, et à monseigneur Saint-Pierre, sur les saints évangiles et les saintes reliques qui sont ici, que vous conserverez les libertés, franchises, immunités et coutumes de l'église de Rennes ; que vous ne ferez aucun tort, aucune injustice, ni à nous, ni à vos autres sujets, et que vous ferez rendre la justice selon votre pouvoir. Le duc mettait la main sur l'autel et répondait - Amen. Il retournait ensuite à son prie-dieu, et l'évêque, après quelques oraison, commençait le Te Deum; après quoi on faisait une autre procession à laquelle assistait le duc, l'épée à la main. De retour à l'autel, on la mettait dans le fourreau et on la donnait au maréchal, qui la tenait pendant la messe. Tandis que le prélat était à s'habiller, le duc recevait l'hommage de ses barons, et assistait ensuite à la messe du Saint-Esprit qu'on célébrait sur-le-champ.
1222. — Le chapitre de Tours demande à Pierre de Fougères, évêque de Rennes, la permission de faire une quête dans son diocèse pour les malheureux ruinés par la guerre. Après la mort de celui-ci, Josselin de Montauban, son successeur, voulant avoir dans sa cathédrale deux religieux de l'abbaye de Saint-Jacques de Montfort, donna à cette maison l'église paroissiale de Bourg des Comptes, avec tous les revenus qui en dépendaient. Le devoir de ces religieux était de servir au chœur de l'église cathédrale, et d'y assister à tous les offices. L'acte fut dressé et arrêté dans un chapitre général, tenu le lendemain de la Chandeleur. Trois ans après, la fondation fut augmentée d'une chapellenie nouvellement dotée par Guillaume Berenger, chanoine et scholaslique de Rennes, pour le fonds de laquelle les moines de Saint-Jacques de Montfort donnèrent les deux tiers des dîmes qui leur appartenaient dans la paroisse de Langan, au diocèse de Dol. Les deux moines appelés trois ans après pour le service de la cathédrale furent donc chargés de desservir cette chapelle, moyennant les dîmes de Langan, dont leurs successeurs ont joui jusqu'à présent.
Les prieurs de Saint-Mauran ont assisté assez exactement dans ces derniers temps ; mais ils n'ont rendu aucun service au chœur, et n'ont acquitté aucune messe depuis 1656. Ils ne doivent que quatre messes par semaine, comme nous l'apprenons d'une sentence de l'officialité de Rennes, rendue dès l'année 1401. Cette pièce, qui condamne le prieur de ce temps à célébrer ou faire célébrer quatre messes par semaine à l'autel de Saint-Jacques, dans la cathédrale, prouve que ce n'est pas d'aujourd'hui que les fondations ne sont point acquittées.

1231. — Adam, chanoine et trésorier du chapitre de Rennes, fonde, dans sa cathédrale, une chapellenie, pour le fonds de laquelle il donne sa bibliothèque, qui était considérable pour le temps. Les religieux de l'abbaye de Paimpont, au diocèse de Saint-Malo, demandèrent cette bibliothèque, qui leur fut accordée aux conditions suivantes :
1/ de fournir un de leurs religieux, qui serait tenu de célébrer tous les jours la messe, et d'assister de jour et de nuit aux heures canoniales.
2/ de lui assigner un revenu sûr et suffisant pour sa subsistance.
3/ de ne point le révoquer, si ce n'est pour quelques excès ; et, en ce cas, d'en envoyer un autre, au choix du chapitre.
En conséquence, l'abbé et les moines de Paimpont offrirent trente quartiers de blé à prendre sur les dîmes qui leur appartenaient dans la paroisse de Messac. Ces trente quartiers produisent maintenant quatre cents boisseaux, qui valent, année commune, environ 800 livres de revenu. En 1237, on désigna au prieur la petite chapelle de Saint-Martin, qui subsiste encore près l'Hôtel-de-Ville, pour y célébrer la messe. Le tout fut approuvé et ratifié par les religieux de Paimpont, qui reconnurent avoir été saisis de la bibliothèque. Quand la chapelle de Saint-Martin ne fut plus en état, on donna au prieur la liberté de la célébrer à l’un des autels de la cathédrale. Un de ses successeurs s’étant ensuite plaint que la maison de son prieuré était si mauvaise, faute de réparations, qu’il ne pouvait y séjourner plus longtemps sans risquer de perdre la vie, Bertrand de Marillac, alors évêque de Rennes, et son chapitre, ajoutèrent à la fondation, en 1568, la chapellenie de dom Raoul Hurel, chargée d'une messe au jour de lundi ; et la maison qui lui est affectée vaut encore au prieur 300 livres de revenu en logements : il s'est trouvé chargé de huit messes par semaine en acquit des deux fondations. Le tout est constaté par actes déposés aux archives du chapitre. Mais, malgré tous les bienfaits des évêques et des chanoines, les prieurs n'ont d'autre soin que celui de percevoir les revenus, sans se soucier d'acquitter les fondations auxquelles ils sont tenus. Le chapitre, ennuyé de l'ingratitude des moines et de leur mauvaise foi, s'en plaignit en justice, l'an 1596. Le Présidial et le Parlement les condamnèrent successivement à faire résidence et à assister à l'un des pupitres du chœur, et, en cas de refus, ils autorisèrent les chanoines à saisir les revenus du prieuré. Ces jugements n'ont point été exécutés. Frère du Breil, pourvu de ce prieuré en l'an 1719, a bien fait résidence dans la ville pendant dix ans ; mais il n'a point assisté au chœur, et par conséquent n'a point rempli son devoir. Le chapitre, voulant poursuivre l'affaire, se mit en devoir de faire saisir les revenus des prieurés. Les prieurs, voyant cette façon d'agir, se joignirent tous ensemble, et prétendirent qu'étant chanoines-réguliers ils devaient avoir le rang et le pas immédiatement après les chanoines, devant les semi-prébendés et le bas-chœur.
1237. — Pierre de Dreux, duc de Bretagne, fait creuser de nouveaux fossés autour de la ville : ils sont connus, dans les anciens titres, sous le nom de Fossés-Gahier ; ils s'étendaient d'un côté jusqu'aux moulins du faubourg l'Evêque, et de l'autre côté jusqu'au puits ou fontaine de Beaumont. C'est ce que nous apprend la réformation de l'an 1445, qui dit que le duc possédait des fonds près de la Verrerie, sous le nom de Fossés-Gahier. Pour en revenir à l’année 1237, Pierre de Dreux assemble ses Etats à Rennes et abdique la couronne en faveur de Jean Ier, dit le Roux, son fils, qui est reconnu sur-le-champ duc de Bretagne par l'assemblée. Le prince va tout de suite rendre hommage de son duché au roi et revient à Rennes, où il fait son entrée et se fait couronner par l'évêque Jean Gicquel, le 18 novembre.
Les abbés et moines de Saint-Melaine avaient juré de ne point donner leurs bénéfices à des prêtres séculiers, sans doute parce qu'ils pensaient pouvoir les desservir eux-mêmes. Dans la suite, ils se repentirent de leur serment, et ils auraient bien voulu le faire annuler. Ils firent part de leur embarras au légat du pape, qui donna commission à l'évêque de Rennes de les relever de leur serment, ce qu'il fit l'an 1243. A la même époque, Geoffroi de Pouancé et Geoffroi de La Guerche fondèrent, dans la cathédrale, la chapellenie de Saint-Martin. Le prieur de Saint-Martin de Rennes, chanoine régulier de l'abbaye de Paimpont, fut chargé de la desservir dans la cathédrale. Les évêques de Rennes et de Saint-Malo souscrivirent à cette fondation.

1265. — L'évêque Maurice de Treziguidi cite le duc de Bretagne à la cour du roi de France, pour y répondre aux plaintes qu'il portait contre lui. Le prince ne veut point se soumettre à cet ajournenent, et se contente d'écrire au roi que, s'il est nécessaire qu'il plaide à sa cour, il va citer l'évêque à y comparaître, pour lui faire raison des entreprises continuelles qu'il formait sur sa jurisdiction. Le prélat est obligé d'en rester là.

1273. — Le 22 mai se fait l'ouverture du concile assemblé à Rennes, par Jean de Montsoreau, archevêque de Tours. Il nous reste sept canons de ce synode provincial. Le premier porte excommunication contre celui qui frappera un évêque, un abbé ou une abbesse, et le déclare, s'il est clerc, privé de ses bénéfices et inhabile à en posséder de nouveaux ; et, s'il est laïque, incapable, lui et sa postérité jusqu'à la troisième génération, de recevoir la tonsure. Le second veut que, puisque les biens des ecclésiastiques sont le patrimoine des pauvres, et leur maison commune à tout le monde, les gens d'église doivent leur donner tout leur superflu, et qu'une conduite contraire est une usurpation damnable. Il ajoute qu'on ne peut légitimement affermer une église paroissiale sans laisser au fermier une portion suffisante pour exercer l'hospitalité. Le troisième et le quatrième sont l'explication de ce dernier ; ils enjoignent aux ecclésiastiques d'exercer l'hospitalité, de recevoir les pauvres dans leurs maisons, de les consoler et de loger les passants.

1286. — Les archives du château de Nantes conservent un contrat de cette année, qui porte que Hamon de Plumaugat vendit au duc Jean Ier une rente de 45 livres monnaie sur la cohue de Rennes, que le sieur de Plumaugat avait achetée de Raoul de Montfort. Cette rente coûta au duc une somme de 675 livres.

Les évêques de Rennes et de Dol étaient exempts de suivre en personne le duc à la guerre; mais ils étaient obligés d'y faire marcher leurs vassaux. En 1294, le duc ayant assemblé son armée, les hommes du fief de l'évêque de Rennes y furent envoyés, à l'exception pourtant du camérier, du muletier, du boulanger et du fournier du prélat, qui en étaients exempts. En 1303, l'évêque Egide se soumet à faire serment de fidélité au duc, et à le reconnaître pour son souverain. L'Eglise commençait à abandonner ses prétentions ridicules, et les princes étaient résolus de briser une idole qu'ils avaient trop longtemps révérée. En 1315, pendant les Etats assemblés à Rennes, les prélats bretons reconnaissent publiquement le duc pour le garde naturel et légitime de leur Eglise, et avouent qu'en cette qualité il a le droit de percevoir les fruits et revenus des évêchés vacants. Ils reconnaissent de plus que leurs jurisdictions doivent ressortir au Parlement du duc, et qu'ils ne peuvent appeler des sentences de ce Parlement ailleurs que devant le pape. Cette déclaration, qui annonce la chute d'un pouvoir illégitime et l'aurore de la raison, fut enregistrée au Parlement, au mois d'avril de cette année.
1332. — Le duc accorda à Nicolas de Bréal, abbé de Saint-Melaine, la permission de tenir tous les ans une foire, le 14 septembre.

Pendant la guerre pour la succession au duché de Bretagne, la ville de Rennes changea souvent de parti. En 1341, elle fut assiégée par Jean de Montfort, qui, après plusieurs attaques, désespérait de s'en rendre maître, lorsque les assiégés, ayant fait une sortie, perdirent Henri de Spinefort, leur gouverneur. Le comte de Montfort reprit courage et résolut de tirer profit de cet événement. Avant de tenter de réduire les habitants par la force, il voulut essayer la ruse. Comme il savait que Spinefort était cher aux habitants, il leur fit dire que, s'ils ne lui rendaient sur-le-champ la ville, il allait faire pendre le capitaine. Cette menace eut son effet. Les Rennais, pour sauver une vie si précieuse, ouvrirent leurs portes, et le vainqueur mit dans leur ville une bonne garnison, dont il donna le commandement à Guillaume Cadoudal.

Au printemps de l'année 1343 [mai 1342]. Charles de Blois partit de Nantes avec son armée, et alla mettre le siège devant Rennes, qu'il poussa avec tant de vigueur que la ville fut forcée de capituler et de se rendre au mois de mai suivant. La capitulation portait que les troupes de Montlort sortiraient vies et bagues sauves. En conséquence, Charles de Blois fit son entrée à Rennes, reçut le serment de ses habitants, et leur donna une bonne garnison. Guillaume Cadoudal alla rejoindre la comtesse de Montfort à Hennebon. La même année, le roi d'Angleterre vint en Bretagne, et assiégea en même temps les villes de Rennes, de Nantes et de Vannes. Il n'en put prendre aucune, et réunit toutes ses forces contre la première, dont il ne put s'emparer, malgré toute son activité et sa valeur. Cette ville fut tranquille jusqu'en 1356. Le 3 octobre de cette année, le duc de Lancastre se présenta devant ses murailles avec une armée considérable, investit cette place de toutes parts, et ferma si bien toutes les issues qu'il était impossible de la secourir et de lui faire passer des vivres. Le dessein du prince anglais était de se faire un asyle et une place d'armes de cette ville. Il n'en avait point dans toute la province, et il avait juré qu'il ne quitterait Rennes que lorsqu'il s'en serait rendu maître. Cependant Bertrand Duguesclin, qui n'avait pu s'enfermer dans la ville assiégée, cherchait tous les moyens de faire échouer les entreprises des Anglais : il courait la campagne, côtoyait perpétuellement les Anglais, s'emparait de leurs convois, enlevait leurs quartiers, détroussait leurs vivandiers et leurs marchands, les battait aux fourrages, et leur faisait tous les jours des prisonniers. En vain les assiégeants prenaient-ils contre lui toutes les précautions possibles ; il se conduisait avec tant de stratégie qu'ils ne purent jamais l'attaquer à leur avantage. Au moment qu'ils le croyaient bien éloigné, il était à leurs trousses, et jamais ils ne le trouvaient où ils le cherchaient. Il fit prisonnier un des chefs de leur armée, nommé le baron de la Poole, recommandable par sa bravoure et son illustre naissance. Le nom de cet Anglais donna lieu à la plaisanterie des soldats de Duguesclin, qui disaient que l'aigle bretonne avait plumé la poule anglaise.
Bertrand , fâché de ne pouvoir entrer dans Rennes, offrit au baron la remise de sa rançon, à condition qu'il irait demander au duc de Lancastre, et en obtiendrait pour lui et les siens, la liberté du passage pour pénétrer dans la ville. La Poole se rendit auprès du duc, qui lui répondit qu'il se garderait bien d'accepter une telle condition, et qu'il aimerait mieux apprendre que cinq cents archers seraient entrés dans Rennes que Duguesclin tout seul. Le baron rejoignit son vainqueur avec cette réponse, et se constitua son prisonnier.
Cependant le siège continuait, malgré l'extrême rigueur de l'hiver, et les incommodités de la saison n'interrompaient point les courses de Duguesclin. Il n'avait, pour l'ordinaire, le jour et la nuit, que le ciel pour couvert, et les forêts de Rennes et de Chateaubriand pour retraites, ce qui fatiguait extrêmement les hommes et les chevaux ; mais il était tellement aimé de ses soldats qu'ils ne se refusaient à rien sous ses ordres. Les Anglais commencèrent à murmurer dans leur camp. Fatigués par le froid excessif, maltraités par ceux de la ville, ils ne voulaient plus entendre parler d'assaut ni d'escalade. Le duc de Lancastre, quoiqu'il fût aussi rebuté que ses troupes, ne voulait pas abandonner son entreprise avant d'avoir tenté tous les moyens possibles. Il fit creuser un souterrain qui devait aboutir au milieu de la ville, par lequel il ferait entrer autant de monde qu'il en faudrait pour la prendre. On commença sur-le-champ l'exécution de ce projet, et en moins de six semaines, cette galerie était presque achevée, lorsque les assiégés s'aperçurent du danger qui les menaçait. Ils vérifièrent bien exactement si leurs craintes étaient fondées, et quand ils en furent certains, Bertrand de Saint-Pern fit faire l'ouverture de la mine, se jeta dedans avec quelques hommes d'élite, massacra un bon nombre d'Anglais, poussa les autres, et mit le feu aux merrains qui soutenaient les terres, et le souterrain fut comblé.
Cet échec enflamma le duc de Lancastre de colère, et il persista dans la résolution de prendre Rennes. Effectivement, il serait venu à bout de son dessein, sans les incidents qui l'en empêchèrent. La disette commençait à se faire sentir, et la consternation était générale. Pour aviser aux moyens de se tirer d'affaire, Penhouët, gouverneur de la ville, assembla son conseil de guerre. On proposa divers expédients ; mais ils ne pouvaient remédier aux maux pressants de la ville. Le résultat fut donc qu'il fallait se rendre, et tâcher d'obtenir une capitulation honorable. Tous les habitants avaient été appelés à cette délibération, et la résolution était prise de traiter avec l'ennemi, lorsqu'un bourgeois, connu dans sa ville par sa vertu et l'amour qu'il avait pour sa patrie, se leva et demanda audience : « Messieurs, dit-il, le parti que l'on vient de prendre me paraît un peu précipité ; il est extrême, et, s'il est suivi, notre prince perd pour jamais le duché de Bretagne. Cette considéralion doit nous retenir, et surtout nous empêcher de rendre cette ville sans la participation de notre souverain. Il faut le prévenir de notre situation, et voici ce que j'ai à vous proposer : Je me rendrai au camp des Anglais ; je feindrai un mécontentement qui m'a forcé de m'échapper de la ville ; je dirai au duc de Lancastre qu'on attend à tout moment ici un renfort de quatre mille hommes d'armes, français et allemands ; je lui enseignerai la route qu'ils doivent tenir, et l'engagerai à aller au devant d'eux pour les combattre, et ôter tout espoir de secours à la ville, qui est dejà à toute extrémité ; je tâcherai ensuite de m'évader et de me rendre à Nantes auprès de notre souverain. Je sais bien que l'ennemi me fera mourir s'il découvre mon projet; mais je fais de bon cœur le sacrifice de ma vie à Dieu, à mon prince et à vous. Je n'ai qu'une grâce à demander, c'est que, si je péris dans mon entreprise, l'assemblée veuille bien pourvoir aux besoins de ma femme et de mes enfants. »
Cette proposition fut reçue avec un applaudissement général, on sonna toutes les cloches en forme de réjouissance, et le lendemain on fait une sortie. Le brave bourgeois, mêlé parmi les soldats, se rend aux Anglais, et demande à parler au duc de Lancastre, qu'il a le bonheur de persuader. Le prince anglais part la nuit suivante pour aller au-devant du secours prétendu. Le bourgeois trouve le moyen de s'échapper, et prend le chemin de Nantes. Il trouve sur la route Duguesclin, auquel il raconte son stratagème. Celui-ci, transporté de joie, se tourne vers ses gens, et leur dit avec enthousiasme : « Marchons hardiment : nous entrerons aujourd'hui dans la ville. » Il retient avec lui le bourgeois, depute un des siens à Nantes, et s'avance vers Rennes. Arrivé au camp des Anglais, il charge la garde avancée, la met en fuite et entre pêle-mêle dans le camp avec les fuyards. C'est là qu'il déploie toute sa valeur. A la tête de sa troupe, il fait du camp des Anglais un spectacle de meurtres, de feu et de sang, prend ensuite le chemin de Rennes, rencontre sur sa route deux cents charriots de farine et de viande que les paysans conduisaient aux Anglais les fait défiler vers la ville, et y entre lui-même à la tête du convoi, avec son butin et un bon nombre de prisonniers. Il fut reçu comme en triomphe, tous lui prodiguaient les noms de sauveur de leur patrie, de leur honneur et de leur liberté. Il commença par faire payer aux paysans la valeur de leurs marchandises, les menaçant que, s'il s'apercevait qu'ils fournissent dans la suite des vivres aux Anglais, il les ferait pendre. Il les chargea ensuite d'aller trouver le duc de Lancastre ; de lui remettre de sa part cent bouteilles d'excellent vin qu'il leur donna ; de l'assurer que, tandis qu'il en aurait, il se ferait un vrai plaisir de lui en fournir ; de lui faire observer que, s'il lui avait permis d'entrer dans la ville, comme il l'en avait prié, il lui aurait épargné la peine de s'y introduire au prix de tant de sang anglais ; et enfin de présenter à ce prince son humble respect. Les paysans s'acquittèrent de leur commission, rendirent compte de ce qu'ils avaient vu, et apprirent au duc que Duguesclin n'avait avec lui que soixante hommes. Duguesclin, après avoir congédié les paysans se fit instruire de tout ce qui s'était passé, et visita toutes les fortification de la place. En faisant sa ronde, il aperçut de dessus les remparts un troupeau de plus de deux mille porcs appartenant aux Anglais, dans la prairie du Pré-Raoul, auprès des fossés. Vis-à vis de cette prairie et de la rivière qui la séparait de la ville était une fausse porte qu'on tenait toujours fermée. Bertrand la fit ouvrir, y fit placer une truie et lui fit tenailler les oreilles. Aux cris de cet animal, tous les cochons si mirent à la nage, passèrent la rivière, et étaient déjà entrés par la porte au nombre de plus de douze cents, avant que les Anglais s'en aperçussent. Ils accoururent ; mais les soldats placés pour protéger l'opération en tuèrent environ une trentaine, en prirent un pareil nombre et firent fuir les autres. Ces heureux commencements ramenèrent l'espérance et la joie dans le cœur des Rennais. Le même jour, tous les seigneurs anglais étant rendus chez le duc, on parla de Duguesclin. Ce qu'on en dit, et ce que le prince savait déjà, lui inspira tant d'admiration pour ce gentilhomme, qu'il témoigna ouvertement qu'il désirait singulièrement voir de près un homme si extraordinaire. Le comte de pembroc lui dit que la chose était très-facile. A juger, dit-il, de Duguesclin par sa grandeur d'âme et par tout ce que j'en ai ouï dire, il me semble qu'il ne fera pas difficulté de se rendre ici à votre invitation. A l'instant, le duc fit expédier un sauf-conduit, et un héraut fut charge de le porter. Le lendemain, le héraut se présente, et demande à parler au capitaine Duguesclin. Penhouët vient, reçoit le sauf-conduit, le messager, et, lui montrant Duguesclin qui venait avec quelques gentilshommes, il lui dit : « Celui que tu demandes est précisément celui que tu vois vêtu d'un jupon noir avec sa hache pendue à son col. » II n'est pas possible, répond le héraut ; il a plus l'air d'un voleur de grand chemin que d'un capitaine. « C'est pourtant lui, reprend Penhouët ; mais garde-toi bien de lui dire quelque chose d'offensant ; il t'abattrait la tête avec sa hache. » Le héraut profite de l'avis, met un genou en terre et dit à Duguesclin : Sire, le duc de Lancastre, mon maître, vous prie de le venir voir dans son camp, et m'a chargé de vous présenter ce sauf-conduit. Bertrand le fait lire tout haut, et répond que le prince lui fait trop d'honneur pour qu'il n'ait pas celui d'aller lui baiser les mains. Il se prépare sur-le-champ à ce voyage, et fait donner au héraut un jupon de velours et 100 florins d'or ; somme considérable pour le temps. Après son dîner, il part avec trois gentilshommes, et se rend au camp des Anglais, à l'entrée duquel il rencontre quatre seigneurs qu'on avait envoyés pour le recevoir. Le bruit de sa venue avait attiré un grand nombre d'Anglais sur sa route. Ils étaient tous étonnés de son air. Les uns le trouvaient laid, les autres noir ; d'autres disaient qu'il avait les poings carrés ; mais tous le regardaient avec admiration. A la porte de l'appartemnent du duc, il fut reçu par Jean Chandos, le Duguesclin de l'Angleterre. Ce prince était environné de toute sa cour. Bertrand entra et mit un genou en terre, suivant l'usage. Le duc le releva promptement, et lui fit mille honnêtetés ; mais Duguesclin ne put entendre de sang-froid la proposition qu'il lui fit de quitter le parti de charles-de-Blois pour s'attacher à celui du roi l'Angleterre. « Ma foi est engagée, dit-il avec fermeté ; elle n'est plus à moi. Charles de Blois est mon légitime souverain, et je me déshonorerais en l'abandonnant. » La conversation fut interrompue par l'arrivée de Guillaume brembro, chevalier anglais, qui, sans respecter la présence du duc, vint droit à Dugueclin et lui dit : Bertrand, vous êtes gentilhomme ; j'ai une prière à vous faire : vous avez tué de votre main Brembro, mon parent ; il faut m'en faire raison. Duguesclin lui tendit fièrement la main : « Je n'ai jamais refusé personne, lui dit-il, je vous accorde votre demande. » Le duc approuva le combat et le fixa au lendemain, avec assurance à Duguesclin qu'il ne lui serait rien fait contre les lois de l’honneur, foi de prince. Brembro était homme de qualité ; mais cela n'empêcha pas que son action ne tournât au détriment de la réputation du duc de Lancastre. On s'imagina qu'il n'avait invité Duguesclin à le venir voir et ne lui avait fait tant d'amitié que pour le faire insulter par Brembro, et le commettre vis-à-vis du plus vaillant et du plus adroit gendarme qui fût en Angleterre ; mais ces accusations sont dénuées de preuves : le prince jouissait d'une réputation qui les détruit. Il fit présent du plus beau de ses chevaux à Duguesclin, qui fut reconduit avec les mêmes cérémonies que la veille. Le lendemain le héros breton se prépara au combat, malgré tout ce que ses amis, qui craignaient quelques perfidies, purent lui dire pour l'en détourner. Il communia, se fit armer, et promit en partant à sa tante, qui fondait en larmes, de venir manger avec elle un bon dîner qu'il la pria de préparer. A la sortie il trouva le chevalier de Penhouët, qui lui permit d'aller remplir sa promesse. Il trouva hors des portes les trompettes anglaises qui l'attendaient, et qui le conduisirent sur le champ de bataille, où étaient déjà Brembro et tous les seigneurs anglais. Les deux champions étaient armés de toutes pièces et montés avantageusement. Le signal se donne et le combat commence. La première course est heureuse pour Duguesclin, qui blesse légèrement son ennemi. La seconde est inutile, et, à la troisième, l'armure de Duguesclin est fendue ; et, sans la bonté de cette pièce, il eût peut-être perdu la vie. Le combat devait finir là, puisqu'on n'avait demandé que trois coups d'épée ; mais Bertrand dit à Brembro : Jusqu'ici je vous ai ménagé par égard pour la présence du prince ; mais, si vous voulez, nous fournirons une quatrième carrière en l'honneur des dames, et vous verrez ce que je sais faire. Le duc lui permit. Brembro, piqué de la bravade, espérait avoir raison de son adversaire. En effet, il courut avec tant de fureur, que son épée perça si fortement l'écu de Bertrand, qu'il ne la put retirer. Celui-ci profita de l'événement et lui passa son épée au travers du corps jusqu'à la garde. Brembro chancela deux ou trois fois sur son cheval et tomba mort. Duguesclin saisit vite les rênes, salua le prince, le remercia et retourna à la ville, où il fut reçu aux acclamations de tout le monde. Cet événement avait opéré une trêve de deux jours, pendant laquelle les Anglais avaient construit un beffroi, espèce de tour carrée de la hauteur des remparts, avec un pont roulant que l'on poussait jusqu'au parapet des murs ; de sorte que les assiégés et les assiégeants combattaient de la main à la main. L'utilité de cette machine était d'épargner aux assiégeants les peines et les dangers de l'escalade, les travaux de la mine et de la sappe. Ces tours ne craignaient que le feu ; et, pour les en garantir, on les couvrait de fer-blanc et de cuir de bœuf. Celle-ci fut conduite jusqu'aux pieds des murs, et l'assaut qui suivit fut très-meurtrier. Les soldats de la ville diminuaient tous les jours, et il n'y restait presque plus que des bourgeois. Les assiégés étaient très-inquiets du succès, et ils n'avaient plus d'espérance, si cette fatale machine subsistait. La seule ressource était de la brûler; mais l'entreprise n'était pas facile, parce que les Anglais avaient pris des précautions. Duguesclin ne se laissa point abattre par les difficultés : il forma le projet de détruire le beffroi et l'exécuta. Il fit sortir cinq cents arbalétriers chargés chacun d'une fascine soufrée, et en disposa cinq cents autres dans la ville, avec quelque cavalerie, pour les soutenir en cas de besoin. Au point du jour, Duguesclin sort, une torche à la main, son épée de l'autre, charge vigoureusement les Anglais, en tue trois cents, pousse les autres, brise la porte de la tour à coups de hache, et la brûle avec ceux qui étaient dedans. Le duc de Laucastre, furieux, envoie le comte de Pembroc pour couper la retraite à Duguesclin, qui restait là avec ses cinq cents arbalétriers pour empêcher qu'on n'éteignit l'incendie. Duguesclin, voyant le dessein de l'ennemi, et la tour étant déjà brûlée, marche aux Anglais, qui sont en même temps chargés en tête et en queue par le corps de réserve qu'on avait placé au dedans de la ville. Ils sont taillés en pièces, et le petit nombre qui peut échapper prend la fuite. Le duc de Lancastre accourt avec une troupe plus nombreuse ; mais il est défait, et est forcé de s'en retourner sans avoir pu tirer vengeance d'un échec si terrible. Des succès si constants de la part des assiégés, la longueur du siège, l'affaiblissement de l'armée des Anglais, la disette qui commençait à se faire sentir dans leur camp, tout demandait qu'ils levassent le siège ; mais le prince avait fait un serment solennel de prendre la ville, et il ne pouvait se décider à la quitter sans l'avoir rempli : sa gloire aurait été compromise. Il lui semblait bien dur de renoncer à la prise d'une ville qui n'avait presque plus d'autre défense que sa bourgeoisie, après avoir gagné tant de victoires et forcé tant de places. Ne sachant donc quel parti prendre, voici à quoi il s'arrêta : il fit passer dans la ville cinq ou six seigneurs anglais, sous le prétexte spécieux de traiter avec les assiégés, mais, en effet, pour examiner l'état actuel de la place. Il leur enjoignit de ne donner aucune parole au gouverneur ni aux habitants, se réservant, sur leur rapport, de prendre le parti qu'exigerait la prudence. On proposa donc aux Rennais de recevoir dans leur ville six des principaux seigneurs anglais, et la proposition fut acceptée ; mais, comme les assiégés sentaient bien le motif du duc de Lancastre, ils voulurent lui rendre finesse pour fimesse. Duguesclin fut celui qui trouva le meilleur expédient : ce fut d'ordonner aux marchands de choses comestibles de mettre en parade sur leurs boutiques tout ce qu'ils en avaient, et, pour faire paraître plus d'abondance, de dresser des tonneaux, et d'en couvrir le fond comme s'ils eussent été pleins et comblés. Cette ruse trompa les Anglais, qui se promenèrent dans tous les quartiers, et qui crurent que la ville était pourvue de vivres pour longtemps. Ils en parlèrent en ce sens au prince qui en fut persuadé comme ils l'étaient eux-mêmes.

Il restait à savoir comment le général anglais se tirerait de son serment et satisferait son honneur et son scrupule. On imagina de proposer aux assiégés que le prince entrât dans la ville, lui dixième ; qu'il plantât de sa main, comme s'il eût été victorieux, son enseigne sur une des portes, et qu'aussitôt il lèverait le siège. Les habitants ne refusèrent pas la proposition, et de le lendemain le duc entra dans la ville, où il reçut tous les honneurs dus à un vainqueur et un prince respectable à tous égards. Penhouët se trouva à la porte, et lui présenta les clefs la ville. Le duc fut complimenté par tous les ordres et communautés, enfin traité magnifiquement et régalé de présents. Dans l'après-midi, il monta sur les murailles, et planta lui-même sa minière sur une des portes. Alors Duguesclin lui demanda agréablement où serait la guérie près la levée du siège. Le prince lui frappa sur l’épaule en lui disant : « Intrépide Bertrand, soyez sûr que je vous le ferai savoir ! » Après la cérémonie, il descendit et reprit le chemin de son camp. Comme il sortait de la ville, quelques-uns des habitants faillirent à tout gâter : ils arrachèrent la bannière anglaise, en criant assez haut pour se faire entendre : II a bien été dit qu'elle y serait mise, mais non pas qu'elle y resterait ; et sur-le-champ ils la jetèrent sur le pont, précisément aux pieds du duc, qui en fut vivement offensé, et qui aurait bien voulu retenir sa parole ; mais elle avait été donnée avec trop d'appareil pour qu'il pût s'en dédire. Il exécuta les conventions, leva le siège, quitta la province, et emmena son armée, qui était diminuée de moitié. Charles de Blois rentra dans Rennes, et y remercia le ciel, par de publiques actions de grâces, de lui avoir conservé cette place. Il récompensa ses bons serviteurs, et surtout Duguesclin, auquel il donna la seigneurie de la Rochederien. Ce n'est pas, lui dit ce bon prince, la récompense de vos services, mais seulement un témoignage de ma bienveillance que je vous donne, en attendant que la fortune et votre valeur me fournissent les moyens de vous prouver ma reconnaissance. Duguesclin reçut avec respect un bienfait de la main de son prince ; mais le compliment délicat dont il fut accompagné le fit rougir. Il répondit modestement au comte que l'honneur d'être né sujet de la duchesse son épouse l'obligeait à sacrifier sa vie pour son service, et que jamais rien ne lui ferait oublier un devoir si sacré. Le prince l'embrassa tendrement, et le caressa avec cette franchise naturelle aux héros, et plus commune dans le XIVe siècle que dans le nôtre. Telle fut l'issue du siège de Rennes, siège fameux par les grandes actions qui s'y firent, la longueur, le nombre et l'intrépidité des combattants. L'histoire nous en offre peu de plus mémorables, et, par une contradiction assez étrange, peu de moins connus.

L'an 1342 Jean le Bart, abbé de Saint-Melaine, avait acheté quelques maisons dans la rue du Four-du-Chapitre, près la chapelle de Saint-Melaine-le-Pelit, pour s'y loger avec ses moines, à l'abri de l'insulte de l'ennemi. Les chanoines consentirent à cet établissement, à condition qu'ils retourneraient dans leur abbaye aussitôt que la paix serait faite, et qu'ils vendraient leur hospice à des laïques. La Bretagne n'ayant été paisible que longtemps après, les moines se réservèrent cet asyle pour s'y retirer dans le besoin, et ce ne fut qu'en 1614 qu'ils afféagèrent ces domaines à Paul Hay des Nétumières et à Gilles Dulis du Tertre pour la somme de 100 livres de rente. L'hôpital de Saint-Yves fut fondé l'an 1358, par Eudon le Bouteiller, prêtre.
L'église cathédrale de Saint-Pierre, commencée l'an 1180 par l'évêque Philippe, ne fut achevée qu'en 1359 ; elle fut consacrée, le 3 novembre de cette année, par l'évêque Pierre de Guémené. L'édifice était vaste ; le rétable de l'autel, en bois doré et sculpté, représentait la naissance et la vie du Sauveur. La menuiserie qui le couvrait pour le conserver représentait aussi quelques traits de l'Histoire Sainte et de l'Ancien Testament. Les gradins du maître-autel, le parquet et la balustrade du sanctuaire étaient aussi en bois : on y voyait seulement quatre colonnes de cuivre surmontées d'une frise ornée et d'un amortissement de même métal. Les stalles et l'entrée du chœur, avec les figures des douze apôtres sur le couronnement, étaient aussi en bois.

1362. — Charles de Blois apporte de Lamballe à Rennes des reliques de saint Yves, qui avait été canonisé le 19 mai 1347. Il en fit présent à trois églises différentes, auxquelles il les porta pieds nus. Le premier jour il se rendit à la cathédrale, le second jour à l'abbaye de Saint-Georges, et le troisième à l'abbaye de Saint-Melaine II fit ensuite bâtir dans la cathédrale une chapelle en l'honneur des saints Salomon et Judicaël, rois de Bretagne, des saints martyrs Donatien et Rogatien frères, et de saint Yves. Il donna à cette cathédrale des tapisseries d'Arras, et plusieurs ornements de grand prix. Le couvent des jacobins de Rennes fut fondé par Jean de Montfort. Pendant la bataille d'Auray, ce prince, voyant son armée en désordre, fit vœu de fonder une église et un monastère à Rennes, en l'honneur de la Sainte Vierge. Ses troupes s'étant ralliées, et Charles de Blois ayant été tué, un héraut se présenta au comte de Montfort, et lui dit : Monseigneur, Je vous annonce bonne nouvelle : vous êtes duc de Bretagne. Dans l'instant le vainqueur confirma son vœu, et déclara publiquement que l'église qu'il ferait bâtir serait dédiée à la Sainte Vierge, sous le nom de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, ce qu'il ratifia aux Etats assemblés à Rennes en 1366. A la sollicitation des évêques de Nantes et de Tréguier, qui avaient été de l'ordre de Saint-Dominique, il voulut que cette église fût desservie par des jacobins. En conséquence, on écrivit sur-le-champ à Elie Raimond, général de l'ordre, qui commanda au provincial de France d'envoyer à Rennes des religieux du couvent de Dinan, qui s'établirent d'abord dans la chapelle ducale de Saint-Vincent, située près le cimetière Sainte-Anne, hors la ville, et qui obtinrent, à peu près dans le même temps, l'église paroissiale de Saint-Aubin, bâtie depuis quelques années. Le terrain où était située cette chapelle ducale étais trop petit pour servir d'emplacement au nouveau monastère ; mais les propriétaires des maisons et terrains contigus ne firent pas difficulté de leur céder leurs possessions dans ce quartier. L'an 1368, le recteur de Saint-Aubin s'opposa à cet établissement des religieux, qu'il prévoyait devoir lui causer quelque préjudice ; mais l'évêque Raoul de Tréal sut si bien ménager cette affaire que le tout s'arrangea à l'amiable. On commença donc l'édifice, et le 2 du mois de février 1369, le clergé se rendit professionnellement sur les lieux avec le duc, le seigneurs de sa cour et le peuple. Après les cérémonies de l'Eglise, le duc, paré d'un tablier garni de fourrures d'hermines, muni d'une truelle et d'un marteau d'argent doré, posa la preière pierre, et se déclara fondateur de la communauté. Il donna ensuite 100 florins d'or à l'offrande : les seigneurs et le peuple donnèrent aussi, chacun selon ses facultés, de sorte que les offrandes de cette journée payèrent une partie de l'édifice.

Au mois de janvier 1373, Bertrand Duguesclin épousa à Rennes Jeanne de Laval. Ce mariage fut célébré avec beaucoup de magnificence.

L'an 1382, le duc Jean IV assembla ses Etats dans cette ville, dans le couvent de Bonne-Nouvelle, et y institua l'ordre de l'Hermine. Le collier, composé de deux chaînes d'or, était attaché par les deux bouts à deux couronnes ducales, lans lesquelles était renfermée une hermine passante. Une de ces couronnes pendait sur la poitrine, et l'autre sur le cou. Les successeurs de Jean IV ajoutèrent un autre collier, nommé de l'Epi, parce qu'il était composé d'épis de blé.

L'an 1386, le roi Charles VI voulut empêcher e duc de Bretagne de faire battre de la monnaie blanche. Le duc soutint son droit, qui avait été reconnu lui appartenir par le roi Charles V, son père.

Une lettre de dame Julienne Duguesclin, abbesse de Saint-Georges, en date du 5 août 1399, qui se trouve aux archives du château de Nantes, nous apprend que cette dame avait consenti à la levée d'un subside de vingt sous par feu sur les hommes et sujets des paroisses de Tinténiac et de Hédé, pour trois ans seulement. Nous croyons que c'est là l'époque de l'établissement des fouages en Bretagne.

Le plus ancien compte qui se trouve aux archives de Rennes nous donne une idée de l'état de cette ville en 1480. A cette époque, la porte Mordelaise, ainsi nommée parce qu'elle conduit à la paroisse de Mordelles, s'appelait la Porte-Royale. Jadis il y avait tout auprès, dit-on, un temple dédié à Minerve. Quoi qu'il en soit, c'était par cette porte que les ducs et les évêques faisaient leur entrée. Les murs s'étendaient depuis cet endroit jusqu'à la tour de Saint-Mauran ; de là à la Motte, où était le château ; du château successivement aux portes de Saint-Michel, de Saint-James et de Jacquet. (Cette dernière ouvrait sur la rue de la Bourcerie, depuis nommée des Changes ou du Mesnil. De là, ces murailles passaient par les rues Neuve et de Tristain, au carrefour de la Laiterie et de la Poissonnerie, où était une porte appelée Baudrière, qui a donné son nom aux rues Baudrairies puis continuaient jusqu'à la porte Aivière, porta Aguaria, ainsi dite de la proximité de la rivière, et allaient joindre la poterne ; s'étendant ensuite le long du Pré-Raoul jusqu'à la Tour du Fourgon, elles enfermaient dans leur enceinte le placis Conan, ou place de la Vieille-Monnaie, et finissaient à la porte Mordelaise. Dans cette enceinte, il n'y avait de principaux édifices que l'église cathédrale avec ses cloîtres, le manoir épiscopal, Notre-Dame de la Cité, qui joignait le temple de Minerve ; les quatre prieurés de fondation ducale, savoir, Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Mauran et Saint-Michel ; l'église paroissiale de Saint-Sauveur ; les écoles publiques, situées dans l'endroit où était anciennement la synagogue, entre la porte Mordelaise et la tour de Saint-Morand ; l'auditoire de la justice ordinaire, une petite place sur laquelle était un pilier, et la grande et la petite halle, près de Saint-Sauveur. On y voyait aussi trois temples des faux dieux, l'un situé au côté septentrional de la porte Mordelaise, connu sous le nom de temple de Minerve ; l'autre, près la tour, derrière Saint-James, et un troisième près l'abbaye de Saint-Georges. Cette cité avait cinq portes, qui fermaient et ouvraient, avec une poterne qui avait une issue sur la rivière, avec un petit pont fort étroit : elle ne comprenait pas plus du quart de la viIle actuelle.

1415. — Pierre de la Morinaye, abbé de Saint-Melaine, obtient du pape Jean XXIII le privilège de porter les ornements pontificaux. Le pape Nicolas V confirme ce privilège en 1449.

Le 25 octobre 1415 se donna la fameuse bataille d'Azincourt, bourg situé au diocèse d'Amiens, en Picardie, où les Anglais victorieux avaient détruit toutes les forces de la nation française. Ces fiers vainqueurs, ne trouvant plus d'ennemis à combattre, ravagèrent les provinces septentrionales de la France. Les traitements cruels que ces étrangers, enorgueillis de leurs succès, firent aux Normands, les forcèrent à quitter leur pays, et à se réfugier en Bretagne. La plupart se fixèrent à Rennes, et, pour vivre plus agréablement dans cette nouvelle retraite, ils y établirent des manufactures de draps, qui enrichirent à la fois les ouvriers et les habitants. Le nombre de ces réfugiés était si grand que la ville ne pouvait les contenir. Le comte de Richemont, étant à Rennes lors de ces émigrations, conseilla au duc Jean V de faire agrandir l'enceinte de cette cité. Le prince suivit un conseil si utile à ses intérêts, et fit commencer en 1421 la rue Neuve, qui ne fut achevée qu'en 1428. La direction de l'ouvrage fut confiée à Jean de Saint-Gilles, seigneur de Betton, comme le prouvent les lettres du duc Jean V, du 12 juillet 1421, lesquelles disent positivement qu'il en fut chargé aux appointements de 200 livres. Les nouveaux édifices s'étendaient depuis le château jusqu'à la porte au Foulon, qui prit son nom du moulin à fouler les laines qui était dans cet endroit. Ce moulin était dans un des fossés larges et profonds de la ville , où passait une partie de la Vilaine. De la porte au Foulon, on conduisit les murs jusqu'à la poterne, aujourd'hui la porte Saint-François ; de là à la Tour-le-Bal [Tour-le-Bat], à la porte Saint-Georges, et de ce point en suivant la rivière jusqu'à la porte Saint-Germain ; on construisit trois tours dans ce dernier espace. De la porte Saint-Germain, les murs furent continués jusqu'à celle de Vilaine et à l'ancienne clôture, près la poterne, derrière Saint-Yves. Cet accroissement occasionna la démolition de la porte Jacquet et de la porte Baudrière, qui, se trouvant renfermées dans la nouvelle enceinte, devenaient inutiles.

1419. — Le duc Jean V tombe malade de la rougeole à Rennes, et, pour obtenir sa guérison, il fait vœu de faire le voyage des sept saints ; ce qu'il exécute en la compagnie du sire de Porhoët. Cette dévotion était autrefois de mode en Bretagne ; il y avait même un chemin tracé exprès, et dont on voit encore les vestiges près Dinan. On croit que ces sept saints étaient, saint Pol de Léon, saint Malo, saint tugdual, saint Samson , saint Méen, saint Judicaël et saint Corentin.

La chapelle de Brillet, derrière le grand autel de la cathédrale, fut fondée par l'évêque Guillaume Brillet, oncle des seigneurs des Nétumières. Sur la pierre qui servait de clef à la voûte de cette chapelle, le prélat fit graver ses armes, qui étaient d'argent à trois têtes de loup de sable. Il fonda deux chapellenies, dont l'une était de quatre messes par semaine ; on ne sait point combien en portait l'autre. Le 31 août 1429. Olivier du Tertre légua à l’eglise cathédrale de Rennes quelques rentes et domaines, pour la fondation d'une chapellenie dans la chapelle de Saint-Luc, en l'honneur de Dieu et des saints Corne et Damien ; elle doit trois messes par semaine, selon les titres déposés au chapitre. La présentation de cette chapellenie appartient à M. de Saint-Gilles, en sa qualité de seigneur de la Durantaye.

Thomas Conecte, religieux carme, né à Rennes, se rendit célèbre par son talent pour la chaire, et un zèle trop ardent qui le perdit. Ce religieux avait une telle réputation que, dès qu'il était arrivé dans une ville, on lui dressait un théâtre, sur lequel il montait sur-le-champ pour prêcher. Il ne manquait pas d'auditeurs ; il déclamait surtout contre le luxe et la parure des femmes. Bayle dit de ce religieux, qu'il était regardé comme un nouvel apôtre. Son éloquence était si persuasive, que les femmes de la première qualité, qui accouraient à ses sermons, se sentaient touchées au point que quelques-unes lui portaient leurs joyaux, qu'il faisait brûler publiquement sur le théâtre où il était monté pour prêcher ; mais lorsqu'il était parti, on oubliait bientôt le prédicateur et ses principes, et on reprenait sa façon de vivre ordinaire. Le zélé religieux parcourut ainsi la France, passa ensuite en Italie, et réforma l'ordre des carmes à Mantoue. De là il se rendit à Venise, et accompagna les ambassadeurs de cette république à Rome. Les mœurs corrompues de cette grande ville excitèrent son indignation : il se livra à toute l'ardeur de son zèle, s'emporta contre les vices, sans épargner le sacré collège, et porta même la témérité jusqu'à blâmer publiquement la conduite du pape Eugène IV. Le pontife, irrité, fit saisir et mettre en prison l'audacieux carme, et donna ordre aux cardinaux de Navarre et de Rouen de lui faire son procès. Il fut condamné à être brûlé et exécuté sur la place publique, à Rome, l'an 1441 ou 1442.

Le premier agrandissement de la ville de Rennes, commencé, comme nous l'avons dit, par ordre du duc Jean V, ne fut achevé que vers l'an 1440 ; le second fut confié aux soins de Henri de Villeblanche, créé lieutenant de la ville en 1442, et gouverneur en 1450. Cet accroissement commençait au coin d'une place nommée la Buanderie de Saint-Georges, vis-à-vis la rue des Voisins, et fut poussé jusqu'au boulevard de Porte-Blanche, qui prit son nom de Henri de Ville-blanche, qui y fit graver ses armes. Sur deux pierres, qui étaient au-dessus de la porte, se lisait une inscription en partie effacée à coups de ciseaux. Voici ce qu'il en restait en 1769 :
Pierre, prince d'un grand renom,
Le derrain jour, fin de septembre,
A c'est portail donna ce nom.

Pierre, prince d'un grand renom,

Le derrain jour, fin de septembre

A cest portail donna ce nom

Comme il remembre,

Dessus était écrit mil quatre cent

que fut cinquante et deux ans.

Les armes de Henri de Villeblanche subsistèrent à cette porte jusqu'à sa démolition, qui fut faite en 1775.

L'église de Toussaint fut enfermée dans la ville, et on fit une porte du nom de cette église. L'enceinte fut conduite jusqu'au bout de la rue Champdolent, où l'on reconstruisit une nouvelle porte, et l'ancienne et la nouvelle clôture se joignirent à la tour du Fourgon, que l'on croit être la plus ancienne des fortifications de Rennes, comme sa caducité semble le confirmer. Les portes de Saint-Germain, Baudrière et Aiviere, qui se trouvaient renfermées dans cette enceinte, furent supprimées.

Les murs du premier accroissement n'étaient pas encore achevés lorsqu'on commença celui-ci. Le tout n'était fermé que de palissades en bois. Cette nouvelle enceinte était très-étendue et devait coûter des sommes immenses, surtout dans un pays où la pierre est fort rare. Les murs ne pouvaient se construire qu'avec beaucoup de temps et une grande dépense, à laquelle la ville n'était point en état de fournir. Aussi, le premier renable de ce dernier accroissement ne fut-il rendu qu'en 1460, comme le prouve le procès-verbal du 4 octobre de la même année. Il restait encore beaucoup d'ouvrage à faire ; mais on n'y travailla pas sur-le-champ, et ce ne fut que longtemps après que l'on procéda au remboursement des particuliers dont on avait pris les fonds pour ces travaux. Suivant une commission du duc François II, référée au compte de l'an 1464, les ouvrages qui restaient à achever étaient les boulevards et les nouvelles portes, qui ne furent finis qu'en 1490. On y ajouta dans la suite plusieurs fortifications, auxquelles on travailla jusqu'en 1530.

Le duc François Ier, par ses lettres données à Nantes le 6 juillet 1448, permit aux religieux grands carmes de s'établir à Rennes, et engagea tous les sujets de son duché à contribuer à cette fondation par argent, meubles ou héritages. Le prince nomma frère Olivier-Jacques, du couvent de Nantes, procureur du nouveau monastère, pour demander et recevoir les dons, bienfaits et aumônes qu'on voudrait bien lui accorder pour ce nouveau monastère. Jean, sire de Malestroit, maréchal de Bretagne, fut un des premiers à donner l'exemple de la générosité. Pour cette fondation monastique, il accorda aux religieux une maison, avec un jardin, anciennement appelée l'Hôtel du Vicomte, et située dans l'ancienne cité de Rennes, entre la rue des Dames et celle du Chapitre, à condition que Jean de Malestroit aurait son logement, avec deux lits, au couvent des Carmes, lorsqu'il viendrait à Rennes. Le duc François II, en 1475 et 1476, donna à ces religieux le four commun, avec trois maisons et deux jardins, et n'exigea des moines, pour toute rétribution, qu'une place située auprès de l'hôpital Saint-Yves, qu'ils avaient achetée à très-bon marché, pour y bâtir un four et une maison ; de sorte que ce monastère ne tarda pas à être établi sur de solides fondements. Les bâtiments sont vastes et décorés d'un grand et beau jardin.

L'an 1449, Mathurin le Lyonnais, abbé de Saint-Melaine, se rendit à Rome, pour se plaindre au Saint-père, et lui demander justice contre l'abbesse de Saint-Georges et les archidiacres de Rennes, qui lui disputaient le premier pas dans les cérémonies publiques. Ces plaintes furent suivies d'une convention qui stipulait que les parties s'en rapporteraient à l'arbitrage des évêques de Rennes et de Saint-Brieuc, de Robert d'Epinai, grand-maître de la maison du duc, et des sénéchaux de Rennes et de Vannes. Les arbitres décidèrent que l'abbé aurait le premier rang après le prélat, et que, dans l'absence de ce dernier, l'abbé et la première dignité du chapitre porteraient ensemble le Saint-Sacrement, l'abbé à droite et le chanoine à gauche. Le duc Pierre II et Françoise d'Amboise, son épouse, arrivèrent à Rennes au mois de septembre 1450, et donnèrent des ornements précieux à l'église de Bonne-Nouvelle. Le duc fit construire dans le même temps les prisons de la sénéchaussée de cette ville. L'auditoire de la prévôté, commencé à bâtir en 1640, était achevé. Le duc y établit un juge pour connaître des causes mobiliaires des habitants des ville et faubourgs de Rennes. La sénéchaussée comprenait alors non seulement cet évêché, mais encore partie de ceux de Tréguier et de Saint-Brieuc. On agrandit le bâtiment de celle prévôté, et on en fit l'auditoire commun de toutes les jurisdictions de la ville. Les juges du duc retinrent l'étage supérieur, et le rez-de-chaussée fut destiné pour les juges des seigneurs particuliers dont les jurisdictions s'exercent dans la ville. Comme les procès n'étaient pas fort nombreux, la constitution du duc Jean V, de l'année 1420, défendait à tous les juges subalternes de tenir plus de huit audiences par chaque année, en matière d'immeubles, ni plus de seize audiences mobiliaires, et par conséquent cette salle était assez grande pour le temps. Mais les affaires s'étant multipliées, les juges se trouvèrent trop resserrés. Ceux de Vitré se logèrent dans la partie basse du bâtiment, et la salle servit pour les jurisdictions des seigneurs particuliers qui y tenaient leurs plaids généraux. — En celte année 1450, Henri de Villeblanche, gouverneur de Rennes, et Renée de Bargas, son épouse, firent bâtir la chapelle de Saint-André, derrière le chœur de l'église cathédrale. — En 1452, le 13 juillet, le duc Pierre II assembla à Rennes ses Etats, dont l'ouverture se fit par une procession solennelle de l'église cathédrale à celle du couvent de Bonne-Nouvelle, dont la fondation fut de nouveau confirmée. Les Etats accordèrent une augmentation de privilège à ce monastère.

La contestation qui s'était élevée entre les abbés de Saint-Melaine et les abbesses de Saint-Georges, pour la préséance, n'était point encore terminée. Ils avaient l'un et l'autre une chaise dans l'église cathédrale de Rennes aux jours des grandes fêtes. En 1453 , la dispute se renouvela avec plus de force que jamais. L'affaire fut portée devant le pape, qui ordona que l'abbé de Saint-Melaine, dans toutes cérémonies religieuses et politiques, aurait la préséance, « d'autant mieux, dit le pontife, que personne n'ignore combien il est dangereux et même scandaleux de voir des religieuses, oubliant les lois de la clôture et de l'honnêteté, de la pudeur et de la modestie qu'exige leur sexe, se mêler dans les assemblées publiques, s'offrir aux regards des hommes, et s'exposer à offenser l'Etre-Suprême, à qui elles se sont consacrées, etc. » Le duc Pierre II intervint dans cette affaire, et parvint à concilier les parties. Il fut dit que l'abbé, dans toutes les occasions, occuperait la première place, par honneur pour la dignité sacerdotale, et que cependant, s'il le jugeait à propos, il l'offrirait, par galanterie, à l'abbesse, qui, par humilité, la refuserait. Ce traité fut conclu à Chateaubriand, le 28 mars 1453, et les parties promirent de le faire agréer et ratifier par leurs communautés respectives.

1455. — Le duc Pierre II et la duchesse son épouse viennent à Rennes, et font une magnifique réception au prince de Navarre, qui se rend dans cette ville. L'année suivante, le pape annule la sentence qu'il avait portée contre les officiers du duc, à la sollicitation de l'évêque de Rennes, et, reconnaissant que le prélat était le plus coupable, il mande aux abbés de Saint-Méen, de Quimperlé et de Bégars d'absoudre ces officiers de l'excommunication lancée contre eux.

1461. — Arrivée du frère du roi Louis XI à Rennes. Toutes les prisons sont ouvertes et tous les prisonniers élargis. L'évêque Jacques d'Epinai assembla un synode à Rennes le jeudi d'après la Pentecôte 1465, et, selon la coutume du temps, il fit divers statuts en faveur de l'Eglise. Il prononça excommunication contre les perturbateurs du repos de l'Eglise, les infracteurs de ses lois et les violateurs de ses privilèges multipliés. Il défendit, sous la même peine d'excommunication et de 10 livres d'amende, de citer les prêtres et les clercs devant les juges séculiers, et aux juges d'agir contre eux, et se réserva à lui seul la faculté d'absoudre les coupables II recommanda expressément l'observation des fêtes de la Circoncision, de l'Epiphanie, des saints Fabien et Sébastien, martyrs ; de saint Vincent, de la conversion de saint Paul, de la Purification de la Vierge, de la Chaire Saint-Pierre, de saint Mathias, de l'Annonciation, des trois fêtes de Pâques, de saint Marc, des saints Philippe et Jacques, apôtres ; de l'Invention de la Sainte Croix, de saint Jean Porte Latine, de saint Yves, de l'Ascension, des deux fêtes de la Pentecôte, de la Fête-Dieu, de saint Barnabé, de la Nativité, de saint Jean-Baptiste, des saints Pierre et Paul, apôtres ; de la Visitation, de sainte Marie-Magdelaine, de saint Jacques, de saint Pierre-aux-Liens, de la Transfiguration, de saint Laurent, de l'Assomption, de saint Barthélemi, apôtre ; de la Décollation de saint Jean Baptiste, de la Nativité de Notre-Dame, de l'Exaltation de la Sainte-Croix, de saint Michel, de saint Denis et de ses compagnons ; de saint Luc, évangéliste ; des saints Simon et Jude, apôtres ; de tous les Saints, de la Commémoration des Défunts, de saint Melaine, de saint Martin, de saint Malo, de la Présentation de Notre-Dame, de sainte Catherine, de saint André, de saint Nicolas, de la Conception, de saint Thomas, de la Nativité de Notre-Seigneur, de saint Etienne, de saint Jean, apôtre et évangéliste ; des saints Innocents, et quelques autres. Il imposa une amende de dix sous monnaie à toutes personnes qui s'appuieraient sur l'autel ou sur les fonts de baptême, de même qu'à ceux qui s'entretiendraint de choses inutiles dans l'église. Il ordonna ensuite d'exécuter la bulle du pape qui avait enjoint de faire des processions, tous les premiers dimanches du mois, pour les croisés ; mais de tous ces statuts synodaux, le plus utile, à mon avis, est celui qui fait un devoir aux curés de tenir un registre exact des morts, des naissances et des mariages.

1467. — Les habitants de Rennes forment le projet de se procurer une horloge publique. On choisit, pour la placer, une tour de la ville, située derrière la chapelle Saint-James. Cette tour, devenue inutile par les différents accroissements de la cité, avait été donnée par le duc à un seigneur de sa cour, duquel les bourgeois de Rennes l'achetèrent pour l'exécution de leur entreprise. Le duc François II voulut que cette horloge fût une des plus belles de son temps, et il recommanda expressément aux habitants de ne rien épargner pour la rendre parfaite. Le premier marché pour la fonte de la cloche fut fait le 17 janvier 1468, et ne fut rempli qu'en 1470. Cette fonte se fit à l'endroit où est situé le puits du Champ-Jacquet, et la cloche, manquée jusqu'à trois fois, réussit à la quatrième. La charpente de l'édifice était d'une beauté admirable. Le bois en fut pris sur les terres de la seigneurie de Treslan, dans la paroisse de Longaulnai. La cloche fut montée par le moyen d'une grande ouverture faite à la tour. Un compte de l'an 1483 nous apprend que cette cloche s'étant cassée sans qu'on sache par quel accident, on la descendit pour la refondre. Pierre Hurel et Jean Guilbert, fondeurs normands, qu'on avait fait venir, se chargèrent du projet pour une somme de 333 livres, qui leur fut payée, tant pour la fonte de la cloche que pour celle des trois appeaux. On y employa trente-neuf mille deux cent soixante-trois livres de métal et quatre cent trente-sept livres d'étain. Le nommé Jean Saliou, menuisier, reçut une somme de 320 livres pour monter et descendre cette cloche. En 1564, elle se fendit, et comme le froissement des deux lèvres empêchait de bien compter les heures, on fut obligé de la faire scier en 1565, et elle servit de cette façon jusqu'en 1720, qu'elle fut fondue dans l'incendie qui brûla une partie de la ville. Dans son entier, elle avait 8 pieds de diamètre, 6 pieds de hauteur, non compris les anses ; son épaisseur, à la lèvre, était de 8 pouces.
Le 29 mars 1476, le duc François II donna commission aux capitaine, sénéchal et procureur de la ville de Rennes, de visiter les maisons des habitants, et de faire procès-verbal de leurs armes, vivres et munitions. Le 8 février 1485, le même prince assembla ses Etats dans la grande salle du palais épiscopal, à Rennes, pour assurer la survivance de son duché à sa fille aînée. Les seigneurs et les autres membres de l'assemblée jurèrent sur la croix et les saintes reliques que leur présenta l'évêque Guibé, qu'après la mort du duc, ils reconnaîtraient pour leur souveraine Anne de Bretagne, et, à son défaut, la princesse Isabeau, sa sœur.

Il y a apparence que la grande halle, qui était auprès de la place de Saint-Sauveur, avait été construite avant l'an 1400. Il n'en est fait aucune mention dans les archives de la ville qui restent de ce siècle ; mais les lettres que les habitants obtinrent en 1484, pour la construction des trois autres halles ou cohues, insinuent que la première subsistait déjà depuis longtemps. De ces trois, une fut placée près l'église de Saint-Germain, une autre à la Poissonnerie et la troisième à Carthage, pour les poids, les cuirs et les merceries. Elles furent bâties aux années 1485 et 1486. Il n'en reste plus qu'une aujourd'hui. Celle de la Poissonnerie, qui était construite sur la rivière, est tombée, et celle de Carthage fut incendiée en 1712.

Le 17 mai 1486, le duc François II ordonna d'augmenter de nouveau l'enceinte de la ville de Rennes. Ce dernier accroissement devait être beaucoup plus considérable que les précédents, puisqu'il devait s'étendre depuis la tour derrière Saint-Georges, enfermer l'abbaye de Saint-Melaine, passer derrière le Thabor, se rendre à la Barre Saint-Just et aux moulins de Saint-Martin, et, le long de la rivière d'Ille, au pont du faubourg l'Evêque, et tout en droiture jusqu'à l'ancienne clôture près la porte ou tour de Champdolent ; ce qui faisait un contour de 18 800 pieds de roi. Pour faciliter l'exécution du projet, le conseil du duc avait décidé d'établir un impôt sur le vin qui se débiterait dans le diocèse de Rennes ; mais la mort du duc, qui arriva le 8 septembre 1488, et les guerres qui en furent la suite, firent évanouir ce projet. Henri IV le reprit, et en ordonna l'exécution par ses lettres du 3 juillet 1609, expédiées en conséquence de l'arrêt du conseil du jour précédent ; elles sont aux archives de la ville. La mort du monarque fit encore échouer ce projet, et la communauté de ville en obtint la décharge par arrêt du conseil du 15 juin 1610. Avant de mourir, le duc, qui désirait ardemment l'exécution de ce projet, avait acheté, l'an 1488, quelques terrains auprès de la ville, pour y construire des fortifications. Le journal était alors compté à 16 sillons, contenant chacun 3 cordes ¾ et 60 cordes au journal, la corde de 24 pieds. C'était précisément les ¾ de notre journal actuel.

Le 28 juillet 1488, les Français, commandés par le duc de la Trimouille, vainquirent les Bretons à la fameuse bataille de Saint-Aubin-du-Cormier. Le lendemain de cette journée, le général français fit sommer les habitants de Rennes de se soumettre, et d'ouvrir leurs portes à l'armée du roi. On demanda un delai de quatre jours pour délibérer. Le duc le refusa, et les menaça de marcher sur-le-champ contre eux, s'ils ne lui donnaient une réponse prompte et décisive. En conséquence, on s'assembla dans l'église cathédrale, et, après une mûre délibération, il fut résolu de braver les forces de la France. On députa le seigneur du Plessis-Balisson ; Jean le Voyer, chanoine de la cathédrale, et Jacques Bouchard, greffier du Parlement du duc, avec ordre de se rendre à la porte de la ville, et de déclarer au héraut la résolution des habitants. Le duc de la Trimouille ne voulut point se hasarder à faire le siège de la ville ; il décampa sur-le-champ, et marcha vers la basse Bretagne. Au mois d'octobre 1490, la duchesse Anne rendit une ordonnance, portant défense aux chapitres et aux abbayes de Bretagne de procéder à aucune élection d'évêques ou d'abbés sans l'aveu de cette princesse, et de recevoir aucunes bulles qui n'auraient pas été présentées au conseil de la province, sous peine de bannissement et de saisie du temporel des infracteurs de l'ordonnance. Au mois d'octobre de la même année, Louis, duc d'Orléans, vint à Rennes, par ordre du roi Charles VIII, et y fut reçu avec beaucoup de joie par les habitants, qui espéraient que l'arrivée de ce prince pourrait faire cesser les troubles. C'était aussi le dessein du roi et de son ambassadeur. La duchesse Anne était promise à Maximilien, roi des Romains, et le mariage était sur le point de se conclure, lorsque Charles, considérant de quel intérêt il était pour lui d'empêcher cette union, prit le sage parti d'épouser lui-même la princesse bretonne. Le duc d'Orléans fut chargé de venir la demander. Cette commission ne pouvait lui être bien agréable. Il aimait passionnément la duchesse, et il était forcé de la disposer à donner sa main à un autre ; mais ce prince était déjà marié, et le bien de l'Etat exigeait ce grand sacrifice. II eut le bonheur de réussir. La princesse consentit à cette union, et le roi vint la voir à Rennes, au mois de décembre 1491. Il resta peu de temps dans cette ville, et partit pour Langeais, où la duchesse le suivit, et où cet heureux mariage fut célébré.

Isabeau de Bretagne, sœur de la duchesse Anne, était morte à Rennes le 10 du mois de juin 1490. Elle fut inhumée dans le chœur de l'église cathédrale. Lors de la démolition de cet édifice, en 1755, on trouva une plaque de cuivre enchâssée dans un mauvais parquet, sur laquelle étaient ces mots : Cy gist le corps d'Isabelle de Bretagne, sœur unique de la reine Anne, qui décéda le X de juin M. IIIIcc. IIIIxx. IX.... de son âge. L'écu de Bretagne, au bas de la plaque, était accompagné de ces mots : Priez Dieu p. elle. Cette plaque fut mise entre les mains du chapitre de la cathédrale, avec obligation de la représenter quand il en serait requis. Le corps de la jeune princesse était dans un cercueil de bois, posé sur deux barres de fer, dans un caveau en maçonnerie. Ce cercueil était presque tout pourri. On y trouva une partie du crâne, des cheveux tressés et ornés de perles, des morceaux de velours cramoisi, avec des fourrures ; mais, dès qu'on y touchait, tout tombait en poussière. Ces tristes restes furent mis dans une boîte de plomb, et confiés aux chanoines de la cathédrale.

Un compte de l'an 1492 nous apprend que la Chambre des comptes du duc se tenait, en ce temps-là, aux Cordeliers de Rennes. Après l'union de la Bretagne à la couronne, la contagion qui régnait à Nantes, en 1587, obligea le roi à transférer cette cour à Rennes, où elle tint ses séances au couvent des Carmes. Ce fait est prouvé par un procès-verbal et un bail des réparations qui furent faites à cette communauté de la part de la ville. Les habitants de Rennes, qui désiraient que la Chambre des comptes continuât de tenir ses séances dans leur ville, présentèrent, à ce sujet, un placet au roi, qui leur accorda leur demande, mais sans aucun effet.

L'an 1492, la communauté de ville fit venir à Rennes les eaux d'une source très-abondante, qui se trouva sur le bord d'une pièce de terre, à une demi-lieue de la ville, sur le grand chemin de Dinan, et fit creuser le réservoir du Puits-Laurent pour les recevoir. Elle y joignit aussi d'autres sources qui se trouvèrent dans la pièce de Goule-Brunes. En 1652, l'eau sortait gros comme le bras, par deux gargouilles, à la fontaine de la place du Carthage, qui fut détruite en 1679. Une partie de cette eau restait au pont Saint-Martin pour l'usage du faubourg, et l'autre à la porte Saint-Pierre, devant le portail de la cathédrale. Ce dernier réservoir fut supprimé en 1680. Dans la suite, la source s'étant affaiblie, on y en joignit quelques autres qui avaient été découvertes aux environs du Puits-Laurent. Elles portaient leurs eaux à la gargouille du pont Saint-Martin, et à une autre gargouille placée au bas de la rue Saint-Louis, et non devant l'église des Minimes, où elle avait été d'abord.

La cause de l'affaiblissement de la première source vint de la concession faite, le 4 octobre 1613 , au sieur de la Touche-Cornulier, général des finances, propriétaire de la maison des Trois-Croix, d'un douzième des eaux, à condition qu'il n'en userait, dans sa cuisine, que par une clef qu'il y ferait poser pour le service actuel de sa maison ; mais le robinet demeura ouvert, et ou en accrut l'ouverture. Suivant le compte de 1506, l'eau du puits Laurent et de Goule-Brunes passait sous la rivière au pont Saint-Martin ; il en coûta 55 livres pour la faire passer sur le pont. Par le compte de 1507, nous apprenons que la communauté de ville désintéressa le propriétaire de Goule-Brunes, pour avoir la disposition de trois sources, qu'elle réunit dans un bassin qui fut construit. Ces eaux étaient les meilleures de toutes celles qui se rendaient à Rennes. Vers la fin du dernier siècle, on fit poser sur chacune des sources une grosse borne de pierre de grain de 3 pieds de hauteur. Pour conserver la conduite des eaux libre et prohibitive sur les terrains où elles passaient, et pouvoir faire tous les travaux nécessaires pour l'entretien des canaux, la communauté de ville commença par acheter le terrain sur lequel ils passaient dans la largeur de sept pieds, spécialement depuis la chapelle Sainte-Marguerite jusqu'au jardin du presbytère de Sainte-Etienne : elle avait même acheté les pierres du puits Laurent et de Goule-Brunes. En conséquence, il fut défendu d'enfermer ou d'occuper ces terrains, et quand il est arrivé à quelqu'un d'y faire creuser ou d'y jeter des immondices, ou d'y établir des fosses-mortes, la communauté y a fait mettre ordre, tantôt par justice, tantôt de plein droit par ses députés. Le 4 mai 1630, le sénéchal de Rennes rendit une sentence contre tous les voisins de la conduite : ils furent condamnés à enlever les immondices qu'ils y avaient jetées, et à démolir les latrines qui se trouvaient le long des canaux, faute de quoi on y mettrait des ouvriers à leurs frais, et, en cas de récidive, ils furent taxés à 6 livres d'amende. Deux arrêts de la Cour du Parlement, des années 1605 et 1705, portent injonction aux propriétaires des terrains adjacents à ceux de la conduite prohibitive de les faire clore incessamment par un mur ou une haie d'épines double, en sorte que personne ne puisse passer sur ces terrains, et à ceux qui pourraient y avoir construit des maisons, creusé des fossés, etc., de les détruire incessamment, avec défense d'y creuser à l'avenir. Au mois de juillet 1632, la communauté fit faire un procès-verbal par ses députés, et, par sa délibération du 12 octobre 1662, elle chargea de nouveaux députés de détruire tous les établissements qui se trouveraient sur les terrains du passage des eaux. Personne n'a jamais voulu s'opposer aux ouvertures nécessaires pour visiter et réparer les canaux. Les religieuses de la Trinité, voulant s'exempter de l'embarras de ces ouvertures, ont fait faire une voûte avec des tuyaux, de manière qu'on peut faire la visite sans ouverture. Le 27 novembre 1690, on arrêta de faire transporter la conduite entre les rues Haute et Basse ; mais les experts nommés en 1700 ayant reconnu que ce changement était très-dangereux, ce projet fut abandonné.

L'époque de la construction de l'Hôtel-de-Ville et de la place de la Monnaie n'est pas bien certaine ; il paraît néanmoins qu'ils furent commencés l'an 1493, puisque, le 24 juillet de cette année, un seigneur d'Epinay forma opposition à la construction de cet édifice. Lors de l'entrée du roi Henri IV à Rennes, en 1598, il fut réparé et embelli. En 1693, il était en si mauvais état qu'on forma le projet de le bâtir à neuf, ce qui fut exécuté aux années 1695 et 1696. On employa à cette construction les 4855 livres dont les sieurs Loaisel se trouvèrent redevables à la communauté de ville. L'édifice fut augmenté d'un pavillon, vers le fossé de la ville, en la forme alors usitée. Pendant le temps du travail, les assemblées se tenaient chez les pères minimes, et elles ne se firent à l'Hôtel-de-Ville qu'en l'année 1697.

Le 8 mai 1493, Michel Guibé, évêque de Rennes, publia des statuts. Ce prélat y recommanda de faire des testaments, comme très-utiles au salut des âmes. Il se plaint de quelques recteurs des paroisses qui détournaient les malades du dessein de consigner sur le papier leurs dernières volontés, et, pour remédier à cet abus, il défendit expressément à tous recteur, et autres ecclésiastiques, sous peine de suspense, d'excommunication et de 10 livres monnaie d'amende, d'empêcher les testaments, et il ordonne à tous les recteurs de mette tous les mois, aux mains de l'official ou commissaire député en cause de testament, les noms et surnoms des hommes et femmes décédés dans leurs paroisses, avec distinction de ceux qui ont fait leur testament d'avec ceux qui ne l'auront pas fait. Il fut enjoint à chaque curé de publier tous les dimanches ces statuts aux prônes des messes paroissiales. Un autre abus dont le prélat se plaignait était que les saintes Huiles étaient portées ça et là par des laïques. Il défendit aux recteurs de leur en donner la permission, sous peine d'excommunication et de 10 livres d'amende.

Environ au même moment, le pape permit aux religieux de Saint-Melaine de percevoir les héritages qui leur viendraient en mobilier, comme s'ils étaient dans le monde.

La chapelle de Guibé fut fondée par Robert Guibé, évêque de Rennes et seigneur de Saint-Jean-sur-Couesnon. Le vicaire de cette chapelle est à la nomination du marquis de la Dobiais, de la seigneurie duquel elle dépend. Ce marquisat appartient aujourd'hui à M. Paul Hay, chevalier, marquis des Nétumières, du chef de dame Marie-Rose de Latran de Kcadio de Rochefort, son épouse, petite-fille du président de la Coquerie, patron, fondateur et représentateur de la chapelle de Guibé.
L'église paroissiale de Toussaint avait été bâtie par les premiers comtes de Rennes, dans un lieu assez éloigné de la ville. Elle était d'abord isolée ; mais, dans la suite, les terrains vagues qui l'environnaient furent afféagés à des particuliers qui y firent construire des maisons. En 1505, on projeta d'y faire un cimetière pour l'emplacement duquel Gui, comte de Laval, seigneur du lieu, donna quelques maisons dont le général de la paroisse s'obligea de lui payer la rente avec un cierge à la Chandeleur. On plaça, par reconnaissance, plusieurs écussons aux armes de cette maison dans l'église de Toussaint et au coin du nouveau cimetière. Jusque-là le presbytère de la paroisse avait été dans la rue du Chapitre, renfermée dans l'ancienne cité. Les habitants, qui sentaient combien cet éloignement était incommode pour eux et pour leurs prêtres, achetèrent, en 1506, un terrain plus voisin de l'église, où ils placèrent la cure. L'année suivante, 1507, leur nouveau cimetière fut béni.

L'an 1508, le roi Louis XII et la reine Anne accordèrent aux paroissiens de Toussaint le terrain de la rue Traversine, pour l'incorporer àleur cimetière. cette rue séparait l'ancien cimetière du nouveau et de leur église.

Les registres de la communauté de ville nous apprennent qu'en ce temps Jacques de Tours, médecin, avait 60 livres. d'appointements. Il était, selon toutes les apparences, le seul de son art qui résidât à Rennes.

Par lettres données à Blois, au mois de mai 1510, la reine Anne accorda de nouveaux privilèges au couvent des jacobins de Rennes, et y fit de nouvelles fondations : elle donna à ce monastère sa couronne ducale avec trois ornements complets pour la célébration du service divin. Le premier avait été fait de sa robe de noces avec Charles VIII, et de son manteau ducal. Il était inappréciable, parce que ces vêtements étaient ornés de pierreries d'une grande beauté : ce riche présent ne subsiste plus. — En 1519, on établit une foire franche à Rennes pendant quinze jours, foire qui depuis a été supprimée, on ne sait pourquoi. — Le 26 novembre 1524, les Etats, assemblés à Rennes, rendirent hommage au roi, qui envoya dans cette ville des commissaires pour recevoir le serment de fidélité de cette assemblée. — En 1516, Noël du Margat, abbé de Saint-Melaine, fit réparer l'église et les bâtiments de son abbaye, qui tombaient en ruines. On doit rendre justice à cet abbé, dont la sagesse réforma les abus de sa maison et les désordres de ses moines. — Les abbesse et religieuses de Saint-Georges se déshonoraient alors, par une conduite très-licencieuse, sous le gouvernement d'Isabeau Hamon, sœur des évêques de Nantes et de Vannes, élue abbesse en 1523. Ce couvent porta le désordre à son comble ; il continua sous Christine Toustain, qui mourut en 1527. Le respectable évêque Yves de Mayeuc, désirant faire cesser un scandale qui ne pouvait que nuire à la religion, voulut user de son autorité pour rétablir la discipline dans cette abbaye ; mais le mal avait pris de trop fortes racines. Les religieuses méprisèrent ses avis, et bravèrent son autorité. Le prélat fut obligé d'avoir recours à la puissance royale, avec le secours de laquelle il parvint à faire rentrer dans le devoir et dans la retraite ces dames, que l'amour du monde avait su séduire.

L'année 1527 est remarquable par l'établissement de la chambre royale à Rennes, pour la réformation de la noblesse. Le travail dura plus de vingt ans. — Au mois d'août 1532, les Etats s'assemblèrent à Vannes ; le roi y assista. L'acte de l'union de la province à la couronne fut passé le 12 de ce mois, et le dauphin fut reconnu duc de Bretagne. — Le 9 août 1532, les habitants de Rennes furent avertis que le prince devait faire son entrée dans leur ville. René de Montboucher, seigneur du Bordage, premier pannetier de la reine et gouverneur de Rennes, fit tous les préparatifs pour la réception du nouveau duc, qui arriva le 12 du mois d'août, sur les onze heures du matin. Il n'entra point en ville. Il se retira à l'abbaye de Saint-Melaine. On tira toute l'artillerie et on sonna la grosse horloge en manière de tocsin. Le prince était accompagné du cardinal de Grammont, du marquis du Pont, fils aîné du duc de Lorraine, du sire de Chateaubriand, lieutenant-général en Bretagne, et de quelques autres seigneurs. Cette illustre compagnie dîna à Saint-Melaine. Après le dîner, le prince donna audience aux seigneurs qui avaient droit d'assister au couronnement. Louis de Rohan, sire de Guémené, demanda d'être maintenu dans son droit de tenir et garder, pendant le couronnement, la couronne du prince ; ce qui lui fut accordé ; mais il fut dit que, sans déroger au droit dudit seigneur de Rohan, et pour cette fois seulement, le marquis du Pont prendrait la couronne sur la tête du prince pour la donner au sire de Guemené, sur un carreau préparé à cet effet. Ce premier point réglé, le sire de Quebriac, grand-écuyer, à cause de sa terre de Brecé, fut reçu à porter l'épée d'honneur devant le prince à son entrée. François de Maure et Alain de Trouvarlen, seigneur de la terre de Molac, furent reçus à porter les deux premiers cantons du poêle sur la personne du dauphin. René Tornemine et François Brulon, sieur de la Muce, furent reçus à porter les autres cantons du même poêle ; mais Pierre Chauvin, sieur de la Muce-Chauvin, et Claude de Malestroit, sieur de Kaër, prétendant au même privilège, le conseil décida que, sans préjudicier aux droits des parties, et pour terminer le différend, le poêle serait porté par Antoine de Montboucher, seigneur du Plessis, François de Maure et Alain de Trouvarlen.

Le lendemain, 13 du même mois, on dressa à la porte de l'abbaye de Saint-Melaine un grand théâtre décoré de belles tapisseries en or et en soie, sur lequel le prince se plaça dans un fauteuil de velours vert, accompagné des premiers de sa cour ; et on fit passer devant lui trois colonnes de gens de pied armés en guerre, avec piques, hallebardes et fusils, qui formaient un nombre de quinze cents hommes. La première, était habillée de blanc, gris et violet, et les deux autres avaient la couleur de la ville, blanc et noir. Les capitaines étaient accoutrés des couleurs de leurs troupes, en velours et drap d'argent, avec des bosses d'or et des devises relatives à la cérémonie. Chaque capitaine, à son rang, présenta au duc le service de sa compagnie, et lui fit un compliment en vers. Ces trois colonnes étaient suivies d'une autre troupe richement vêtue, en velours, satin et taffetas, nommée la troupe de la Bazoche, avec ses capitaines et officiers, faisant en tout trois cents hommes de pied. A leur suite parut le clergé séculier et régulier, en habits de chœur, avec les croix et les bannières. Les religieux de Saint Melaine portaient leurs reliques à cette cérémonie. René de Montboucher, capitaine de la ville, précédé des quatre trompettes, avec des robes aux armes de la ville, dont l'écusson était environné d'une cordelière, paraissait richement habillé, et accompagné des officiers municipaux et des principaux bourgeois magnifiquement parés, au nombre d'environ deux cents. Quand ils furent devant le théâtre, les trompettes commencèrent leurs fanfares. Le capitaine mit pied à terre avec les connétables et sept à huit des plus notables bourgeois, et harangua le prince. Louis du Désert, conseiller, maître des requêtes du prince et garde-scel en sa chancellerie, répondit à la harangue, et témoigna le contentement du prince. Ceux-ci étaient suivis des sergents, des notaires et des avocats, en robes de palais et bien montés ; ils précédaient les officiers supérieurs. Pierre d'Argentré, sénéchal de la ville, descendit de cheval et fit sa harangue.
Suivaient le chapitre de la cathédrale, portant les reliques, les trompettes de la ville et les hérauts d'armes, le vice-chancelier, les maîtres des requêtes, les abbés de la Chaume et de Montfort, les évêques de Saint-Malo et de Coutances (ce dernier était grand-aumônier), le sire d'Avaugour portant le bâton de maréchal, et Louis de Nevers, chacun en leur rang. Le duc, vêtu d'une robe de velours bleu avec des broderies en or, monté sur un cheval enharnaché de velours noir, avec des boucles d'or, paraissait ensuite, ayant à sa droite le cardinal de Grammont, et à sa gauche le marquis de Lorraine. Il était suivi de Louis Hainast, chevalier de l'ordre du roi, gouverneur du duc, et de plusieurs autres seigneurs. Lorsque le duc commença à marcher, la grosse horloge sonna jusqu'à ce qu'il fût arrivé à l'église de Saint-Pierre. Quand il se présenta à la porte au Foulon, le peuple cria : Vive le Duc ! et l'artillerie tira. Cette porte était fermée suivant l'usage. L'évêque de Rennes, accompagné du sire de Chateaubriand, qui fit ouvrir la porte, présenta au duc le livre des Evangiles et les reliques, sur lesquels le duc fit serment de conserver les droits de l'Eglise de Bretagne et ses ministres dans leurs privilèges et anciennes libertés. Le seigneur de Chateaubriand reçut le même serment pour la noblesse, les villes et le peuple. Le duc entra , et on lui présenta un riche poêle de damas bleu et de satin blanc, orné de fleurs-de-lis d'or et d'hermines, sous lequel était le seigneur de Quebriac, grand-écuyer, à cheval, et ayant l'épée ceinte avec une écharpe émaillée de fleurs-de-lis d'or. Ce seigneur se retira, et céda sa place au duc, devant lequel il continua de marcher. Les rues étaient richement tapissées, et les carrefours étaient décorés de théâtres, avec des emblêmes et des devises relatives à la cérémonie. Quand le prince fut rendu au manoir épiscopal, le poêle, que le sire de Maure prétendit lui appartenir, fut saisi par les domestiques de ce seigneur. Le duc entra à Saint-Pierre, monta au chœur et se plaça, pour assister à vêpres, sous un poêle de drap d'or qu'on lui avait préparé du côlé de l'Evangile. A Magnificat, l'évêque donna l'encens au duc et au gouverneur de la province. Après les vêpres, le duc se retira au palais de l'évêque ; et le lendemain 14, à sept heures, le clergé de la cathédrale, portant les reliques, les évêques de Rennes, de Saint-Malo et de Coutances, en habits pontificaux, et accompagnés des abbés de Montfort et de la Chaume, se rendirent au Palais épiscopal et trouvèrent le duc au bas du vestibule. L'évêque lui présenta un livre, qu'il baisa, et ensuite il fit serment de défendre la foi catholique, l'Eglise de Bretagne et ses ministres. On marcha ensuite processionnellement à la cathédrale. Le clergé commençait la marche ; venaient ensuite les trompettes, le premier huissier du duc, deux maîtres d'hôtel vêtus de robes de satin violet, leurs bâtons blancs à la main, les hérauts de Bretagne et de Champagne, Claude de Villeblanche, seigneur de Broons, portant un carreau de drap d'or, le marquis de Lorraine, le duc de Nevers, puis le duc, ayant à sa droite le cardinal de Lorraine, et à sa gauche le gouverneur, le seigneur D’Humières et le grand-maître des eaux et forêts, avec plusieurs grands seigneurs, tous magnifiquement vêtus, et les archers de la garde.

On avait préparé une espèce d'échafaud dans la cathédrale pour le couronnement. Quand le prince fut arrivé, il se mit à genoux, au bas de cet échafaud, sur un carreau que lui présenta le seigneur de Broons, et quand il eut fait sa prière, il fut conduit, par le moyen d'un petit pont, sur l'échafaud, par le gouverneur et le cardinal de Grammont. Le sire d'Avaugour tenait l'épée ducale. Le duc s'assit sur une chaise de drap d'or. On lui ôta la robe qu'il avait, et on lui mit un manteau de velours pourpre et fourré d'hermines qui était ouvert par les côtés. M. de Nevers lui mit le collier de l'Hermine et ensuite celui de l'ordre du Roi. Le couronnement se fit à la manière accoutumée, comme on l'a dit ci-devant. Après la messe, le duc fut reconduit au palais épiscopal, et l'on cria à haute voix « que le duc tiendrait cour ouverte, et que ceux qui voudraient se trouver à son dîner n'en seraient pas empêchés. » Le duc ayant quitté les ornements ducaux, excepté la couronne, vint dans la salle du festin. Quand il parut, les trompettes se firent entendre, et quand on voulut se mettre à table, on lui ôta la couronne. A chaque service, les trompettes répétaient leurs fanfares. Les grâces furent dites par le cardinal de Grammont, et le duc donna, pendant deux heures, audience à ceux qui avaient affaire à lui. Il alla à vêpres au monastère de Saint-Georges, accompagné de sa cour et des gens de justice. Les compagnies qui avaient assisté à l'entrée ayant été averties, se trouvèrent à la sortie du duc, le conduisirent à Saint-Georges, et le ramenèrent à son logis au milieu des décharges réitérées de l'artillerie. Quand il fut rentré, le comte de Laval, le seigneur du Bordage et les principaux de la ville lui offrirent, au nom des habitants, une hermine d'or émaillée entre six lis, environnée d'un riche chapeau de triomphe du poids de huit marcs d'or : c'était la figure de l'union qui venait de se faire, aux Etats de Vannes, de la Bretagne à la couronne. On fit une harangue au duc, qui ôta son bonnet, et témoigna sa satisfaction.

Le mercredi 14 août au soir, un des écuyers du roi vint à Rennes, où il apporta la nouvelle que le roi était à Nantes, qu'on y préparait un tournois, et que l'intention de Sa Majesté était que le dauphin, duc de Bretagne, se rendît à Nantes. En conséquence, le prince partit le lendemain, et fut conduit par le seigneur du Bordage et sa troupe jusqu'à la lande Salibart, où ils prirent congé de lui, et lui recommandèrent la ville et les habitants de Rennes. Le cardinal de Grammont répondit que le prince était fort content des Rennais, qu'il les remerciait ; puis il prit congé d'eux. Alors les troupes firent une décharge générale de leurs armes, et s'en retournèrent, et le dauphin marcha vers Nantes.

Les premières écluses qui parurent sur la Vilaine furent construites l'an 1539, par ordre du roi, et l'an 1542 on commença à naviguer sur cette rivière, depuis Rennes jusqu'à Messac. Les premiers bateaux étaient, comme ceux d'aujourd'hui, fort plats, et ne portaient qu'environ vingt milliers. La première pierre de l'église cathédrale de Rennes fut posée le 15 septembre 1541, comme on le voit dans les archives de la ville. Dom Lobineau prétend que ce fut Yves de Mayeuc qui la posa ; il se trompe : ce prélat était alors dangereusement malade à Brey, et mourut de sa maladie ; la cérémonie se fit donc seulement en son nom. Ses tours, au nombre de deux, réunissent les cinq ordres d'architecture, qui sont entassés les uns sur les autres. La plate-bande du portail est admirée de tous les connaisseurs. En 1755, le vaisseau de cette église menaçant ruine, elle fut démolie, à l'exception des deux tours, qui subsistent encore. On y trouva le corps d'Yves de Mayeuc dans une châsse de plomb, avec sa bague d'évêque au doigt.

La ville de Rennes essuya, en 1544, un tremblement de terre si violent que les meubles s'entrechoquaient dans les maisons.

1554. — Le roi Henri II établit, au mois de novembre, un siège de grand-maître réformateur des eaux et forêts à Rennes. Le même monarque créa aussi six charges de maîtres des requêtes clans la chancellerie de Bretagne, où ci-devant il n'y en avait que six. On voit au nombre des lettres de nos rois, concernant les privilèges de la communauté de Rennes, trois copies des lettres de Charles VIII, portant que la chancellerie était fixée à Rennes, indépendamment du Parlement, qui n'y siégeait que quelques mois. Ce règlement fut confirmé par les lettres du roi François Ier ; mais aux dernières lettres de l'an 1631 on a joint les pièces d'une grosse procédure au Conseil pendant les années 1542 et 1543, contre les habitants de Nantes, qui avaient surpris au dauphin Henri, duc de Bretagne , deux lettres portant que la chancellerie tiendrait six mois à Nantes et six mois à Rennes, sans jugement décisif sur ce point. On ne trouve même aucune sentence qui fixe la chancellerie près le Parlement.
Le siège présidial de Rennes, composé de sept conseillers, d'un avocat du roi et d'un greffier, fut créé par édit du roi Henri II, donné à Reims au mois de mars 1551.
Le Parlement fut créé en 1553, et tint sa première séance au mois d'août 1554, dans le couvent des Cordeliers. Cette cour, qui s'est toujours distinguée par ses lumières, son équité et sa sagesse, fait soigneusement observer les lois. La province sent tout le prix d'un établissement si nécessaire. La fortune des citoyens est actuellement en sûreté ; le riche et le puissant n'oppriment plus impunément le pauvre et le faible, et l'on n'a point à craindre l'ambition et la ruse d'un injuste ravisseur. Mais si la Bretagne retire beaucoup d'avantages de son Parlement, la multiplicité des jurisdictions inférieures est un abus qui, selon bien des gens, mérite l'attention d'une administration éclairée. C'est à ceux qui connaissent le mal d'indiquer le remède.
Le 15 juin 1559, le roi Henri II entra au Parlement, pour s'instruire, par lui-même, du nom et des qualités des fauteurs de la nouvelle doctrine. Il fut aussi surpris qu'indigné de voir plusieurs conseillers se déclarer en faveur de la prétendue réforme. Il les fit arrêter, et, ordonna de leur faire leur procès. Cette sévérité n'empêcha pas deux nouveaux ministres de prêcher en Bretagne. On fit à Rennes la cérémonie de la Cêne, la veille du dimanche des Rameaux, dans la maison de la Prévalaye, et on la renouvela, à la Pentecôte, dans la maison de la Motte-au-Chancelier, située hors la ville, dans la paroisse de Saint-Etienne.

Artur de Cossé, fils de Charles, comte de Brissac, maréchal de France, fut nommé abbé de Saint-Melaine l'an 1560, et évêque de Coutances en 1561. Ce prélat, qui aimait beaucoup l'argent, enleva à l'abbaye de Saint-Melaine les vases sacrés, l'argenterie et les plus précieux ornements de l'église. Les moines s'en plaignirent ; mais leurs plaintes eurent un mauvais succès. Artur, irrité, se saisit de toute leur vaisselle et de tout ce qu'il trouva de son goût ; il traita même durement les moines ; et quand il vit qu'il ne pouvait plus rien leur prendre, il permuta, en 1570, avec l'abbé du Mont-Saint-Michel. L'an 1565, les jurisdictions royales de Hédé et de Saint Aubin-du-Cormier furent unies et incorporées à la sénéchaussée de Rennes, par édit du mois d'octobre.

Avant l'union de la Bretagne à la couronne de France, François II, par ses lettres du 22 septembre 1485, avait établi un Parlement qui devait se tenir à Rennes et à Vannes. Cet arrangement subsista jusqu'en 1553, époque de l'érection du Parlement actuel, qui fut fixé pendant six mois à Rennes et pendant six mois à Nantes. Cette alternative donna lieu à de grandes et longues contestations entre ces villes, qui voulaient posséder cette cour exclusivement. Les Nantais succombèrent, et l'arrêt du Conseil, du 2 mars 1580 décida que le Parlement demeurerait dans la ville de Rennes. Comme cette affaire était importante, les habitants de Rennes n'avaient rien épargné pour faire juger en leur faveur. Le 8 février de cette année, ils avaient député le vicomte de Mejusseaume, François Dugué, chevalier des ordres du roi, gouverneur de leur ville, et le sieur de Mezière, pour aller défendre leur cause en cour. Les Nantais ne s'étaient pas oubliés : ils avaient aussi fait partir des députés ; mais leurs raisons n'étaient pas aussi fortes que celles de leurs adversaires. La ville de Rennes avait à Paris Gilles Lezot de la Ville-Geffrai, son procureur-syndic, qui représenta « combien il était incommode de porter de Rennes à Nantes les registres du Parlement tous les six mois. » II ajouta « que la ville de Nantes, déjà riche par son commerce, n'avait pas besoin de cette nouvelle source de richesses, et qu'étant située à l'un des bouts de la province, à près de quatre-vingts lieues de Brest et de Saint-Renan, c'eût été porter un préjudice très-grand aux habitants de ces cantons que de fixer si loin d'eux une cour où ils ne pouvaient manquer d'être obligés d'aller chercher la justice. »

1589. — Commencement des guerres de la Ligue en Bretagne. Le 2 mars, le duc de Mercœur fit arrêter secrètement le seigneur de Ris, premier président du Parlement, avec son fils et son gendre, qui revenaient de Paris. Ils furent conduits et enfermés au château de Nantes. Quelques jours après, on fit trois processions générales à Rennes pour la conservation de la religion catholique. Le peuple y marcha avec des cierges et des flambeaux ; plusieurs y marchèrent pieds nuds, et les autres simplement en chemises. Cette dévotion ne fut pas approuvée du gouverneur de la ville, René Marec de Mont-barot, huguenot zélé, qui, après les processions, s'empara de toutes les forteresses, où il mit des troupes de sa religion et les catholiques qu'il crut les plus fidèles au roi, dans la crainte que, par un zèle aveugle, les catholiques ne livrassent la ville au duc de Mercœur. Celui-ci, n'ayant pu mettre la ville de Rennes dans ses intérêts, transféra, de son autorité privée, le présidial et la cour des monnaies à Dinan. Le 12 mars de la même année, un soldat catholique, qui était en faction à la tour de la porte au Foulon, fut arraché de son poste par violence, et on lui substitua un soldat de la religion protestante. Ce procédé causa la plus prompte révolution. Les catholiques, mécontents, se précipitèrent dans cette tour et s'en rendirent les maîtres. Dans le moment, toutes les rues furent barricadées, et, deux jours après, on introduisit le duc de Mercœur dans la ville, où il fut comblé d'honneurs par les ecclésiastiques, les gens de justice et les habitants. Il resta à Rennes jusqu'au 28 du même mois, qu'il partit pour Fougères. — Le prince lorrain ne fut pas longtemps le maître de Rennes. Le 5 avril, le parti du roi voulut faire un dernier effort pour arracher cette place au duc de Mercœur. Gui le Meneux [Le Meneust] de Bréquigni, sénéchal de Rennes, concerta avec plusieurs fidèles sujets du roi le moyen d'exciter une émotion dans la ville, en faisant crier vive le roi ! dans toutes les rues et les faubourgs. L'entreprise eut le plus heureux succès. Dans l'instant que les cris se firent entendre, l'émotion devint générale. Les royalistes furent les plus forts : le capitaine Charronnière, commandant pour le duc de Mercœur, fut obligé de remettre les clefs de sa place au sénéchal, qui eut la satisfaction de soumettre à son maître la capitale d'une grande province. Cette généreuse action fut récompensée : les Etats ordonnèrent à leurs trésoriers de faire frapper une médaille d'or, avec une chaîne, du poids de 360 écus, sur un côté de laquelle seraient les armes de Bretagne, et de l'autre celles du seigneur de Bréquigni, avec cette légende : La ville de Rennes a fait pour son libérateur ce qu'on faisait autrefois pour ceux qui avaient bien servi la République. Le parti du roi reprit donc le dessus dans Rennes ; les ligueurs furent forcés de se cacher, et les sujets fidèles qui, dans le temps de la révolution, avaient pris la fuite, retournèrent au sein de leurs foyers.

Ce qui venait d'arriver faisait craindre pour l'avenir. Le gouverneur, René de Montbarot, crut devoir prendre toutes les précautions que lui dictait la prudence, pour éviter la surprise d'un ennemi rusé et actif. Jusque là, il avait été d'usage que l'abbesse de Saint-Georges fût la dépositaire de la clef de la porte de ville de Saint-Georges. Montbarot abolit cet usage, qui depuis n'a plus été renouvelé. L'abbesse actuelle, outre qu'elle avait obligation de sa dignité au duc de Mercœur, était encore tante de la duchesse, son épouse. Deux motifs aussi puissants ne pouvaient manquer de faire pencher l'abbesse en faveur de la Ligue, et Montbarot ne pouvait, sans inprudence, lui laisser les moyens de se livrer à son penchant. Il la pria donc de lui remettre cette clef, ce qu'elle ne put lui refuser. Le 12 avril, le roi rendit un édit portant translation de la Chambre des comptes, de la Cour des monnaies et de l'Université de Nantes à Rennes, en punition du parti que cette ville avait pris contre son prince.

Le roi Henri III ayant été assassiné à Saint-Cloud, le 2 août 1589, le duc de Mercœur, qui était alors à Fougères, fut celui qui reçut le premier la nouvelle de cet horrible attentat. Sur-le-champ il dépêcha le sénéchal de Fougères à Rennes, pour y porter la nouvelle de la mort du roi et la publier. Le sénéchal ne fut pas plus tôt arrivé qu'il s'acquitta de sa commission. Le Parlement, sans s'informer si la nouvelle était vraie ou fausse, et jugeant que l'intention du messager était d'exciter une sédition, le fit arrêter, lui fit faire son procès, et le fit pendre comme perturbateur du repos public, le soir même de son arrivée. Ce procédé irrita le duc de Mercœur, qui s'en vengea quelque temps après sur le juge d'une jurisdiction du Maine qui avait eu l'indiscrétion de condamner le duc de Mercœur comme rebelle à sa jurisdiction. Ce malheureux ayant été pris fut pendu sur la place du Bouffai, à Nantes, plutôt pour venger la mort du sénéchal de Fougères que pour punition de son audace.

Le 8 janvier 1590, la Chambre des comptes tint sa première séance au couvent des Carmes, à Rennes. Le 27 février, le Parlement rendit un arrêt qui déclarait faussaires quatorze membres de la chambre souveraine du duc de Mercœur, pour s'être faussement attribué la qualité de juges, et, en outre, criminels de lèze-majesté, comme complices de l'exécrable parricide commis en la personne du feu roi, et, comme tels, il les condamne à faire amende honorable, à être pendus et étranglés , à être traînés sur la claie , et, vingt-quatre heures après, à être attachés à la justice patibulaire, et leurs offices supprimés. L'arrêt ne fut exécuté qu'en effigie.

Noël du Fail, seigneur de la Hérissaye, conseiller au Parlement de Rennes, jurisconsulte célèbre, se faisait alors remarquer par ses connaissances profondes dans la jurisprudence : il a composé plusieurs ouvrages, notamment une histoire de Bretagne, et a fait un recueil d'arrêts de son Parlement, en trois livres. Eginard Baron et François Duaren l'engagèrent à réduire le droit civil en lieux communs. Il entreprit cet ouvrage à leur sollicitation, et l'acheva. Il enrichit le public de plusieurs autres productions, comme nous l'apprend la Bibliothèque française, par La Croix du Maine.

Le 14 Mai 1590, on commença les retranchements derrière la rue de la Reverdiais, faubourg de Rennes. Le 20 du même mois, on fit une procession générale à Rennes, pour demander à Dieu un temps favorable et une bonne paix. Le Parlement, la Chambre des comptes, tous les ordres et corps de citoyens y marchèrent.
Le 3 août, on fit dans la cathédrale l'anniversaire des obsèques du feu roi Henri III. Le prince de Dombes y assista avec un grand nombre de gentilshommes. Des difficultés sur le cérémonial, entre la Noblesse et le Parlement, empêchèrent cette Cour de s'y trouver. Quelques jours après, elle fit faire un service particulier dans l'église des pères condeliers, dans le couvent desquels elle tenait alors ses séances. Le dimanche 10 décembre, on fit une seconde procession générale et solennelle, pour demander à Dieu qu'il lui plût bénir les armes du roi. Le 27 du même mois, l'ouverture des Etats se fit dans le couvent des Jacobins de Rennes : il ne s'y trouva pas un seul évêque. L'ordre de l'Eglise n'était composé que de cinq personnes ; celui de la Noblesse, de quarante ; et de sept dans l'ordre du Tiers-Etat. Ces cinquante-deux personnes conclurent les Etats dans un très-court espace de temps. Le 3 novembre 1591, le théologal de Rennes et le prieur des Carmes eurent un différend très sérieux : ils portèrent leur animosité au point qu'ils ne s'épargnaient pas même dans leurs sermons :

« Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévôts ? »

Jusqu'ici nous n'avons point parlé de l'érection de la communauté de ville de Rennes, parce que, comme on l'a remarqué au commencement de cet article, les capitaines ou gouverneurs de la ville tenaient lieu de maires et échevins. Les révolutions qui se firent dans le gouvernement et dans l'état de la ville donnèrent naissance à cette communauté. Les différents accroissements, les soins qu'ils exigèrent, l'augmentalion des habitants, l'union de la province à la couronne, l'éloignement du souverain, de nouveaux principes, nécessitèrent sa création. La première chose qu'elle s'appropria, après l'administration des travaux publics et de la police, fut celle du produit du devoir de cloaison. Elle continua de nommer, tous les ans, des habitants pour en faire la perception, avec attribution de quatre deniers pour livre. A mesure que la communauté se forma, elle nomma tous les officiers qu'elle jugea nécessaires, tant municipaux que subalternes, à l'exeption du procureur-syndic, dont la nomination se fit d'abord par les ducs. Au commencement, et il ne s'assemblait qu'une fois par mois, et le dimanche seulement. Il est prouvé par les anciens comptes, qu'elle n'avait point de greffier, ni même de lieu fixé pour ses assemblées. Elle tint, en premier lieu, ses séances dans la tour de la porte Mordelaise, qui servait de logement au gouverneur, et, dans la suite, tantôt au reversaire de la cathédrale, tantôt au chapitre des Cordeliers, et parfois dans une maison située au grand bout de la Cohue, maison qui appartenait à un de ses membres : elle y avait déposé un coffre qui fermait à trois clés, dans lequel elle conservait ses titres. Au défaut du greffier, les délibérations étaient signées de tous les assistants. Vers l'an 1509, elle acheta un logement sur la place de la Monnaie.

La présidence aux assemblées fut continuée, selon l'ancien usage, au capitaine-gouverneur ; en son absence, à son lieutenant ; et, au défaut de celui-ci, au connétable.

Par édit du mois de mars de cette année, la communauté de ville ayant été érigée en corps de ville régulier, la présidence leur fut encore accordée par continuation. Ils en jouirent paisiblement jusqu'en 1659. A cette époque, les officiers du Présidial voulurent s'en attribuer le droit, et furent débontés de leurs prétentions.

Par arrêt du Conseil, du 13 mai 1659, les gouverneurs, lieutenants et connétables furent maintenus dans leur ancienne possession, conformément à un autre arrêt du Conseil du 29 mars 1629, qui porte qu'en leur absence, la présidence sera attribuée aux députés ecclésiastiques des officiers présidiaux. En 1592, la communauté avait demandé la création d'un maire, et que cette charge fût jointe à la place de gouverneur ; elle obtint sa demande par édit donné au camp devant Rouen, au mois de mars 1592.

Le 14 février de cette année, le Parlement donna un arrêt portant défense à toutes personnes de la ville et des faubourgs de manger de la viande pendant le Carême, et à tous bouchers et traiteurs d'en fournir, sous peine d'être pendus. C'était, sans doute, les protestants qui avaient donné lieu à cet arrêt. Les papiers de ce temps nous apprennent que l'on ne faisait presque plus d'abstinence à Rennes. On mangeait publiquement de la viande dans les rues ; ce qui scandalisait les catholiques zélés et pieux. — Les Etats, assemblés à Rennes, dans le couvent de Bonne-Nouvelle, le 27 décembre 1592, supplièrent le roi de ne mettre des garnisons que dans les villes de Rennes, Vitré, Ploërmel, Malestroit, Moncontour, Montfort, Paimpol, et dans les châteaux de Tonquedec, de Clisson, de Derval et de Maumuran. L'assemblée nationale ne fut pas nombreuse : elle termina ses séances le 4 janvier 1593.

Un événement singulier se passa, à Rennes, en 1593. Françoise Couaron, qui tenait l'auberge de la Bannière, dans la rue de la Fannerie, tomba en léthargie pendant le cours d'une maladie dangereuse. On la crut morte, et on se disposa à l'enterrer. Sa sœur, qui était à la campagne, arriva comme on allait la porter en terre. Elle fit arrêter le convoi et ouvrir la châsse. A la vue de cette sœur qu'elle chérissait, elle fit un cri perçant, et pria Notre-Dame de Bonne-Nouvelle de ressusciter la défunte. Sur-le-champ, cette femme recouvra l'usage de ses sens, guérit de sa maladie, et, quinze jours après, elle se rendit au couvent de Bonne-Nouvelle remercier le ciel de la grâce qu'il lui avait faite, et fit porter, dans l'Eglise de ce monastère, son suaire et sa châsse, qui y furent déposés.

Le 28 décembre 1593, se fit l'ouverture des Etats, au couvent de Bonne-Nouvelle. Cette assemblée créa les commissions intermédiaires, pour régir les affaires de la province depuis une tenue jusqu'à l'autre. Ces commissions sont au nombre de neuf, une dans chaque évêché. Celle de Rennes, qui fait la correspondance générale, est composée de dix-huit personnes ; les autres sont composées de neuf personnes seulement, trois de l'Eglise, trois de la Noblesse et trois du Tiers. — Le 16 janvier 1594, on fit une procession générale à Rennes, pour demander la paix. Le maréchal d'Aumont, le Parlement, et tous les corps de la ville y assistèrent. — Le 22 mars même année, on reçut à Rennes la nouvelle de la reddition de Paris sous l'obéissance du roi ; nouvelle qui causa une joie inexprimable, qui se manifesta par le chant du Te Deum, et une procession générale, à laquelle tous les corps assistèrent. Le maréchal d'Aumont, qui avait été blessé à la jambe, y marcha à cheval, à côté des présidents Harpin et Rogier, qui étaient à la tête du Parlement. Après cette action de grâces, le capitaine Fontelebon, qui venait d'arriver à Rennes, alla trouver le maréchal, et lui dit qu'il venait de soumettre à l'obéissance du roi le château de Quebriac, au diocèse de Saint-Malo. Le Parlement fit arrêter et emprisonner Fontelebon, pour l'obliger à acquitter ses dettes. Le maréchal, piqué de l'outrage fait à un guerrier fidèle, chargea le président de la Grée de prier le Parlement de mettre ce brave et courageux gentilhomme en liberté. Sur le refus de la cour, le maréchal se rendit lui-même à la prison, en fit enfoncer les portes, et mit le prisonnier en liberté. Ce gentilhomme était venu à Rennes avec un sauf-conduit, et il venait de faire une bonne action. Le procédé du maréchal n'eut pas de suites. Le Parlement se contenta de faire rapporter un procès-verbal de rupture ; mais ayant trouvé, quelque temps après, l'occasion de mortifier le maréchal, il la saisit. Ce gouverneur avait mis une imposition sur les habitants de Rennes, qui présentèrent au Parlement une requête pour s'en faire décharger. Elle fut répondue d'un qu'il en soit communiqué avec M. le maréchal. Ce seigneur se rendit au Parlement, et eut le désagrément de voir toute la compagnie se lever contre lui. Le résultat fut qu'il laisserait les habitants en repos.

D'Aumont avait passé sa vie dans le métier des armes : il avait blanchi sous le casque. Après une carrière longue et glorieuse, malgré le froid de l'âge, il fut la victime d'une passion terrible. Ce fut l'amour qui abrégea les jours de ce vieux guerrier. Il aimait passionnément Anne d'Alègre, comtesse de Laval, dame du château de Comper. Cette place importante était au pouvoir des Ligueurs, qui, en connaissant l'utilité, y entretenaient une bonne garnison. La comtesse, certaine de l'empire qu'elle avait sur le maréchal, le pressa de l'assiéger, et employa de si bonnes raisons qu'elle y réussit. Le vieux général accorda tout à l'amour. Il fit le siège, et le poussa avec vigueur ; mais il fut blessé au bras, et contraint d'abandonner son entreprise. Cette blessure, qui d'abord n'avait pas paru dangereuse, devint mortelle, soit par l'ignorance des chirurgiens, ou par les chaleurs de l'été. Le maréchal mourut au palais épiscopal de Rennes, le 19 août 1595. On rendit à ce gouverneur tous les honneurs dus à sa dignité : son corps fut embaumé, et exposé sur un lit de parade jusqu'au 6 du mois suivant, dans la chapelle de l'évêché. La cérémonie de ses funérailles se fit dans la cathédrale, qui était toute tendue de velours noir, à cinq rangs dans le chœur et trois dans la nef, avec les armes du défunt, et une grande illumination. Tous les corps de ville assistèrent à cette pompe funèbre dont la cérémonie fut faite par AEmar Hennequin, évêque de Rennes. L'oraison funèbre fut prononcée par Peschard. Le comte de Chappes fut le seul de la famille du maréchal qui assista à ses funérailles, après lesquelles il fit porter le corps de son père dans la province de Poitou, où il fut enterré. Le général fut regretté de toute la Bretagne : il était aimé du peuple, et d'autant plus estimé, qu'il n'avait jamais chancelé dans le service du roi. Il avait gagné l'affection des soldats par ses libéralités et sa franchise. Le marquis de Lavardin fut honoré à sa place du bâton de maréchal de France. Le 6 octobre de cette année, on chanta, dans la cathédrale de Rennes, un Te Deum solennel, en actions de grâces de ce que le pape Clément VIII avait levé l'excommunication lancée contre le roi Henri lV et ses fidèles serviteurs.

Le 10 décembre 1595, la communauté de ville rendit sa première ordonnance : elle prescrit aux habitants de placer, à leurs frais, de douze en douze maisons, des lanternes publiques pour éclairer pendant la nuit. Le 19 février 1621, elle renouvela la même ordonnance, qui fut encore réitérée en 1629, et confirmée par un édit de l'an 1697. L'établissement de ces lanternes jusqu'à nos jours, qu'elles viennent d'être changées en réverbères, qui éclairent beaucoup mieux.

La nouvelle d'une trêve entre le roi et le duc de Mercœur, et la conversion de ce monarque, causèrent tant de joie aux habitants, que, le 26 décembre 1595, on fit une procession générale à Rennes. Le Parlement, la Chambre des comptes, le Présidial, la Maison de Ville y assistèrent en habits de cérémonie. Cette procession se rendit à l'église de Toussaint, où l'évêque célébra pontifîcalement. Le soir, on alluma, dans toutes les places publiques, des feux de joie, et la fête continua au son de toutes les cloches et au bruit du canon. Elle réjouissait autant les catholiques qu'elle déplaisait aux protestants. La joie fut diminuée par la disette qu'occasionna l'abondance des pluies. Les moissons manquèrent entièrement, et la guerre multipliait ses ravages. On fit une nouvelle procession, le 29 novembre, pour demander à Dieu la paix.

Au mois de mars 1597, le blé était si cher que la majeure partie des habitants était réduite à mendier dans les rues. La campagne n'était pas plus heureuse ; de sorte que la Communauté de ville rendit une ordonnance qui portait qu'elle ferait une aumône publique aux malheureux qui manquaient de pain. Le 15 juillet de cette année, mourut la dame de Montbarot, épouse du gouverneur de la ville. Elle était de la religion protestante, mais d'un mérite rare. Le lendemain, sur les huit heures du soir, son corps fut porté à Saint-Aubin, dans une châsse de plomb, par des gentilshommes et des officiers de la maison de son mari, pour être inhumé dans l'enfeu de sa famille. Le convoi se composait d'un grand nombre de calvinistes : il n'y avait ni prêtres ni moines, mais plusieurs pauvres en habits noirs, avec des flambeaux. Le gardien de Saint-Yves les avait rangés par ordre, il les conduisait, et ils marchaient devant le corps. Pierre Alleaume, recteur de Saint-Etienne, accompagna le convoi avec une grande multitude de bourgeois, quelques-uns des échevins et quelques membres du Parlement, mais tous marchant sans ordre.

Le duc de Mercœur, voyant son parti abattu, et la foudre prête à l'écraser, écouta enfin le conseil de la prudence, et fit sa paix avec le monarque. Cette heureuse nouvelle fut portée à Rennes par de Montmartin. Le Te Deum fut chanté au bruit du canon et au son de toutes les cloches de la ville, et l'on finit les réjouissances par une procession générale.

Le 6 mai 1598, le roi Henri IV, accompagné de l'Amiral, du Grand-Ecuyer, des ducs de Bouillon, de Brissac, du Chancelier, du Grand-Prévôt et des officiers de sa maison, partit de Nantes pour se rendre à Rennes. Sa Majesté alla coucher au château de Fontenay. Cette place, qui est située dans la paroisse de Chartres, appartenait à la maréchale de Brissac. Le roi partit le 9 du château de Fontenay pour se rendre à Rennes. La Communauté de ville alla au-devant de Sa Majesté jusqu'au-delà du faubourg de la Madeleine, où elle reçut le compliment des officiers municipaux, auxquels elle dit : Je vous annonce la paix générale dans tout mon royaume ; ce qui fit beaucoup de plaisir à tout le monde. Toutes les compagnies de la milice bourgeoise étaient sous les armes. Lorsque le roi fut près d'entrer sur le premier pont de la porte de ville de Toussaint, qui était simplement parée des armes de France et de Navarre, le maréchal de Brissac prit des mains de Montbarot, gouverneur de Rennes, trois clés de la ville, et les présenta à Sa Majesté, qui les reçut et les baisa , en disant : Voilà de belles dés, mais j'aime mieux encore les clés des cœurs des habitants. Ensuite, Le monarque passa les deux autres ponts, et entra dans la ville, au bruit du canon et au sou de la cloche de la grosse horloge.

Comme le roi avait défendu de faire des dépenses pour son entrée, on avait simplement placé, entre les deux tours de la porte Saint-Germain, un arc de triomphe, en verdure, avec le portrait du roi au naturel. On plaça aussi son portrait à l'évêché, où il logea. Le Parlement, en corps et en robes rouges, alla saluer le roi, sur les trois heures de l'après-midi, dans l'Eglise cathédrale. Le lendemain 10, jour de la Pentecôte, sa majesté entendit la messe, qui fut célébrée dans la cathédrale par Charles de Bourgneuf, évêque de Nantes, qui communia le monarque. Après la messe, le roi toucha les malades des écrouelles, qui étaient en grand nombre dans la cour de l'évêché. Dès le soir précédent, on avait fait publier, à son de trompe, que ces malades eussent à se trouver à la cathédrale. A quatre heures du matin, le cardinal de Joyeuse arriva à Rennes, où il resta avec le roi. Le 11, le roi fit une partie de chasse, et alla dîner au château de la Prévalaye, à trois quarts de lieue au sud-sud-ouest de Rennes, au bord de la rivière de Vilaine. Ce même jour, il arriva un accident dont le roi fut fort touché. Le prince de Moldavie et de Valachie, qui était à la cour de France, fut tué, dans la rue Reverdiais, par six Anglais. Le roi apprit cette nouvelle à son arrivée ; mais on ne crut pas devoir poursuivre la vengeance de cette affaire, d'autant mieux qu'on n'en savait pas la véritable cause. On croit seulement que cet assassinat s'était commis chez les femmes publiques. Montgommeri se fit presque prier pour venir voir le roi à Rennes. Pour le mortifier, le roi dit, en sa présence, à Sourdéac : Sourdéac, la fête des rois est passée. Il voulait dire par là qu'avant la paix, il y avait autant de rois que de capitaines en Bretagne. Le 13, le roi retourna à la chasse à la Prévalaye. On prit un loup, et un lièvre remarquable par sa singularité : il avait deux corps, huit jambes, une tête et trois oreilles. Cette chasse fut suivie de luttes et de plusieurs divertissements. Le 15, comme le roi sortait de la messe de la cathédrale, un des habitants, nommé Gravelle, se présenta devant sa majesté, et lui dit : « Je suis duc de Bretagne, et je vous fais prisonnier. » Cette extravagance fut accompagnée de plusieurs autres folies, dont le roi eut l'air de rire ; mais on se hâta d'éloigner ce fou, et de le conduire en prison. Montbarot fut fort blâmé de ne l'avoir fait enfermer plus tôt. Le roi devait partir ce jour-là pour aller coucher à Vitré, mais il fut retenu par le désir de voir la fille de Jean Yger de Launay, avocat de Rennes, qui était parfaitement belle. Cette jeune personne toucha le cœur sensible du monarque, et l'on prétend qu'il eut un tête-à-tête avec elle. Quoi qu'il en soit, le roi ne partit que le 16, à quatre heures du matin, et alla coucher à Laval, d'où il écrivit, le 17, pour la convocations des Etats, dont l'ouverture se fit, le 18, au couvent de Bonne-Nouvelle. Toute la noblesse s'était rendue à Rennes lors de l'arrivée du roi. Avant l'entrée de ce monarque en leur ville, les habitants étaient obligés de monter la garde jour et nuit aux portes et sur les remparts. Le monarque abolit cette coutume, et la garde ne fut plus montée que la nuit, pour le bon ordre et la police.

L'an 1599, le roi accorda à l'hôpital de Saint-Yves, pour neuf ans, le quart des casuels de la sénéchaussée, pour récompenser cette maison des dépenses qu'elle avait faites pour soigner les soldats blessés et malades qu'elle avait reçus et traités pendant les neuf années de guerre et de troubles dans cette province. Le 6 juin 1602, la maison de ville marcha, pour la première fois, en corps, à la procession de la Fête-Dieu. Le déjeuner de ce jour, référé sur ses registres, ne monta qu'à la somme de vingt-une livres onze sous. Ce fut dans ce temps que Jean Jubin, prieur de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, fit élargir son Eglise du côté du cloître. Le sommet des tours de la ville fut démoli, en 1602 et 1603 par ordre du monarque.

Le 25 août 1586 fut faite la première déliberation pour l'établissement des Jésuites à Rennes, dans le prieuré ou collège de Saint-Thomas, qui dépendait de la communauté, à raison du don qui lui en avait été fait dès l'an 1533. Les archives de la communauté de ville n'on point conservé le nom du donateur, parce que les comptes de ce temps manquent. La communauté de ville entretenait dans ce collège un principal et divers régents, qui y donnaient de leçons publiques, depuis qu'on avait transféré dans cet endroit les écoles qui auparavant se tenaient au bas de la rue de la Cordonnerie, dans un ancien bâtiment situé près la Synagogue. La réputation des Jésuites engagea la communauté à leur donner ce collège. Le roi approuva le projet et donna un édit en conséquence. Le 18 juin 1604 on décerna acte à la communauté de la représentation de l'édit rendu à ce sujet, et il fut arrêté qu'il serait enregistré. Le 27 octobre 1606 fut faite la représentation du contrat passé avec eux pour la fondation du collège, qui subsiste encore aujourd'hui. La communauté cède à ces pères les maisons et les jardins de Saint-Thomas, avec toutes leurs dépendances ; le tout bien préparé pour les recevoir. On leur donna encore trois mille livres de rente, à prendre sur le papegai ; et, dans la suite, elle leur procura et unit à leur collège les prieurés de Brequen [Breguin, dans la commune actuelle de la Boussac], Fains, Noyal et Livré. La communauté de ville acheta encore le terrain sur lequel leur Eglise est bâtie, avec ses dépendances, et la fit construire à ses dépens ; ce qui lui coûta des sommes considérables.

Le 17 octobre 1607, la communauté reçut pour la première fois ses redevances ; ce qu'elle a continué depuis ce temps. Le 8 août 1614, les Jésuites requirent, pour la première fois, la communauté de ville d'assister aux jeux publics et à la distribution des prix qu'elle a fondés. Les registres de l'an 1620 et les suivants portent précisément que la messe que les Jésuites devaient à la communauté de ville le jour de saint Luc, à la fin de laquelle ils lui présentaient un cierge armorié pour marque de leurs redevances, doit être célébrée en musique, et suivie d'un régal. Ils manquèrent une fois à s'acquitter de ce devoir, et la ville s'en plaignit vivement. Le 22 juillet 1624 fut posée la première pierre de l'église de ces pères : elle fut dédiée et consacrée le 2 septembre 1657.

Le 28 août 1658, la communauté de ville décida que les Jésuites feraient leurs jeux publics dans la cour de leur collège, et non ailleurs ; qu'ils en viendraient donner avis, et présenter les prospectus à la communauté un mois avant l'exécution, et qu'à la Saint-Luc, époque fixée pour l'ouverture des classes, ils apporteraient la liste des livres classiques dont ils se serviraient. On a compté jusqu'à quatre mille écoliers dans ce collège, où les Jésuites ont enseigné jusqu'à la suppression de la Société, en 1764. Dans le plaidoyer de M. Arnaud, page 37, il est dit que les Jésuites excitèrent une sédition à Rennes ; mais il ne dit pas en quelle année et à quelle occasion. Ce collège est actuellement dirigé par des prêtres séculiers, et sert de séminaire pour l'instruction des jeunes étudiants qui aspirent aux ordres sacrés.
L'an 1604, la communauté de ville acheta le fonds pour l'établissement des pères capucins ; il coûta une somme de 5620 livres. La ville y fit construire, à ses frais, les enclos, les logements et la chapelle ; elle acheta le tableau du maître-autel, qui coûta une somme de 800 livres. Ce tableau fut peint par Corcord, peintre de Nantes, qui fit aussi le portrait du roi Louis XIII, qui est dans la chambre du conseil de la ville. Le 4 juillet 1614, il fut arrêté que la communauté de ville assisterait à la dédicace de l'église des pères capucins, en sa qualité de fondatrice de ce monastère.

1605. — La communauté de ville forme le projet d'ouvrir la rue d'Orléans, et de bâtir le Pont-Neuf qui est au milieu, afin d'établir une communication entre la haute et la basse-ville. Elle obtient à ce sujet des lettres-patentes du roi Henri IV, et, en 1606, elle fait procéder à la levée du plan et au procès-verbal des ouvrages. Les maisons et les jardins qu'on prit pour former cette rue furent achetés et payés aux propriétaires. Philippe, comte de Béthune, lieutenant général en Bretagne, gouverneur de Rennes, et ci-devant gouverneur du duc d'Orléans nomma la nouvelle rue rue d'Orléans. Ce seigneur partit, peu de temps après, pour Saint-Malo, accompagné de Bertrand Duguesclin, surnommé le sage Roberie, et de plusieurs autres seigneurs. Ils s'embarquèrent pour se rendre à l'île Césembre, éloignée d'une lieue de la ville ; mais le vaisseau qui les portait ayant été battu de la tempête, toute cette illustre compagnie se noya dans le trajet. L'an 1609 se fit le procès-verbal du devis de la construction du Pont-Neuf, dont l'adjudication fut faite le 23 janvier 1610. Il nous apprend que ces travaux et la construction de l'écluse de la Poissonnerie coûtèrent une somme de 20 800 livres. La première pierre de ce pont fut posée au mois de juin 1612. Ce fut alors que le roi voulut faire exécuter les projets d'agrandissement dont j'ai ci-devant fait mention sous l'année 1486 ; mais la communauté de ville obtint la décharge de ces travaux, par arrêt du Conseil du 15 juin 1610. — Le 3 avril 1615, la communauté de ville reçut les religieuses ursulines, qui s'établirent au lieu du Pré-Botté, et le 21 avril 1620, on accorda à ces religieuses la cloche de la porte de Toussaint, qui servait à annoncer l'ouverture ou la fermeture de cette porte. Les Ursulines s'obligèrent à la rendre quand elles en seraient requises.

Le 4 janvier 1616, la communauté arrêta d'établir la patrouille, pour la sûreté et la tranquillité des citoyens, pendant la nuit, et, en conséquence, on acheta vingt-quatre mousquets pour cet usage. — Le 21 décembre 1618, on admit à Rennes les religieuses carmélites, et, par acte passé le 19 janvier 1619, il fut expressément stipulé qu'elles feraient mettre les armes de la ville sur la principale porte de leur couvent, ce qu'il leur fut encore ordonné de faire. Le 16 janvier 1638, la communauté prit le titre de leur fondatrice, en vertu du don de 6000 livres qu'elle leur fit pour leur établissement. Il ne paraît pas cependant qu'elles aient exécuté les ordres de leurs officiers municipaux. La délibération de 1638 nous apprend que la rente de 200 livres que leur paie la communauté, aux termes de l'arrêt du Conseil de 1681, provient d'une subrogation que leur fit le sieur de Labodinaye-Lezot, par acte du 26 octobre 1626, du constitut de cette rente, pour 3200 livres de principal que la communauté avait empruntées pour acquitter la somme de 6000 livres qu'elle avait accordée aux religieuses pour leur fondation. — Le 30 avril 1619, sur les huit heures et demie du soir, on entendit dans la ville de Rennes, et à plus d'une lieue à la ronde, un bruit qui ressemblait à celui de plusieurs charriots roulants, avec un vent considérable qui fut suivi d'un tremblement de terre.

Le maréchal de Brissac, lieutenant général pour le roi en Bretagne, mourut à Rennes le 5 juillet 1621. Après les cérémonies des funérailles, son cœur fut mis dans une boîte de plomb qui fut enfermée dans un petit coffre de pierre de taille couvert d'une plaque de cuivre avec une inscription, et on le déposa dans la chapelle de la Vierge, sous l'orgue de l'église cathédrale. Son corps fut transféré à Brissac, en Anjou, où il fut inhumé. Le jour de la mort de ce général se fit à Rennes l'ouverture des Etats.

Comme il n'y avait point encore de poste établie, par délibération du 11 novembre, et par ordonnance du maréchal de Brissac et du Parlement, on avait établi un courrier à pied, toutes les semaines, pour Paris. Le 30 juin 1674, l'entreprise des Hollandais sur Belle-Ile nécessita l'établissement d'un courrier extraordinaire pour Vannes et Auray. Il ne subsista que jusqu'au 25 juillet suivant, qu'on apprit la retraite de l'ennemi. La cessation de cette dépense fut suivie d'une autre. La communauté de ville fit une levée de trois cents hommes qu'elle arma, et qu'elle défraya jusqu'à Belle-Ile ; et en 1692, comme elle craignait une nouvelle descente dans la province, que menaçaient les Hollandais, elle fit un pareil armement pour Dinan, ce qu'elle réitéra aux années 1702 et 1703.

La chapelle de Bonne-Nouvelle, rebâtie, comme on l'a dit, par Hyacinthe Charpentier, prieur de ce couvent, fut dédiée et bénite, le 22 février 1622, par Pierre de Cornullier, évêque de Rennes. Ce prélat contribua beaucoup à l'établissement des pères minimes, qui furent fondés dans la rue Saint-Louis. La communauté de ville reçut ces religieux, et, le 25 mai 1635, elle leur donna la cloche qui était au-dessus de la porte de Saint-Michel, aux mêmes conditions qu'on avait accordé, en 1620 , celle de Toussaint aux ursulines ; mais il paraît que ces religieux n'acceptèrent pas le don, puisqu'on voyait encore une cloche sur cette porte en 1701. L'obligation que la ville contracta d'entretenir le pavé au devant du couvent des pères minimes est une grâce particulière qu'elle leur accorda le 12 février 1621, sans tirer à conséquence pour les autres monastères. Par un contrat du 4 décembre 1655, les pères minimes s'obligèrent à célébrer la messe du premier jour de l'an, et d'y convier la communauté de ville quelques jours auparavant. Ils s'obligèrent aussi, par ce contrat, à mettre aux deux extrémités du dehors de leur mur deux écussons aux armes de la ville, gravés sur une pierre de grain ; mais il ne paraît pas qu'ils aient rempli cette obligation.

Le 24 août 1626, le roi partit de Nantes pour se rendre à Rennes. Nous ignorons quelle réception les habitants firent à ce monarque. — Le 1er septembre 1628, les religieuses de la Visitation s'établirent à Rennes, dans la rue de Saint-Melaine. — Le 26 janvier 1629, il fut arrêté que les miseurs de la ville, enverraient, au jour de la Chandeleur, deux cierges, de cire blanche, chacun d'un quarteron, à tous les membres du corps, ce qui fut ensuite étendu jusqu'à leurs veuves, par délibération du 26 janvier 1646, et l'on arrêta de donner quatre livres de bougies pour accompagner ce cierge. Cet usage n'existait plus en 1700. — Le 12 juillet 1630, les religieuses du Calvaire furent reçues à Saint-Cyr, et placées à l'extrémité du faubourg l'Evêque. (Ut suprà.)
Une maladie contagieuse désolait la ville et le diocèse de Rennes. Pour apaiser la colère de Dieu, les habitants de cette capitale, qui ont toujours témoigné une dévotion particulière à la Sainte Vierge, firent vœu de présenter à Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle un monument en argent qui représentait la ville. Le 2 octobre 1626, sur l'avis donné à la communauté d'une procession générale pendant trois jours pour apaiser la contagion, il fut arrêté qu'elle y marcherait en habits de cérémonie. La somme pour l'acquit de ce vœu fut formée par une quête faite dans toute la ville. L'ouvrage fut travaillé par des orfèvres de Paris, et ne fut achevé que deux ans après. Il représente la ville, ses portes, ses remparts , ses tours et ses principaux édifices. L'image de la Sainte Vierge domine sur le reste du monument : elle a la main étendue sur la ville, elle petit enfant qu'elle tient entre ses bras est représenté donnant la bénédiction ; le tout pèse 119 marcs. Il fut apporté à Rennes au mois d'août 1634, et déposé dans l'Hôtel-de-Ville jusqu'au 8 septembre suivant, jour de la Nativité, qu'on le porta à l'église cathédrale avec la plus grande solennité. Les hérauts de la ville, parés de leurs casaques de velours blanc semé d'hermines, ouvraient la marche de la cérémonie ; ils étaient suivis de violons et de cent enfants superbement vêtus, sous douze guidons. Les musettes, la grande enseigne et les hautbois précédaient le Vœu, qui était porté sur un brancard, et couvert d'une housse de satin blanc semé d'hermines ; il était orné de vingt-quatre enfants habillés comme on représente les anges ; chacun d'eux portait un tableau en écu où était représenté quelque miracle de la Sainte Vierge. Tout le corps de ville suivait. On avait dressé, dans le haut de la nef de la cathédrale, un autel autour duquel les chanoines, les religieux de l'abbaye de Saint-Melaine, le Parlement, le Présidial en robes étaient placés. Le corps de ville se plaça au bas du parquet, auprès du Vœu. Pierre de Cornullier, évêque de Rennes, fit un sermon , après lequel il célébra pontificalement la messe. Quand elle fut finie, les échevins présentèrent le Vœu à ce prélat, qui le recul sur l'estrade de l'autel. Les deux connétables et le procureur-général-syndic, après avoir exposé à l'évêque le sujet du Vœu et de l'assemblée, le supplièrent de le recevoir, de le bénir et de l'offrir à la Sainte Vierge au nom de la ville et de ses habitants. Lorsqu'il fut béni, on termina les prières par le Te Deum, qui fut chanté en musique, et l'on fit une procession générale à Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle. La marche commença par les confrairies, suivies des bannières de toute la ville, des musiciens, vêtus de coton, des cent enfants, et de quatre hautbois avec des robes de flanelle blanche rayée de rouge et des couronnes de fleurs. Ces instruments jouaient l'hymne Ave, maris stella. Le clergé régulier marchait ensuite, chaque communauté sous sa croix ; il était suivi des prêtres séculiers, qui avaient des cierges à la main. Après eux venaient les religieux de Saint-Melaine, vêtus de leurs plus beaux ornements, et suivis de quatre hautbois vêtus de casaques de futaine blanche rayée de soie bleue et incarnat, et couronnés de fleurs : ils jouaient l'hymne O gloriosa Domina. Le grand étendard de la cérémonie paraissait ensuite : il était de tafetas blanc, de dix-huit pieds en carré, semé de fleurs de lys et d'hermines. D'un côté était représentée la Sainte Vierge tenant l'Enfant Jésus entre ses bras, et élevée au-dessus de la ville ; de l'autre étaient peints saint Sébastien et saint Roch, et au bas de l'enseigne étaient les armes de France et de la ville. Vingt-quatre enfants vêtus en anges marchaient sous cet étendard ; leurs habits étaient d'étoffes d'or ou d'argent ; ils avaient la tête couronnée de petits soleils d'or entourés de lauriers, et le Vœu était au milieu d'eux. Les musiciens, qui venaient immédiatement, précédaient le chapitre de la cathédrale, qui était suivi du Parlement, du Présidial, du corps de ville et de plus de cinquante mille personnes. Les rues par où passa la procession étaient tendues de tapisseries. A l'entrée du cimetière Sainte-Anne, on avait dressé un arc de triomphe qui avait vingt-cinq pieds de hauteur, et qui était orné de sept tableaux. Au côté droit de cet arc était un chœur de musique. La porte du cimetière de Bonne-Nouvelle était ornée des armes du pape, du roi, de la Bretagne, du cardinal duc de Richelieu, de l'évêque et de la ville. A l'entrée de l'église de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle était un portique décoré de trois pyramides, entre lesquelles on voyait deux figures d'anges, vêtus de satin blanc en broderie d'or. D'une main elles donnaient de l'encens, et de l'autre elles présentaient des fleurs. Lorsque la procession fut entrée dans l'église, on plaça le Vœu sur un autel de marbre noir, sur deux colonnes de marbre jaspé, de l'ordre corinthien, avec leurs chapiteaux dorés. On y voyait une plaque aussi de marbre noir, sur laquelle étaient gravés, en latin et en lettres d'or, ces mots : Vœu consacré à Dieu et à la sainte Vierge mère, pour avoir délivré de la peste la ville de Rennes, l'an 1632. Dès que le Vœu fut placé, on s'en retourna à la cathédrale dans le même ordre. En passant sur les Lices, on mit le feu à un bûcher qu'on y avait préparé. Les cérémonies durèrent jusqu'au soir de cette journée, dans laquelle on commença les prières des Quarante-Heures. Le lendemain, la procession générale se fit à l'hôpital de la Santé. L'évêque célébra, dans la chapelle de cette maison, une messe pour ceux qui étaient morts de la peste, et l'on porta les clefs de cet hôpital et les autres clefs qui avaient servi à fermer les portes des pestiférés morts, devant l'image de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle. La cérémonie dont on vient de parler dura quatre jours, pendant lesquels il était venu du monde de toute la Bretagne, de la Normandie, du Maine et de l'Anjou ; et l'on assure qu'il y avait à Rennes plus de deux cent cinquante mille personnes, y compris les habitants.

Le 7 septembre 1635, on arrêta que, tous les ans, le lendemain de la Nativité de la Sainte Vierge, jour auquel on avait offert le Vœu dont on vient de parler, en la chapelle de Bonne-Nouvelle, le corps de ville irait entendre une messe qu'il fonda dans la cathédrale, avec le consentement du prélat, du reste de la quête faite pour la dépense du Vœu, et que de là il s'ensuivrait la procession générale, aussi fondée tous les ans, à pareil jour, à l'église de Bonne-Nouvelle. Mais deux choses forcèrent la ville d'abandonner cette fondation. La première fut le refus obstiné de l'évêque de laisser apposer les armes de la ville au retable de la chapelle qu'on construisit exprès pour desservir cette fondation dans la cathédrale, au bout de l'aile qui joignait le manoir épiscopal, contre la convention expresse insérée dans l'acte passé entre lui, le chapitre et la communauté de ville, le 7 septembre 1635, à raison de la somme que cette dernière avait donnée pour la construction de cette chapelle, comme nous l'apprennent les registres de ce temps-là. La seconde raison fut que le 8 Septembre 1637, la communauté ayant été avertie que quelques conseillers du Présidial, sans former corps, voulaient prendre le pas sur elle à la procession, en suivant immédiatement les membres du Parlement qui y assistaient par dévotion, le syndic se plaignit au président de Marbœuf, qui décida en faveur de la communauté ; mais, l'année suivante, le Présidial ayant posté sur les avenues tous les sergents, pour s'en faire appuyer dans la marche, la communauté de ville arrêta de ne plus se trouver ni à la messe de fondation, ni à la procession qui devait se faire ensuite, mais de se rendre seulement en droiture à l'église de Bonne-Nouvelle, pour assister à la messe que les religieux se sont obligés de dire à perpétuité, en considération de l'exemption des droits d'écluses, qui leur a été accordée, et dont, depuis ce temps, il a été fait expresse réservation dans tous les baux qui en ont été adjugés. La communauté arrêta encore que le cierge qu'elle recevait tous les ans des pères jésuites, le jour de Saint-Luc, serait, au même temps, porté à Bonnne-Nouvelle, présenté à la Sainte Vierge et allumé pendant ladite messe ; ce qui, peu après, tomba en désuétude. Au surplus, la communauté s'étant pourvue au Conseil contre le Présidial, à raison de ces troubles, elle obtint, en 1693, un arrêt qui défendait aux membres de ce siège de marcher devant elle, si ce n'est en corps. Le Présidial se pourvut contre cet arrêt, et il en fut rendu un second, qui, pour couper court à ces contestations, portait que la communauté de ville ne marcherait plus en corps aux processions publiques que lorsque le Parlement et le Présidial y marcheraient.

Ce fut le 5 septembre 1658 que, pour la première fois, deux religieux jacobins allèrent convier la communauté de ville d'assister à la messe du Vœu en leur église ; ce qui s'est toujours pratiqué depuis. — Le 1er septembre 1668, sur la crainte qu'on avait que la peste, qui ravageait alors la Normandie, ne vînt en Bretagne, il fut arrêté que, le 8 du mois, il serait fait une procession générale, à laquelle ledit Vœu fut porté par des échevins détachés du corps de ville, qui y assista en habits de cérémonie.

Le 3 mars 1634, il fut permis aux religieuses de la Visitation de faire un second établissement de leur ordre au Colombier.

Les 23, 26 et 27 juin de cette année furent marqués par des réjouissances. Le fils d'un prince de Guinée fut baptisé par l'évêque de Rennes, et tenu sur les fonts de baptême, au nom du roi, par M. de Cucé, premier président au Parlement, et la demoiselle de Coëtquen. — Le 4 juillet 1636, les religieuses de Sainte-Catherine, de l'ordre de Saint-Dominique, obtinrent la permission de s'établir à Rennes, dans la rue Huë. — Le 22 juin 1638, sur ce que le Parlement avait arrêté de ne point marcher à la procession de la Fête-Dieu, à cause de quelques différends qu'il avait avec l'évêque, la communauté de ville arrêta qu'elle n'y marcherait pas non plus. — Le 13 août, fut représentée la déclaration du roi Louis XIII, au sujet de la procession qui se faisait tous les ans, en exécution du vœu du monarque, qui avait mis son royaume sous la protection de la Sainte Vierge. La procession se fit, pour la première fois, à Rennes , le 15 du mois d'août 1638. — Le 22 juin 1642, furent reçues les religieuses Hospitalières, et, le 3 juillet 1676, on leur donna la chapelle de Saint-Yves. Le 17 novembre 1645, la communauté, réfléchissant sur l'établissement des maisons religieuses, qu'elle avait reçues au nombre de huit depuis cinquante ans, arrêta de n'en plus recevoir, et fit homologuer la délibération prise à ce sujet, par arrêt du 24 du moine mois. — En 1609, la communauté, pouvant disposer de ses deniers, par la fin de la guerre, aux frais de laquelle elle avait été obligée de les sacrifier jusqu'à ce jour, commença à projeter la construction du palais pour le Parlement, et obtint la permission de bâtir cet édifice, par lettres du roi Henri IV, lettres qui furent vérifiées au Parlement le 2 décembre 1613. Le 31 octobre 1614, fut présenté à la communauté de ville le premier plan, qui fut dressé par ordre de la cour. Le roi accorda à ce corps politique le droit de lever un sol par pot de boisson qui se débiterait, à condition d'employer les deux tiers du produit de cet impôt à la construction du bâtiment projeté, et l'autre tiers pour les nécessités des habitants. En conséquence, la Cour ordonna par un arrêt que les maisons et héritages qui se trouvaient sur le lieu destiné a ce palais seraient incessamment prisés et estimés, afin qu'on en pût payer le montant aux propriétaires. Le 15 septembre 1618 fut posée la première pierre ; et, le 26 mars 1624, le sieur Cormeau, architecte, fut nommé pour conduire l'ouvrage à sa perfection. L'édifice ne fut achevé qu'en 1654. Il consiste dans une grande cour, bordée de galeries et de boutiques de marchands, dans un arrière-corps, et quatre gros pavillons. Le grand escalier est très beau et admiré des connaisseurs.

Le Parlement, qui tenait ci-devant ses séances au couvent des Cordeliers, fit son entrée au Palais le 11 janvier 1655. Les cérémonies de cette entrée furent très-brillantes, par les soins, de la communauté de ville, qui n'oublia rien : pour rendre cette fête solennelle. Les acclamations du peuple, les décharges d'artillerie et les feux de joie peignaient l'allégresse publique. Le corps de ville, en habits de cérémonie, avec ses officiers ordinaires, se trouva sur le perron, et lorsque le Parlement se présenta dans toute sa pompe, le sieur Douart, procureur-syndic, le complimenta, et le pria d'aller occuper ce siège et rendre ses oracles dans ce nouveau palais. Tout le peuple donna à la compagnie mille bénédictions, et demanda que ce jour solennel fût marqué sur les registres comme un des plus fortunés pour la ville. La messe fut célébrée dans le palais, et lorsqu'elle fut dite, on alla à la grand'chambre de l'audience, dans le parquet de laquelle s'était placé le corps de ville pour recevoir les magistrats, qui accordèrent à la communauté le droit de faire mettre ses armes sur le haut du perron. A l'issue de l'audience, le corps de ville, avec ses officiers, se retira dans le même ordre qu'il était venu, et alla mettre le feu au bûcher préparé devant le palais, où le peuple, qui était assemblé, témoigna de nouveau sa joie par des acclamations réitérées et par une nouvelle décharge d'artillerie. — La première cause, ou procès, qui fut plaidée dans le nouveau palais fut celle des fermiers du domaine. Le maréchal de Brissac, mort à Rennes l'an 1621, possédait, sous le fief du roi, plusieurs seigneuries dont les fermiers demandaient le rachat. Le duc de Brissac contesta la demande, et fut condamné par sentence du Présidial. L'appel fut porté au Parlement et plaidé. — Le Parlement ayant, comme nous l'avons observé, permis à la communauté de ville de faire graver ses armes sur le haut du perron du palais de la justice, les officiers municipaux les firent sculpter en 1656 sur une pierre ; mais, avant de la placer, il fut arrêté qu'on ferait ressouvenir le Parlement de cette concession, que cette cour parut avoir oubliée, et les armes ne furent point posées. — La même année, pendant la procession de la Fête-Dieu, un protestant commit une irrévérence devant le Saint-Sacrement lorsqu'il passait devant le puits du Mesnil. La populace et les écoliers vengèrent l'outrage fait à la majesté du Sauveur du monde en brûlant, le dimanche suivant, le temple des calvinistes. Le 18 août de cette année, on présenta à la communauté des lettres du roi portant permission de transporter le couvent des religieuses de la Cordonnerie au Pré-Botté, ce qui ne fut pas exécuté pour lors : l'entreprise en fut remise au 24 mai 1681, et différée jusqu'en 1693.

L'an 1659, des voleurs enfoncèrent la porte de la chambre où étaient renfermés les anciens titres de la sénéchaussée de Rennes, des lettres-patentes, des mandements des ducs, etc. Ces scélérats emportèrent presque tous ces papiers, et les vendirent à des marchands épiciers. On s'en aperçut, mais trop tard : on ne put recouvrer qu'un petit nombre de ces monuments. — La Ville, qui avait déclaré ne vouloir plus recevoir de religieux, consentit pourtant à accueillir, en 1663, ceux de la Trinité, auxquels elle donna l'alignement pour l'établissement de leur couvent. Le 27 août suivant, elle donna aux Augustins une maison et des jardins, en forme d'hospice, au haut du faubourg l'Evêque. Ces religieux, ne se trouvant pas bien dans cet endroit, sont descendus jusqu'à l'entrée de ce faubourg par la protection des puissances. — Magdeleine de la Fayette, abbesse de Saint-Georges, fit rebâtir, dans le courant de cette année, une partie de son monastère.

René-Joseph Tornemine naquit à Rennes, l'an 1661, d'une ancienne et illustre maison de cette province. C'était un jésuite célèbre par sa belle érudition : il travailla longtemps au Journal de Trévoux, ce qui lui procura une correspondance avec les savants du premier mérite. Il fut fait bibliothécaire de la maison professe, à Paris, et forma lui-même une bibliothèque de plus de sept mille volumes choisis. Il mourut à Paris, l'an 1739.

Le 15 juillet 1665 se fit une députation pour l'ouverture de la poterne. L'ouvrage, qui avait été interrompu, fut renouvelé, en exécution d'arrêts donnés à ce sujet le 8 juillet 1667 et le 8 mars 1668. Le terrain des deux côtés, au-dedans de la ville, fut donné aux Cordeliers, à la charge de dire tous les ans une messe solennelle le jour de saint François, et de venir y inviter la maison de ville. La communauté de ville arrêta qu'elle y assisterait en habits de cérémonie, ce qui s'est pratiqué jusqu'à ce jour. Depuis l'ouverture de la poterne, il y a une porte de ville nommée la porte de Saint-François ; elle ne sert que pour les gens de pied, lorsque le Parlement est assemblé, et l'on y met une barrière pour empêcher les voitures de passer. On lève la barrière lorsque l'assemblée est séparée. L'an 1670, on découvrit, sous la tour qui est à l'entrée de l'église de Saint-Melaine les tombeaux de Conan II, duc de Bretagne, de la duchesse son épouse, et de berthe, comtesse de Blois, sa mère.

Gui-Alexis Lobineau, religieux bénédictin, né à Rennes en 1666, se livra à la seule étude de l'histoire : il finit celle de la ville de Paris, que dom Félibien avait très-avancée. Elle parut en 1725, en cinq volumes in-folio. Il acheva aussi l'histoire de Bretagne, à laquelle le père Le Gallois avait longtemps travaillé. On lui a attribué les Aventures de Pomponius, chevalier romain ; mais on assure que cet ouvrage satirique est dû à M. le chevalier de Jaucourt-Chemiseuil.

Les religieuses du Petit-Calvaire furent établies dans l'hôtel de Cucé, à la grande pompe, et furent reçues par Mme de Cacé, épouse du premier président au Parlement. L'acte, en date du 25 novembre 1671, appuyé des lettres-patentes du roi, fut passé sans participation de la communauté de ville. Ces religieuses s'étaient d'abord introduites dans la maison d'Asserac, prés la place Saint-Pierre, au haut de la rue des Dames, et y avaient fait arborer une croix sur la porte, vers l'an 1658 ou 1659. Sur la remontrance qu'en avait faite le sieur de la Guérinaye-le-Comte, alors syndic, il avait été arrêté de faire descendre cette croix, et de renvoyer les religieuses dans leur couvent de la porte Sainl-Cyr, parce qu'il ne leur avait été accordé, le 16 février 1657, que la simple permission d'un petit hospice, à raison de leur éloignement des médecins.

Il y avait anciennement à Rennes trois sortes d'oiseaux, ou papegais, qui dépendaient de la communauté de ville. Les deux premiers, selon la permission qui en fut donnée l'an 1544, furent établis à la place de la Butte, et prirent leur nom du but qui y était posé : il s'étendait le long du mur de Champ-Jacquet, depuis l'hôtel de Tizé jusqu'à l'escalier qui monte sur ce mur. Le troisième, nommé de l'Arquebuse, était planté sur la tour du Chesne, derrière l'Hôtel-de-Ville. Il ne se trouve plus à l'Hôtel-de-Ville aucun des titres primordiaux de leur institution, soit qu'ils aient été divertis, soit qu'en conséquence du transport qui se fit des droits des deux premiers aux Jésuites, pour leur subsistance, on les eût aussi rendus propriétaires des titres. Quoi qu'il en soit, ils furent abolis, et il ne resta plus que le papegai de l'Arquebuse, qui ne subsista que du peu de revenus qui y demeura attaché. On apprend néanmoins, par la lecture de plusieurs pièces qui se trouvent dans la liasse de celles qui concernent les deux papegais, qu'ils furent institués, pour la première fois, par le duc François II, l'an 1460, et qu'ils furent depuis confirmés par le roi Charles IX, aux années 1566 et 1568. Au reste, il est porté dans tous les anciens registres que la présentation de cette dernière espèce d'oiseau, consistant dans une forme de pigeon, s'est toujours faite par le prévôt et le roi de chaque année ; qu'avant le 1er de mai, le roi le présentait tous les ans à la communauté pour l'examiner et juger si la fabrique en était bonne, et l'assemblée l'acceptait ou le rejetait. Anciennement sa fabrique était de fer bien battu, et il élait planté au bout d'une gaule, aussi de fer bien battu, d'environ quatre pieds de longueur ; de grosses goupilles l'arrêtaient par dessus, et de gros boutons, qu'on attachait par dessous, le garantissaient de quantité de coups. Cette gaule était attachée, par son extrémité du bas, à une longue pièce de bois élevée, en forme de mât, sur une machine de charpente qu'on plantait sur la tour du Chesne, et on le tirait de dessus un parquet qu'on construisait exprès tous les ans auprès du mur de l'Hôtel-de-Ville qui regardait la tour. Il était très-difficile de l'abattre, et il durait quelquefois plus d'un mois ; mais en 1700, on le fit de bois, et l'on se contenta de l'attacher, à hauteur d'homme, à un poteau ; ce qui faisait qu'il ne durait que quatre à cinq jours. A l'égard des droits et attributs qui y sont restés attachés, on croit, par une déclaration du 9 janvier 1670, que la communauté de ville donnait à celui qui l'abattait cent quinze livres sur les anciens devoirs, et, en conséquence d'un arrêt du Conseil du 27 juillet 1671, il devait toucher du fermier des devoirs 500 livres, et quelquefois davantage, pour l'exemption de vingt tonneaux de vin. Le roi de la fête, outre l’ oiseau, devait encore présenter avant le premier mai, à la communauté de ville, un fusil de la valeur au moins de 10 écus, pour tirer au blanc. Les chevaliers tiraient à tour de rôle, et celui qui approchait le plus près du centre devenait le possesseur légitime du fusil ; mais, par un abus assez étrange, on laissait tirer le premier venu qui se présentait. Le 16 mai 1614, il fut enjoint à l'huissier de la ville d'avertir, aussitôt l'oiseau abattu, le procureur-syndic de se trouver, avec le greffier, en l'Hôtel-de-Ville, pour assister à son adjudication et au serment du roi de la cérémonie. Le 28 avril 1625, on arrêta que le papegai ne serait point tiré cette année, et que son revenu serait employé au soulagement des malades, qui étaient d'autant plus nombreux que la ville de Rennes était désolée par une épidémie. Le 25 mai 1632, la communauté ayant jugé que l'oiseau avait élé mal abattu, il fut arrêté que le revenu en serait employé à la construction des murs de l'hôpital de Santé, auquel on travaillait alors. — II n'y a aucun titre aux archives de la communauté de ville qui fasse mention des droits du jeu de l'oie ; elles disent seulement que le directeur des devoirs avait coutume d'accorder le débit de deux à trois barriques de vin à ceux qui le couraient. Ce jeu est aboli depuis plusieurs années, ainsi que celui du papegai, supprimé en 1770. — Le 13 décembre 1685, la communauté de ville assista au Te Deum chanté en actions de grâces de l'union des protestants à l'Eglise. Le Parlement, qui avait été transféré à Vannes l'an 1675, fut rappelé à Rennes par édit du mois d'octobre 1689. Le roi y créa un président à mortier et six conseillers, trois par semestre. — Les Carmes-déchaussés, voulant s'établir à Rennes, demandèrent la protection de Mme de Pontchartrain, chancelière de France, par l'intercession de laquelle ils furent reçus le 11 mai 1690, aux conditions portées dans la délibération. — Par un édit de l'an 1691, le roi supprima l'amirauté de Rennes. — Le 11 novembre de cette année, la communauté décida de construire deux arches, l'une vis-à-vis de la ruelle de Gronmalon [Gros-malon], au-delà du pont Saint-Martin, et l'autre au bas de la prairie de la Lande, hors la barrière du même pont, afin de faciliter le passage dans ces endroits. — Ce fut en 1696 que fut imposée pour la première fois la capitation à Rennes. — L'inventaire fait, par ordre de la communauté de ville, en 1698, des actes et titres de l'hôpital Saint-Yves, nous apprend qu'il fut fondé, comme on l'a dit ci-devant, par Eudon Le Bouteiller, prêtre du diocèse de Tréguier, en 1358, et que la direction en fut dès lors commise à la communauté, qui nommait deux bourgeois pour exercer cette charge, et à l'aumônier de Saint-Melaine, auquel elle fut d'abord conférée, ce qui a toujours continué, et c'est à la communauté que les comptes de l'administration de cet hôpital ont toujours été rendus. La communauté de Rennes nomma les gardiens et autres prêtres de cet hôpital, et celui de Sainte-Anne, qui sont respectivement tenus, à tous les premiers jours de l'an, de représenter leurs clefs à la communauté, et les registres apprennent que le gardien de Sainle-Anne remplit ce devoir en 1605. Le 3 juillet 1676, la chapelle de Saint-Yves fut accordée aux religieuses hospitalières, qui, depuis leur réception à cet hôpital, le 27 juin 1644, ne s'étaient servies que d'une petite chapelle pratiquée au-dedans de leur enclos. — Le 13 février 1562, et autres jours suivants, se fit une délibération très sérieuse pour la subsistance des mendiants. — En 1563 se fit l'établissement de l'hôpital la Santé, à l'endroit nommé la Croix-Rocheraud, pour les pestiférés mendiants, et le 5 juin 1626 fut fait l'enregistrement de plusieurs articles du règlement à ce sujet. — Au mois d'avril 1615, les officiers municipaux nommèrent des collecteurs des aumônes qu'on voudrait donner à cet hôpital, sur les rôles des cinquanteniers, suivant une sentence de police, ce qui fut encore renouvelé le 25 avril 1625. Le Parlement, ne jugeant pas devoir tolérer ces quêtes, donna plusieurs déclarations pour en abolir l'usage, sans qu'on sache précisément le temps où il cessa. Ce qu'on peut dire de certain, c'est qu'il existait encore en 1636. Quoi qu'il en soit, on en rappela la pratique en 1680 et 1681 ; mais on changea la forme de la perception : au lieu qu'auparavant chacun était libre de donner ce qu'il voulait, selon ses facultés et son intention, on fixa par une taxe générale, non le don, mais l'obligation de chaque citoyen. — Le 16 février 1657, on forma le projet d'ériger un nouvel hôpital pour y renfermer les pauvres mendiants, et de faire de celui de la Santé un hôpital général. Les articles des règlements de cette nouvelle maison avaient été rédigés, et ils furent représentés en communauté le 8 juillet 1658 : ils furent consignés sur les registres de la ville, avec l'arrêt de leur homologation, le 26 décembre 1659, sur quoi s'est arrêté l'hôpital général.

Le 3 juin 1676, la communauté de ville consentit que l'hôpital-général fût établi en celui de la Santé, à condition que les pauvres en sortiraient en cas de peste. Le 20 juin 1680, l'assemblée de la ville prit des mesures pour faire joindre à cet hôpital le reste de l'ancien droit du papegai. Le 14 août, on fit une autre assemblée pour aviser aux moyens d'établir une taxe sur les habitants pour la subsistance des pauvres, et l'on nomma des députés pour passer avec la dame Budes l'acte du don qu'elle voulait faire à cette maison ; acte qui fut représenté en l'assemblée suivante. Le 27 février 1681, on députa vers l'administrateur de l'hôpital, pour conférer sur la fixation du fonds nécessaire pour la subsistance des pauvres ; et le 29 du même mois, on lui accorda une somme de douze mille livres par an, à prendre sur les habitants de Rennes. Cette somme ayant été trouvée trop considérable, on cessa de la percevoir en 1702. Par arrêt du Conseil du 21 mars, elle fut transférée sur l'entrée des vins et cidre. La taxe fut convenue à quatre livres dix sous sur chaque tonneau de vin étranger ; à quarante-cinq sous par tonneau de vin du Nantes, et autre du crû de la province ; et à ving-cinq sous par chaque tonneau de cidre et de bière. Le 24 juillet 1686, on fit, à la réquisition de l'évêque, une députation pour assister à l'examen du compte de cet hôpital.

Dans la maison près la porte bordelaise était un puits, dans lequel un maçon qui travaillait auprès, en 1703, laissa tomber son marteau. II descendit pour le chercher, mais lorsqu'il fut à une certaine distance de l'eau, il tomba mort. Un autre y descendit, pour retirer le noyé, et mourut aussi. Un troisième qui suivit eut le même sort. Un quatrième se présenta pour y descendre, mais on prit des précautions. Il s'enivra à moitié, on le mit dans un grand panier attaché à une corde, et on le descendit de cette sorte, après lui avoir bien recommandé de crier lorsqu'il sentirait la moindre incommodité. Etant arrivé à une certaine distance de l'eau, il cria, et on le remonta aussitôt. Il dit qu'il avait senti une chaleur dévorante qui lui brûlait le corps ; et l'effet de cet air brûlant avait fait des progrès si rapides, que cet homme mourut au bout de trois jours. On descendit ensuite un chien, qui cria à l'approche de l'eau ; on le retira et il mourut presque sur-le-champ. On buvait de l'eau de ce puits et personne n'en était incommodé ; mais, après cet événement, on le combla, dans la crainte de pareil accident. — Le petit séminaire fut établi à Rennes, par lettres-patentes du mois de mai 1708. La table de marbre fut supprimée par édit du mois de mai 1711. La statue équestre du roi Louis XIV, en bronze, qu'on voit sur la place du Palais, arriva à Nantes, l'an 1720.

Dans la nuit du 21 au 22 décembre 1720, un menuisier, qui était ivre, mit le feu à sa boutique, située vers le milieu de la rue Tristain. Le feu gagna sur-le-champ les maisons voisines, et, dans très-peu de temps, les deux côtés de la rue et la rue Neuve furent embrasés. Comme les maisons n'étaient bâties qu'en bois, et les rues fort étroites, l'incendie devint bientôt général. La charpente de l'horloge située sur la tour derrière Saint-James fut brûlée ; la cloche, qui pesait près de quarante milliers, tomba avec toute la charpente, le 23, vers deux heures du matin ; elle fit un bruit terrible. Le feu dura sept jours, puisqu'il ne s'éteignit que le 29. Il y eut huit cent cinquante maisons consumées, dans une étendue de seize journaux soixante-quatorze cordes carrés de terrain ; ce qui faisait à peu près le cinquième de cette ville, qui contient en tout quatre-vingt-huit journaux quarante-une cordes de terrain renfermé entre ses murs. Cette grande quantité de maisons réduites en cendres ne fut pas regardée comme la plus grande perte ; mais ce fut celle des meubles, de l'argent monnayé et autres. Les titres de la plus grande partie des familles de la province, qui se trouvaient chez les juges, avocats, procureurs et notaires, furent brûlés presque sans exception. A cette époque, les rues, comme on vient de le dire, étaient fort étroites ; et les maisons bâties en bois étaient si élevées, que, les rayons du soleil ne pouvant pénétrer dans les rues, elles étaient toujours fort humides et très-sales. La communauté s'occupant de la reconstruction des maisons incendiées, il fut dressé deux plans par le sieur Robelin, ingénieur : le premier, pour l'élévation des façades ; et le second pour le plan et la coupe ordinaire des maisons, sur deux différentes grandeurs. Ces plans furent communiqués à la communauté de ville, pour y faire ses observalions. Présentés au Conseil du roi, ils furent agréés ; et le 14 juin 1723, sa Majesté ordonna qu'ils seraient exécutés.

L'ordonnance contient neuf articles : 1° Que les maisons seront toutes à la hauteur marquée dans le plan des façades, mais qu'au lieu de trois étages qui y sont dessinés, il sera libre à ceux qui feront bâtir de n'en faire que deux, excepté néanmoins sur les places publiques, où le plan doit être exécuté, tant pour la hauteur que pour la distribution des étages ; 2° que, hors les places publiques, il sera permis de faire des cours à porte cochère sur la rue, sans obligation d'observer, à cet égard, la façade marquée sur le plan, au lieu de laquelle on suivra celle qui sera proposée par l'ingénieur, et approuvée par le commissaire départi ; 3° que les maisons seront bâties de pierres de taille jusqu'au premier étage, et percées en arcades, ainsi qu'il est marqué sur le plan ; 4° qu'il sera libre de faire des caves à l'ordinaire ou de les voûter, ainsi qu'il sera jugé à propos par celui qui fera bâtir ; 5° qu'on ne fera point de conduits publics pour les maisons à rebâtir, mais des fosses d'aisance dans chacune, sauf à employer les moyens convenables pour remédier à l'incommodité que les maisons qui subsistent actuellement pourraient recevoir de la suppression des anciens conduits ; 6° qu'il sera libre à ceux qui bâtiront de faire les murs d'entre-fonds de leurs maisons, soit de pierre, de brique, de bois ou autrement, ainsi qu'ils aviseront : bien entendu néanmoins que, s'ils y adossent des cheminées, ils seront obligés de faire des murs de pierre ; 7° que la couverture des maisons sera faite à la mansarde ; 8° que les particuliers et communautés qui feront bâtir seront obligés de se conformer aux usages prescrits par les anciens règlements, à peine de démolition ou telle autre peine infligée par le commissaire départi ; 9° que les plans dressés par le sieur Robelin, et visés par le commissaire départi, seront déposés à l'Hôtel-de-Ville, avec l'expédition en forme dudit arrêt, pour y avoir recours dans le besoin. Enjoint Sa Majesté au commissaire départi de tenir la main à l'exécution du présent arrêt, qui sera exécuté nonobstant opposition ou autre empêchement quelconque.
Le 9 mai 1724, le Conseil donna un autre arrêt, concernant les biens incendiés appartenant à l'Eglise : il porte que les terrains ecclésiastiques désignés dans le plan pour le rétablissement de la ville de Rennes seront vendus et adjugés avec les autres terrains compris dans l'emplacement où ils sont situés, tout ainsi et de la même manière que les terrains appartenant aux laïques doivent l'être, aux termes de l'arrêt du Conseil. Ces terrains n'étaient vendus qu'après que les propriétaires avaient déclaré ne vouloir ou ne pouvoir rebâtir, pour se conformer au plan, afin de ne pas laisser la ville à moitié bâtie dans son intérieur, ce qui aurait paru ridicule.

Philippe Néricaut des Touches, né à Rennes, ci-devant chargé des affaires de France à la cour d'Angleterre, fut reçu à l'Académie des belles-lettres, le 25 août 1724. — Le 29 avril 1725, le Conseil d'Etat avait approuvé, par son arrêt, les changements faits par le sieur Gabriel aux plans dressés pour la construction de la ville de Rennes. On avait projeté de bâtir cinq ponts sur la Vilaine, qui traverse la ville, afin de faciliter les communications. Sa Majesté les réduisit à trois, qui sont le pont de l'Islette, le pont Neuf et le pont Saint-Germain, qui parurent suffisants. Les observations et changements du sieur Gabriel sont fort étendus, et c'est la raison qui m'empêche de les insérer ici : je dirai seulement que le roi nomma le sieur Le Mousseux, architecte, ingénieur en chef, aux appointements de 4 000 livres par an, et le sieur Huguet sous-ingénieur, pour veiller à l'exécution des projets du sieur Gabriel. — Les Etats, voulant contribuer au rétablissement de la ville de Rennes, donnèrent, le 11 décembre 1724, une somme de 300 000 livres, qu'ils destinèrent à cet objet. Un arrêt du Conseil, du 3 août 1725, approuva cette délibération. La communauté de ville avait supplié Sa Majesté d'ordonner que cette somme fût employée : 1° au rétablissement de l'horloge publique ; 2° à la réparation des fontaines ; 3° à rendre la rivière de Vilaine navigable pendant toute l'année, au moins depuis Rennes jusqu'à Messac, dans une longueur de huit lieues ; 4° à la construction d'un nouvel hôtel pour le logement du lieutenant général au gouvernement de Bretagne, au lieu où était l'ancien hôtel détruit par l'incendie. Les habitants de la paroisse de Saint-Sauveur de Rennes présentèrent aussi leur requête au roi, pour obtenir quelques secours sur la somme de 500 000 livres pour le rétablissement de leur église paroissiale, qui avait été en partie détruite par l'incendie. Le roi déclara ses intentions sur l'emploi et la destination de cette somme de 300 000 livres : il ordonna qu'il serait prélevé une somme de 20 000 livres pour le rétablissement de la cathédrale, et que le surplus serait employé : 1° au dédommagement du sieur du Crevi, pour les terrains et matériaux de sa maison sise dans la partie incendiée, laquelle maison devait être démolie pour exécuter les plans projetés, dédommagement que Sa Majesté avait évalué à 20 000 livres ; 2° à la dépense jugée nécessaire pour le rétablissement de la façade et de la place du Palais, qui devait être baissée de plusieurs pieds, pour en adoucir la pente, et pour l'indemnité des religieux cordeliers, qui ont deux boutiques sous le perron du Palais, qui doit être démoli ; 3° à la construction des conduits publics de la ville, ordonnée par l'article 14 de l'arrêt du Conseil du 29 avril, et des fontaines d'eau potable qui seront jugées nécessaires pour la commodité et l'utilité publiques des habitants de Rennes ; 4° aux écluses et autres ouvrages nécessaires pour rendre la rivière de Vilaine navigable pendant toute l'année, au moins depuis Rennes jusqu'à Messac ; 5° à la réédification de l'horloge publique ; 6° à la construction de l'hôtel du lieutenant-général en Bretagne, au même lieu où était l'ancien hôtel détruit par l'incendie, et enfin au rétablissement de l'église paroissiale de Saint-Sauveur, jusqu'à la concurrence de 3000 livres seulement, « et seront les sommes nécessaires à chacune des destinations ci-dessus prises, par préférence les unes aux autres, suivant l'ordre et rang dans lesquels elles sont ordonnées. Enjoint Sa Majesté au commissaire départi pour l'exécution de ses ordres en la province de Bretagne de faire exécuter le présent arrêt. Fait au Conseil d'Etat, à Chantilly, le 3 août 1725. » Cet arrêt fut suivi d'un autre donné à Fontainebleau, le 16 novembre 1727, portant fixation du prix des bois et [ès] chantiers publics de la ville de Rennes. Le roi avait accordé mille arpents de bois, à prendre dans les forêts de Rennes et du Gavre, pour le rétablissement de la ville. — Les débris de la tour de l'horloge, avec les escaliers et leurs emplacements, furent vendus, le 28 avril 1729, à MM. Desclos et Boishamon, au profit de la communauté de ville, qui en retira une somme de 5600 livres. — La chapelle de Saint-James fut rebâtie à neuf, l'an 1731, par M. de Cucé.

La première pierre de l'hôtel-de-ville, où est la grosse horloge, fut posée en 1742, avec cette inscription : « Ce jour jeudi, 1er février 1742, cette première pierre a été posée par haut et puissant seigneur messire Antoine-Arnaud de la Brisse, chevalier, seigneur d'Amilly, conseiller du Roi en tous ses conseils, maître des requêtes ordinaire de son hôtel, premier président du Parlement de Bretagne. » La promenade des Champs-Elysées fut plantée au mois de janvier 1744, auprès du Mail, autre promenade publique qui a trois cent soixante-douze toises de longueur, avec quatre rangs d'arbres, de chacun cent quatre-vingt-sept : ce qui fait pour les quarante rangs, sept cent quarante-huit arbres ; mais il en manque plusieurs.

L'hôtel des gentilshommes fut établi, à Rennes, par lettres-patentes de 1748 et 1749. Ces lettres renferment des statuts et des règlements pour cet hôtel. En 1752, le roi donna de nouvelles lettres-patentes pour la réunion de quelques maisons à cet hôtel. En 1746, on avait fait un mémoire pour l'établissement de cette maison, en faveur des gentilshommes dénués de fortune. On commença par faire des fondations de brevets. Ces brevets sont des places fondées, dont les fondateurs ont pu se réserver la nomination, et la laisser, après eux, à ceux qu'ils ont voulu choisir. Elles sont chacune de trois cents livres de rente, qui pouvaient être données en argent ou biens-fonds, ou être hypothéquées sur telle terre ou effets sûrs qu'on voulait assigner. Le second était la réunion des bénéfices simples à cet établissement. Les présentateurs pouvaient aussi se réserver la nomination aux brevets fondés du revenu de ces bénéfices. La charité, toujours ingénieuse, inspira aux personnes bien intentionnées plusieurs autres moyens d'assurer et d'augmenter cette belle entreprise. On nomma, par chaque diocèse, deux gentilshommes, auxquels on pouvait s'adresser pour ce qui concerne l'établissement en question. Ils recevaient les différents dons qu'on voulait faire remettre à cette maison ; et, comme tout le monde n'était pas en état de foncer des brevets, chacun avait la facilité de donner, selon ses facultés, une somme plus ou moins grande. Sur le revenu de trois cents livres, on devait retenir le brevetaire pendant toute l'année, et le faire jouir de toutes Avantages de la maison, où il demeurait jusqu'à ce qu'il fût libre de prendre lui-même un parti. L'âge de réception est depuis sept jusqu'à douze ans. On exige que les jeunes récipiendaires n'aient pas des maladies contagieuses, ni reçu de la nature certaines disgrâces qui puissent les empêcher de prendre parti dans les armes ou dans l'église. L'objet de cet établissement étant l'éducation de la seule pauvre noblesse, la loi fondamentale est qu’on ne doit y recevoir aucun enfant qui ne soit noble et pauvre, et conséquernment aucun pensionnaire, sous quelque prétexte que ce soit. La pauvreté se prouvera par trois attestations : l° de l'évêque du diocèse, et, en son absence, du premier grand-vicaire ; 2° et 3° des deux gentilshommes ci-dessus. On entend par la pauvreté, une situation de fortune qui met hors d'état de payer la pension d'un enfant au collège, pour y faire ses études. Quant à la noblesse, il faut qu'elle soit prouvée par les anciennes réformations, ou au moins par celle de 1668. Les récipiendaires sont présentés par une personne établie à Rennes, et connue, pour y avoir recours au besoin. On travaille principalement à les former à la religion et à la piété, et à leur inspirer des sentiments d'honnête homme. Pour cela, on met en usage les règlements des pensions les mieux dirigées. Dès qu'ils sont capables de sixième, ils vont étudier au collège de la ville. Aux études ordinaires on joint ce qui peut concourir à leur donner une éducation digne de leur naissance, comme l'histoire, le blason, le dessin, la géographie, les fortifications et la navigation. On leur donne à tous des maîtres de danse, et à ceux qui se destinent au monde des maîtres d'armes. Pour éviter les mésintelligences que pourrait occasioner la jalousie entre ces jeunes gens, ils sont tous également vêtus et nourris. Les laïques ont un habit blanc complet avec un bouton de cuivre doré, et les ecclésiastiques sont habillés de noir. Aucun ne sort de la maison sans être accompagné d'un maître ou suivi d'un domestique. Quand ils ont fini leurs exercices et leurs classes, on fait son possible pour rendre le bienfait complet, en leur donnant la somme dont ils ont besoin pour embrasser l'état dont ils ont fait choix. Le gouvernement de la maison est confié à un supérieur principal, noble de naissance, qui peut prendre un second et un troisième, s'il est nécessaire, sur lesquels il puisse se décharger d'une partie des exercices de la maison et du temporel. Il prend aussi des maîtres et des domestiques suivant le besoin. L'assemblée ou le conseil décide, à la pluralité des voix, de la réception des sujets ; on examine les titres de noblesse, les preuves de pauvreté et autres conditions requises. Le conseil est composé de l'évêque de Rennes, et, en son absence, de son premier grand-vicaire ; de deux gentilshommes connus dans la province, et du supérieur principal. Tous les papiers concernant l'établissement sont mis en dépôt dans une armoire de la maison, afin d'y avoir recours dans le besoin : l'évêque, celui des deux gentilshommes le plus voisin de la ville, et le principal, en ont chacun une clé. On a cru ne pouvoir donner de nom plus convenable à cette maison que celui d'Hôtel des gentilshommes. Lors de son établissement, il y en avait douze.
L'an 1749, M. le duc et Mme la duchesse de Penthièvre donnèrent leurs portraits à la ville de Rennes. La statue pédestre du roi Louis XV, avec les figures de la Bretagne et de la Santé, en bronze, de la sculpture du sieur Le Moine, fut posée sur la place Royale, à Rennes, pendant les Etats assemblés en cette ville, l'an 1754. Cette assemblée gratifia cet artiste d'une somme de 50 000 livres, dont elle lui fit présent. Arrêt du Conseil, du 1er octobre 1754, et lettres-patentes du 5 novembre suivant, qui permettent à la communauté de ville d'emprunter une somme de 300 000 livres. Pendant les Etats assemblés à Rennes, en 1757, les évêques de la province instituèrent la fête des Anges gardiens du roi et du royaume, en actions de grâces de ce que Dieu avait conservé Louis XV de l'horrible attentat du nommé François-Robert Damiens.

Augustin-Marie Duparc-Poullain, avocat au Parlement, marchant sur les traces de son père, qui passa pour un des plus savants jurisconsultes du royaume, étudia dès sa jeunesse nos coutumes et nos lois. Ses mœurs, ses connaissances, son mérite, lui acquirent de bonne heure l'estime de ses concitoyens. Il la méritait, et il l'a prouvé : il a donné au public un ouvrage immense, fruit d'un travail assidu pendant plus de vingt ans, sur la coutume, les ordonnances et le droit public. La reconnaissance publique a payé son zèle, la gloire a couronné ses talents, et le roi récompensa ses travaux en lui accordant, en 1763, des lettres de noblesse.

Les dames Budes de Rennes cédèrent leurs maison et terrain à la communauté de ville, et transportèrent leur demeure au faubourg de Saint-Hélier, en 1768. Le roi donna des lettres-patentes donnant permission à la ville de vendre les terrains et bâtiments acquis des dames Budes. Le 3 mai 1770, la Cour de Parlement rendit un arrêt portant qu'il serait fait, en son nom, un emprunt de la somme de 90 000 livres, pour être employée en achat de blé venant de l'étranger, que l'on vendrait dans les lieux où la disette se faisait sentir plus vivement. Il permit aux généraux des paroisses de prendre dans leurs coffres l'argent nécessaire pour acheter du blé, du pain, du riz, et autres comestibles à distribuer aux pauvres. — Au mois de septembre 1771, le roi donna un édit portant suppression et remboursement d'offices dans le Parlement de Bretagne, édit qui fut suivi d'un autre portant création d'offices dans cette même Cour. Le roi Louis XVI a rétabli dans leurs charges les magistrats dépossédés.

Les Etats, toujours occupés du bonheur de leurs concitoyens, fondèrent, en 1778, un hôtel à Rennes pour un certain nombre de jeunes demoiselles de condition, qui y seront reçues après avoir donné des preuves de noblesse, et y vivront sous la direction de plusieurs dames et de M. l'abbé de Kgus, directeur de l'hôtel des gentilshommes, dont on a parlé en l'année de sa fondation.

Après avoir parlé des différents établissements faits dans la capitale de la Bretagne, qu'il me soit permis de montrer mon étonnement de ce qu'une aussi grande province n'ait point encore formé une Académie royale des sciences. Il y en a dans toutes celles qui nous avoisinent. La Normandie, la Bourgogne, le Languedoc, ont des Académies florissantes qui opèrent un accroissement remarquable dans les sciences et dans les arts : ne pourrions-nous pas nous procurer le même avantage ?

Je sais qu'un particulier de la ville de Nantes a proposé d'y former une Société des sciences et des arts. Le commerce étendu qui s'y fait est propre à seconder ses vues patriotiques ; mais les circonstances favoriseront-elles ses intentions ? Il est à souhaiter que tout se prête à un projet aussi noble. Un officier dont le mérite est connu, M. de Pommereul, capitaine au corps royal d'artillerie, correspondant de l'Académie royale de marine, m'a communiqué un projet de règlement pour l'établissement d'une académie royale des sciences en Bretagne. Comme ce morceau n'a que quelques rapports avec ce que j'ai dit, et qu'il n'est pas de moi, je l'ai mis ici en note.
L'utilité des Académies n'est point équivoque ; je peux en donner pour preuve le dépérissement sensible qui s'est manifesté, soit dans la littérature, soit dans les manufactures des provinces où l'amour des lettres a éprouvé un relâchement sensible. Mon sentiment trouvera sûrement des critiques ; mais il n'y aura point de gens sensés qui ne soient de mon avis, et qui ne croient, comme moi, qu'une Académie qui ne s'éloignera point des principes de son institution, dont les travaux seront continuellement dirigés vers le plus grand bien pour les hommes, ne soit une société précieuse pour la province qui aura le bonheur de la posséder. Ces assemblées sont ordinairement composées de personnes nées dans la province où elles se tiennent, ou qui y ont fixé leur séjour ; elles ont, par conséquent, un intégral à augmenter les connaissances et à prodiguer leurs veilles pour épurer les mœurs. Ce dernier soin n'est pas le moins utile de ceux qu'on doit attendre d’elles : les effets s’en étendent peu à peu sur les classes des citoyens, et prépare à la postérité un bonheur dont on ne connaît le prix que lorsqu’il existe.

Je laisse à mes lecteurs le plaisir de faire sur cette note les réflexions qu’elle doit faire naître dans un pays où reigna si longtemps l’ignorance. Il est flateur pour un citoyen de contribuer au progrès des sciences et des arts ; il jouit en quelque sorte par l’espoir des établissements qui procurent leur perfection. On aura sans doute de la reconnaissance pour l’officier estimable qui a conçu ce projet, que je publie de son aveu.


TABLEAU DES GENS DE LETTRES DE LA BRETAGNE

XIe siècle.
Abailard, °1079 / +1142
d'Arbrisselle Robert, °? / +1117

XIIe, XIIIe, XIVe siècles.
Rien

XVe siècle.
Meschinot, °? / +1509
Eginard-Baron, °1495 / +1550
Lebaud, °? / +?

XVIe siècle.
Cartier Jacques, °? / +?, vivait en 1554.
Cheffontaines (le père), jésuite puis archevêque, °1532 / +1595
Argentré (d') Bertrand, Historien de Bretagne °? / +1590
Duaren, °1509 / +1559
Dufail °? / +?, vivait en 1550.
La Nouë Bras-de-Fer, °1531 / +1591
Rohan (duc de), °1579 / +1638
Hai du Châtelet, °1593 / +1636

XVIIe siècle.
André (le Père), jésuite, °1673 / +1764
Bagot (le Père), jésuite, °? / +1764
Bellegarde (de) (L'abbé), °1648 / +1734
Belordeau, °? / +?
Bois-Morand (abbé), °1680 / +1740
Boffrand, °1667 / +1754
Bougeant (Père), jésuite, °1690 / +1743
Bouguer, °1698 / +1754
Cambout (du) (Père), jésuite, ° 1634 / +1690
Charnacé, °? / +1637
Argentré (d’), évêque, °1673 / +1740
Descartes (Mlle), °? / + 1706
Frain, °? / +?
Gennes (de), (Père), jésuite, °1687 / +1748
Marot, comte de la Garaye, °? / +?
Trouin, sieur du Gué-Trouin, °1673 / +1736
Hardouin (Père), jésuite, °1646 / +1729
Hévin , °? / +?
La Roque, °1661 / +1731
La Santé (Père), jésuite, °1684 / +1763
Le Sage, °1677 / +1747
Lobineau (Dom), historien de Bretagne, °1666 / +1747
Maupertuis, °1698 / +1759
Menard, °1650 / +1717
Montplaisir, °? / +?, vivait en 1650.
Morice (Dom), historien de Bretagne, °1693 / +1750
Nepveu (Père), jésuite, °1639 / +?
Noulleau (abbé), °1604 / +1672
Le Pays, °1636 / +1690
Perchambault , °? / +?
Pezron (Père), oratorien, °1639 / +1706
Rohan (cardinal de), °1628 / +1681
Rohan (de) Eléonore, (princesse de), °1674 / +1749
Saint-Luc (de) (Père), °? / +?
Sauvageau , °? / +?
Tornemine (Père), jésuite, °1661 / +1739
Trublet (abbé), °1697 / +1770
Vauge, (abbé), °? / +1739
Visdelou (Père), jésuite et archevêque, °1656 / +1737

XVIIIe siècle.
Baudori (Père), jésuite, °1710 / +1749
Beauvais (Père), jésuite, °1693 / +1770
Bertrand, °1702 / +1752
La Bletterie (abbé de), °1696 / +1772
Bréhant de Plélo (comte de), °? / +1734
Corvaisier, °1719 / +1758
Desforges-Maillard, °1699 / +1768
Duclos, °1705 / +1772
Duport-Dutertre, °1715 / +1759
Freron, °1719 / +1776
Ksauson , °? / +?
La Croze, °1661 / +1739
La Mettrie, °1709 / +1751
Moreau de Saint-Etienne (abbé), °1701 / +1754
Pont Briand, °? / +1767
Plesse (Père), jésuite , °? / +?
Saint-Foix, °1698 / +1776.
Travers (prêtre), °? / +1750
Rosnevet , °? / +?
Jamin (Dom), °? / +?
Robinet, °1683 / +1758

Quelques écrivains ont prétendu, contre toute vraisemblance, que la ville de Rennes avait des évêques longtemps avant le IVe siècle. Il admettent un Maximien du temps des apôtres, prélat imaginaire qui, selon eux, eut pour successeur Suffremin, Rambert, Servius, Saint-Just, Honorat de Placide, martyrs, et Saint Léonore. Le premier évêque de Rennes dont on ait connaissance, et dont l’existence soit prouvée, est Modéran, que les uns placent en 358, les autres en 388.

Saint justin fut son successeur. Dom Lobineau prétend qu'il avait été disciple de saint Clair, premier évêque de Rennes.

Elleran, ou Electran, fut le troisième évêque le Rennes.

Jean, surnommé Albius, monta ensuite sur le siège. C'est sous son épiscopat que s'opéra la révolution qui arracha l'Armorique aux Romains, et la soumit à Conan Mériadec.

Riothisme, ou Riothime, fut le cinquième évêque de Rennes, si l'on en croit un manuscrit de la bibliothèque publique de Nantes. Ces cinq évêques ont occupé le siège épiscopal dans l'ordre ci-dessus. Tous les historiens sont d'accord sur ce point ; mais on ignore ce qu'ils ont fait l'année de leur avènement à l'épiscopat et celle de leur mort. Ils n'avaient point encore de domaines temporels : ils n'exerçaient sur les fidèles que l'autorité que leur donnait la dignité spirituelle ; autorité plus réelle, plus respectable que celle dont jouissent aujourd'hui nos prélats. Les premiers édifices consacrés publiquement au culte du vrai Dieu, à Rennes, furent sans doute élevés sous l'épiscopat d'Albius ou de Riothisme.

Athenin, Athème ou Artheuius, assista aux conciles de Tours en 461, et de Vannes en 462 ou 465. C'est le premier évêque de Rennes qui soit bien connu.

Saint Amand, élu vers l'an 475, gouverna son évêché jusqu'en 508 [fait incertain], année de sa mort. Il fut enterré dans le lieu où l'on a depuis bâti une église à saint Melaine, son successeur. La ville de Rennes regarde saint Amand comme son patron, et elle l'invoque en cette qualité dans toutes les nécessités publiques.

Saint Melaine, né dans la paroisse de Brains, au diocèse de Vannes, successeur de saint Amand, assista au concile d'Orléans en 511. La réputation de ce prélat fut si grande qu'elle lui mérita l'estime de Clovis, roi de France, alors maître de Rennes. La Gaule était alors partagée en cinq dominations : celles des Français, des Romains, des Bretons, des Visigoths et des Bourguignons. Saint Melaine mourut le 6 novembre 530, et fut enterré auprès de saint Amand, son prédécesseur. L'an 531, saint Paterne et les habitants de Rennes firent élever, sur le tombeau de ces deux saints évêques, une église d'une grande beauté. Cet édifice, dit saint Grégoire de Tours, n'était pas un mausolée, mais une église ou basilique où l'on entrait par plusieurs portes, et le bâtiment était très-vaste. Telle fut l'origine de l'abbaye de Saint-Melaine, aujourd'hui fort riche.

Febediol, évêque de Rennes, assista au concile d'Orléans en 549.

Victorien ou Victoire [Victurius] assista à la dédicace de l'église de Nantes, sous Clotaire, en 559 ou 560 ; au concile de Paris en 559, et à celui de Tours en 567, et souscrivit à la lettre que les évêques écrivirent à sainte Radégonde.

Marius fut élu en 594. Ce fut sous son épiscopat que Salomon, roi de Bretagne, fit rebâtir l'église de Saint-Melaine, qui avait été réduite en cendres, comme on vient de le dire. Quelques-uns regardent ce prince comme le fondateur de cette riche abbaye.

Duriothère assista, par procureur, au concile de Chalons en 644, et, selon d'autres, en 650.

Guillaume fut nommé évêque en 655, et mourut l'an 686.

Désidérius lui succéda en 687.

Agathée, évêque de Rennes, fut en même temps évêque de Nantes et de Rennes ; mais c'était un de ces évêques qui portaient tour à tour la mitre et l'épée ; il mourut l'an 703.

Saint Modérand ou Morand, élu en 703, alla en pèlerinage à Rheims, et ensuite aux tombeaux des saints apôtres, avec le consentement du roi Chilpéric. De retour à Rennes en 718, il abdiqua en 720, et se retira au monastère de Béricte [Berzetto], où il mourut en odeur de sainteté, le 22 octobre 730.

Auriscand fut évêque de Rennes vers l'an 720, par l'abdication de Modérand.

Rothand fut le successeur d'Auriscand.

Etienne, qui occupa ensuite le siège épiscopal, vit en 811 Charlemagne conquérir une partie de la Bretagne, et s'emparer de la ville de Rennes. (Selon les Annales, il fut sacré en 752.) Auriscan, IIe du nom [Auristmundus, d'après les Annales ecc.] ; il était évêque en 763, et mourut on 822, vit sa ville assiégée par le roi Charles-le-Chauve, qui ne put la prendre en 843. A cette guerre étrangère succédèrent les dissensions domestiques entre Pasquiten et Gurvand.

L'an 387, Garin monta sur le siège épiscopal. Les PP. du concile de Toul lui écrivirent. Le P. Sirmond dit mal à propos que ce prélat était évêque d'Aleth : il est constant qu'il était évêque de Rennes.

Electran fut élu l'an 866 . — Nodoard lui succéda. — Auriscand, qui fut ensuite évêque de Rennes, est placé par la chronique de Nantes sous l'année 987.

Deotbalde, ou Theobalde, se maria pendant son épiscopat. De sa première femme il eut Galter, et de sa seconde Triscan. Galter, fils aîné du précédent, lui succéda vers 1000. Il se maria, et eut un fils nommé Garin.

Garin fut le successeur de son pére.

Triscan, oncle de Garin et frère de Galter, monta sur le siège épiscopal après la mort de son neveu.

Maine, ou Maino, fut évêque de Rennes en 1047. Il assista au concile de Rome, tenu l'an 1850 contre Bérenger, chef des sacramentaires. Le pape Léon IV y présida. Maine mourut au mois de janvier 1076.

Sylvestre de la Guerche, seigneur de Pouancé, avait été marié, et avait eu deux fils, Guillaume et Geoffroi de la Guerche. Après la mort de son épouse, ce seigneur entra dans l'état ecclésiastique, et fut fait évêque de Rennes en 1076 . Le duc de Bretagne et le comte de Rennes lui donnèrent le faubourg l'Evêque, qui, depuis ce temps, a toujours dépendu des évêques de Rennes. Ce n'est que depuis qu'on y a construit des maisons qu'il porte le nom de faubourg. La coutume voulait alors qu'à la mort des évêques de Rennes, les gens de la maison du comte s'emparassent de tous les meubles du prélat défunt. Cet usage fut aboli sous l'épiscopat de Sylvestre, avec défense de le renouveler. L'amitié que Geoffroi, comte de Rennes, avait pour Sylvestre, le porta à donner à ce prélat son droit de jurisdiction autour de l'église cathédrale, dans le faubourg l'Evêque et dans la paroisse de Brutz. Voici les propres termes de la donation : « Le comte Geoffroi donne à Saint-Pierre, pour le salut de son âme, pour l'usage des évêques à perpétuilé, tout ce qu'il avait acquis du droit consulaire dans le cloître de Saint-Pierre , dans le bourg Saint-Pierre, tant au-dedans qu'au-dehors de la ville, et dans la paroisse de Brutz. » Sylvestre de la Guerche, évêque de Rennes, mourut au mois d'avril 1096. Hardouin lui donne pour successeurs un Hoël et un Gosfrède, qui sont supposés.

Marbodus, élu en 1096, fut sacré au mois de mars de la même année. Sous son épiscopat, les moines de Saint-Melaine furent excommuniés, on ne sait pour quel sujet, et le pape recommanda à ce prélat de bien faire garder l'excommunication. Pendant le concile de Tours, tenu par le pape Urbain II, Marbodus abdiqua, et prit l'habit de bénédictin. Il mourut en 1123. Le siège fut vacant pendant quelques années.

Rotalde ou Roalde, successeur de Marbodus, ne resta pas longtemps sur le siège.

Hamelin fut élu l'an 1127. Lobineau dit que ce prélat permit à deux personnes qui avaient un différend de le terminer en duel. Il mourut l'an 1140 ou 1141 [2 février 1141].

Alain fut élu évêque de Rennes en 1141. Le pape lui écrivit, en 1153, de rappeler un prêtre qu'il avait mis dans une église appartenant aux moines de Marmoutier, sans les consulter. Alain mourut en 1156. Nous avons de lui une lettre écrite à l'abbé Suger, en 1148.

Etienne de la Rochefoucaud, abbé de Saint-Florent, homme savant, éloquent et religieux, fut son successeur en 1156 [le 4 septembre], et mourut en 1166. Il fut inhumé dans le cloître de l'abbaye de Saint-Melaine, auprès de la porte de l'église, où il avait choisi sa sépulture.

Robert, chanoine de l'abbaye de Rillé, près Fougères, fut nommé, le 9 décembre de la même année, évêque de Rennes, et mourut en 1167 ou 1168 [9 décembre 1167].

Etienne de Fougères, homme savant et lettré, chapelain de Henri II, roi d'Angleterre, fut élu évêque de Rennes l'an 1169. Ce prélat reçut Geoffroy, fils du roi d'Angleterre, lorsqu'il fit son entrée à Rennes, l'an 1178. Etienne de Fougères mourut le 23 décembre de cette année.

Philippe, abbé de Clermont, de l'ordre de Cîteaux, au diocèse du Mans, fut élu l'an 1178 [1179]. Il fit débuter la démolition de son église cathédrale, qui menaçait ruine. Le jeune duc Geoffroy le fit chancelier de Bretagne ; mais il n'exerça cette charge que fort peu de temps : il la perdit, avec la vie, l'an 1181 ou 1182 [1181].

Jacques, son successeur, ne fut évêque que deux ans. On place sa mort sous l'année 1184.

Herbert ou Hubert, qui monta sur le siège l'an 1184, mourut le 10 décembre 1198 ; il fut inhumé dans son église cathédrale, que l'on bâtissait alors. On lui attribue des miracles après sa mort.

Pierre de Dinan, fils de Roland, seigneur de Montafilant, chanoine et archidiacre de l'église d'York, en Angleterre, fut élu, en 1199, évêque de Rennes. Il fut fait chancelier du duc Artur, et mourut en 1206.

Henri, successeur de Pierre, mourut en 1208.

Pierre de Fougères, ci-devant chancelier du duc Artur, élu en 1208, couronna, dans son église cathédrale, Pierre de Dreux, devenu duc de Bretagne par son mariage avec l'héritière du duché. Ce prélat mourut en 1222.

Josselein de Montauban, nommé en 1222, fonda en 1234, dans son église cathédrale, dans les églises de Saint-Melaine et de Saint-Georges, des anniversaires qui doivent être célébrés le vendredi avant la Toussaint. Ce prélat mourut le 31 octobre 1234, et fut inhumé dans l'église de l'abbaye de Saint-Jacques de Montfort.

Alain, qui lui succéda, fit une espèce de traité avec les moines de Saint-Melaine, comme le prouvent les cartulaires de celte abbaye. Ce sont les seules preuves de l'existence de ce prélat : il n'en est fait mention nulle part ailleurs, et les historiens ne mettent point d'évêque depuis 1234, époque de la mort de Josselin, jusqu'à 1239.

Jean Gicquel, né en la paroisse de Guer, au diocèse de Saint-Malo, monta sur le siège épiscopal de Rennes en 1239. Ce prélat couronna Jean Ier, dit le Roux, duc de Bretagne. L'évêque Gicquel souscrivit, en 1243, à la fondation de la chapellenie de Saint-Martin, faite par les seigneurs de la Guerche et de Pouancé. Il fit le voyage de la Terre-Sainte, au rapport de Joinville, qui dit que ce prélat se signala dans les combats que les Croisés livrèrent aux Sarrasins. Il fonda un anniversaire dans son église cathédrale, et mourut au mois de novembre 1257 ou 1258.

Egide lui succéda en 1257, et mourut en 1259.

Maurice de Treziguidi, né au château de Tréziguidi, paroisse de Saint-Ségal, au diocèse de Quimper, fut nommé évêque de Rennes en 1260. Ce prélat cita, en 1265, le duc son souverain à la cour du roi de France, où ce prince ne voulut point comparaître. Maurice mourut le 6 septembre 1282.

Jean, qu'on croit avoir été son successeur, n'est pas bien connu pour évêque.

Guillaume de la Roche-Tanguy, docteur en théologie, et très-versé dans les sciences, fut nommé en 1283, et mourut en 1297.

Jean de Semois, de l'ordre de Saint-Benoît, selon les uns, et, selon les autres, de celui des frères-mineurs, ne fit que paraître sur le siège.

Egide, son successeur, fit serment de fidélité au duc en ces termes : « Moi, par la grâce de Dieu, évêque de Rennes, je jure et promets à mon très-illustre seigneur Jean, duc de Bretagne, d'être sujet fidèle et sincère, de lui obéir et de l'honorer comme fondateur de mon temporel. Fait au mois de mars, etc. » Ce prélat mourut en 1302.

Yves, qui le remplaça, mourut en 1304. Au mois de juillet de cette année, Robert Raguenel, chevalier, seigneur du Châtelaugers, fonda la chapellenie de Notre-Dame-du-Pilier, dans l'église cathédrale de Rennes, et la dota de plusieurs revenus. Il s'en réserva, à lui et à ses héritiers, la présentation, et en laissa la collation à l'évêque de Rennes.

Egide [Gilles], élu en 1305 ou 1306, fait serment de fidélité au duc, et meurt dans le courant de l'année.

Alain de Châteaugiron, secrétaire du duc Artur II, et trésorier de l'église cathédrale de Rennes, fut nommé en 1306, et mourut en 1327.

Alain de Châteaugiron, IIe du nom, archidiacre de Rennes, élu au mois de juin 1327, mourut au mois d'octobre 1328 [21 novembre 1328], et fut inhumé derrière le grand-autel de la cathédrale.

Guillaume Ouvroing fut successeur d'Alain de Châteaugiron. On ignore l'année de sa mort.

Yves de Rosmadec, nommé en 1347 [1345], mourut le 15 octobre 1349 [1347].

Arscand, qui le remplaça, mourut en 1354.

Pierre de Laval, élu en 1354, mourut [le 11 janvier 1357, selon M. de Sainte-Marthe], ou fut transféré ailleurs en 1357.

Guillaume, successeur de Pierre, est connu par les cartulaires de Saint-Méen et de Saint-Melaine. Sous son épiscopat, en 1358, Eudon le Bouteiller, prêtre de l'évêché de tréguier, fonda l'hôpital de Saint-Yves, à Rennes, hôpital qui est gouverné par des prêtres qui y font les fonctions curiales. Les malades y sont soignés par les religieuses hospitalières de la Miséricorde.

Pierre de Guemené fit son entrée le 3 novembre 1359, et consacra le même jour l'église cathédrale de Saint-Pierre, qui avait été rebâtie : elle avait été recommencée par l'évêque Philippe, l'an 1180. Cet édifice était vaste et d'une grande beauté.

Raoul de Tréal, homme riche et d'une famille distinguée, élu en 1363, employa une grande partie de ses revenus à l'embellissement de son église cathédrale et au soulagement des pauvres. Il travailla avec succès à la réformation de son diocèse, et défendit avec fermeté les droits de son siège. Il eut un différend très-sérieux, au concile d'Angers, avec l'évêque du Mans, pour la préséance. De retour à Rennes, il s'appliqua à faire observer les canons de ce concile, ce qui lui attira quelques disgrâces. Sa fermeté, et peut-être son zèle, lui firent des ennemis : il fut accusé d'adultère et de plusieurs autres crimes. Soit que l'accusation fût vraie ou fausse, le pape nomma, le 21 juillet 1383, des commissaires pour en informer, avec pouvoir de le livrer aux bras séculiers, au cas que l'accusation fût fondée. On ne sait quelle fut la suite de cette affaire ; il est à croire cependant que Raoul confondit ses accusateurs. Il mourut le 13 février 1383, et fut inhumé dans son église cathédrale.

Guillaume de Briz fit son entrée solennelle à Rennes au mois de juin 1385. II avait été recommandé au duc par le pape Clément VII, qui avait la Bretagne sous son obédience. Il changea un usage très-ancien dans la cérémonie de l'entrée des évêques. La veille de ce jour, ces prélats descendaient à l'abbaye de Saint-Melaine, où ils étaient nourris aux dépens de la communauté. Guillaume de Briz y descendit comme ses prédécesseurs ; mais, au lieu de la nourriture, il convint avec l'abbé et les moines qu'il recevrait d'eux la somme de 60 sous [d'or], et que la même somme serait payée à ses successeurs. Ce prélat mourut au commencement de l'année 1387 [1386].

Antoine de Lovier, originaire du Dauphiné, élu le 18 avril 1387, fut transféré sur un autre siège [Maguelone] eu 1389 ; [il y mourut /e 23 octobre 1405].

Anselme de Cantemerle [Chantemerle], recommandé au duc par le pape Clément VII, fit son entrée solennelle l'an 1390. Les rares qualités de ce prélat lui attirèrent l'estime et l'amitié des ducs de Bretagne. Il fut surtout l'ami intime d'Artur, comte de Richemont, connétable de France, et frère du duc Jean V. Ce fut ce prélat qui établit la fête de la Présentation de la Vierge dans son église. Il accompagna le duc dans le voyage qu'il fit à Tours, en 1389, à la cour de France. Il légua, en mourant, aux paroisses de son diocèse, un calice d'argent à chacune, du poids [de la valeur] de 20 livres. Sa mort est rapportée au 1er septembre 1427. Il fut inhumé dans sa cathédrale.

Guillaume Brillet, natif de Vitré, fut transféré de l'évêché de Saint-Brieuc à celui de Rennes, l'an 1427. Ce prélat se rendit recommandable par la douceur de son caractère et sa piété. L'an 1433, le clergé de Bretagne lui donna commission de lever un impôt sur les biens ecclésiastiques du duché. Ce prélat abdiqua en 1447, et mourut le 1er février 1448.

Robert de la Rivière, fils de Jean, seigneur de la rivière, chambellan et chancelier de Bretagne, fut nommé évêque de Rennes en 1447, sur la démission de Guillaume, son oncle et son prédécesseur. Il assista au concile d'Angers en 1448. Le duc lui avait envoyé 500 saluts pour payer les frais de son entrée. L'an 1449, ce prélat fut envoyé vers le roi de France, Charles VII, pour lui demander du secours contre les Anglais, qui avaient surpris la ville de Fougères. Robert mourut en 1450.

Jean de Coëtquis, élu en 1450, fut transféré à Tréguier au mois de juillet 1453 [1454].

Jacques d'Epinai occupa le siège épiscopal à Rennes, en vertu d'une bulle du pape, que le duc désapprouva, parce que le prélat était accusé d'avoir conspiré à la mort de Gilles de Bretagne. Jacques d'Epinai fut presque toujours en mauvaise intelligence avec les ducs Pierre II, Artur III et Fancois II. Il fut obligé de faire le voyage de Rome, où il plaida si bien sa cause qu'il obtint du pape un bref justificatif, avec lequel il revint en Bretagne. Il tint pendant quelque temps une conduite plus réglée, et rentra même dans les bonnes grâces du duc Pierre II. Son esprit brouillon et pétulant le fit bientôt sortir des bornes de la sagesse : il excommunia quelques officiers du duc, et, par cette démarche imprudente, il s'attira une foule de nouvelles disgrâces. Insensible à la colère du prince, il cherchait bien plus à augmenter qu'à apaiser son ressentiment ; de sorte que le duc, ne pouvant plus tolérer de semblables excès, le somma à comparaître devant lui, et donna ordre de l'amener de force, s'il refusait d'obéir. Il commit encore quelques violences dans son diocèse, et Landais profita de cette circonstance pour porter des plaintes au pape contre le prélat. Le pontife nomma des commissaires pour informer des crimes dont on l'accusait ; son temporel fut saisi, et cet évêque mourut de chagrin, au mois de janvier 1482 ou 1483. Il fut inhumé dans l'église collégiale de Champeaux. Il avait publié des statuts en 1464.

Michel Guibé, évêque de Dol, et coadjuteur de Jacques d'Epinai, avec expectative, fut reconnu évêque de Rennes au mois de janvier 1482 ou 1483. Ce prélat était fils d'Adenet Guibé et d'Olive Landais, sœur du fameux trésorier de ce nom. Ce prélat publia des statuts le 12 mai 1483. Le dernier défend à tous les ecclésiastiques du diocèse, sous peine de 10 sous monnaie usuelle, applicables à la bourse aumônière du prélat, de porter de longues barbes et des cheveux longs, à moins qu'ils ne soient en voyage, et il leur enjoint de porter de longues robes jusqu'aux talons, et de ne point hanter les cabarets et autres lieux déshonnêtes. Il publia encore de nouveaux statuts en 1493, et mourut en 1499.

Robert Guibé, transféré de Tréguier à Rennes en 1499, fut encore transféré de Rennes à Nantes en 1506.

Gui le Lyonnais fut élu en 1506 ; mais, voyant que son élection déplaisait à la duchesse-reine Anne de Bretagne, il abandonna ses prétentions.

Pierre le Baud, doyen de Saint-Tugdual de Laval, s'était attiré l'estime et les bonnes grâces de la reine Anne par la publication d'une histoire de Bretagne, qu'il avait présentée à cette princesse. Anne, pour lui témoigner sa satisfaction, l'avait fait son aumônier, et lui fit donner l'évêché de Rennes en 1506. Ce prélat ne profita pas longtemps de sa nouvelle dignité. Il mourut le 19 septembre de cette année.

Yves de Mayeuc, né dans la paroisse de Plouvorn, au diocèse de Saint-Pol-de-Léon, de parents qui faisaient le commerce dans le pays, entra chez les dominicains le 27 août 1487. Il devint confesseur de la reine Anne, qui le fit nommer à l'évêché de Rennes, l'an 1506. Il obtint ses bulles le 29 janvier 1507. Il assista, par procureur, au concile de Tours en 1528, fit des statuts qui ne sont encore que manuscrits, et couronna duc de Bretagne le dauphin, fils de François Ier et de la reine Claude, le 12 août 1537. Il prit, en 1539, pour coadjuteur Claude Dodieu. Il mourut [au manoir épiscopal de Bruz] le 17 septembre 1541, et fut inhumé, le 20 du même mois, dans son église cathédrale. — Claude Dodieu, successeur d'Yves de Mayeuc, mourut à Paris le 4 avril 1558. Ce prélat avait été ambassadeur auprès du pape Paul III et de l'empereur Charles V. Il assista au concile de Trente.

André Dodieu, nommé évêque en 1559, fut envoyé par le roi en Espagne en 1560, et y demeura jusqu'en 1561.

Bernardin Bouchetel, secrétaire des rois François Ier et Henri II, nommé évêque de Rennes, ne fut point sacré. Il fit serment de fidélité le 3 février 1565. Il fut chargé de différentes négociations ; mais il fut peu de temps évêque de Rennes : il se démit de son siège dans la même année.

Bertrand de Marillac, religieux de l'ordre des frères mineurs, nommé évêque de Rennes en 1565 prêta serment de fidélité le 23 janvier 1566 et mourut le 29 mai 1573. Il passa pour un des grands prédicateurs de son temps.

AEmar [Aimar] Hennequin, désigné par le roi en 1573, prit séance au Parlement de Bretagne comme conseiller-né de cette cour [en 1575]. Il assista aux Etats de Blois en 1576 [1580], à l'assemblée du clergé de France en 1577, au concile de Tours en 1583, réforma le bréviaire de Rennes en 1589, mourut le 13 janvier 1596, et fut inhumé dans sa cathédrale. Il était savant. Nous avons de lui quelques opuscules théologiques et des traductions. On le blâme d'avoir favorisé le parti rebelle.

Arnaud Dossat [d'Ossat], né dans un village du comté d'Armagnac, de parents pauvres, nommé par le roi à l'évêché de Rennes, obtint ses bulles le 9 novembre 1596. Il fut fait cardinal-prêtre, du titre de Saint-Eusèbe, en 1598, et fut transféré à Bayeux en 1600. Ce prélat est un des plus grands hommes et des meilleurs citoyens qu'ait eus la France. Nous avons de lui un volume de lettres qui passent pour un chef-d'œuvre de politique. Le Père Turquin Guliés, jésuite, a fait l'oraison funèbre de ce grand homme.

Séraphin Olivier, né à Lyon, fut fait auditeur de rote, emploi qu'il exerça pendant quarante ans. Les papes Grégoire XIII, Sixte IV et clément VIII, l'employèrent en diverses nonciatures. Ce dernier le fit patriarche d'Alexandrie. Nommé en 1600, par le roi Henri IV, à l'évêché de Rennes, il fut fait cardinal en 1602 [1604], et résigna son évêché à François l'Archiver [en 1602].

François l'Archiver, originaire de la paroisse de Plouezoc, au diocèse de Tréguier, évêque de Rennes par résignation du cardinal, fit son entrée solennelle le 1er septembre 1602, fit imprimer le propre des saints de Rennes en 1609, assista aux Etats généraux, à Paris, en 1614 et 1615, et mourut le 22 février 1619. Ce prélat, si digne de l'être, se conduisait par cette maxime de l'Evangile : Vous avez reçu gratuitement, donnez de même. En conséquence, il ne permit jamais que son secrétaire reçût la moindre rétribution pour les expéditions qu'il délivrait.
Pierre Cornullier, transféré de Tréguier à Rennes en 1619, fit son entrée solennelle le 24 mai, assista à l'assemblée du clergé en 1621, et mourut le 22 juin [juillet] 1639.

Henri de la Motte-Houdancourt, désigné en 1639, sacré le 6 [16] janvier 1642, assista aux assemblées du clergé des années 1653 et 1654, pour la réception de la bulle du pape Innocent X contre l'Augustinus de Jansenius, donnée le 31 mai 1653. Ce fut lui qui fit insérer cette bulle dans les registres du Parlement, le 10 septembre 1655. Ce prélat mourut l'an 1660.

Charles-François de la Vieuville, sacré le 30 avril 1661, mourut l'an 1679.

Jean-Baptiste de Beaumanoir de Lavardin, nommé en 1677, assista à l'assemblée du clergé, à Paris, en 1681, assemblée dans laquelle on reconnut l'indépendance du roi dans le temporel, la supériorité du concile général sur le pape, qui fut jugé non infaillible. Ce prélat assista aussi au concile provincial de Tours en 1699, fit des statuts en 1682, et érigea la place de grand-pénitencier dans son diocèse, place qu'il dota, en y unissant les revenus de quatre chapellenies, dont il supprima les titres, du consentement des patrons laïques. Il mourut en 1712 [23 mai 1711].

Louis-Christophe Turpin-Crissé de Sanzai, désigné en 1712, fut un des quarante prélats qui, en 1714, reçurent la bulle Unigenitus, et y joignirent des commentaires pour l'expliquer. Ce prélat fut transféré à Nantes le 17 octobre 1723.

Charles-Louis-Auguste Letonnelier de Breteuil fut nommé le 17 octobre 1723, sacré le 15 juillet 1725, et mourut le 24 avril 1732.

Louis-Gui Guerrepin de Vauréal, nommé l'an 1732, sacré le 24 août de la même année, envoyé ambassadeur auprès de Sa Majesté catholiqne en 1741, mourut l'an ....

N.... Desnos, abbé de Redon, fut sacré évêque de Rennes le 16 août 1761, et transféré à Verdun l'an ....

M. François Barreau de Girac, transféré de l'évêché de Saint-Brieuc à celui de Rennes en 1770, gouverne actuellement le diocèse.

RENNES ( -2008)

Pour continuer l'oeuvre d'Ogée et de Marteville, vous pouvez nous envoyer, en prenant exemple sur la page de Cesson Sévigné, des informations sur la commune pour en montrer l'évolution. Merci de nous signaler si vous souhaitez que votre nom apparaisse. Mail : abgh.genealogie.cercle@gmail.com



Infos pratiques

Maire : Daniel Delaveau, 55 ans, Vice-Président de Rennes Métropole
Nombre d’habitants : 205437 Rennais
Adresse mairie : Hôtel de ville-place de la mairie BP3126, 35031 Rennes cedex
Mail : ville.rennes@ville-rennes.fr
Site : www.rennes.fr
Tel : 02 23 62 10 10

Archives

Etat-civil et registres paroissiaux :

Registres paroissiaux :

Paroisses SAINT AUBIN de Rennes
Baptêmes 1593-1791, 25434 actes - Mariages 1627-1791, 5110 actes - Sépultures 1597-1791, 12302 actes

Paroisses SAINT ETIENNE de Rennes
Baptêmes 1548-1792, 33726 actes - Mariages 1634-1792, 8306 actes - Sépultures 1559-1792, 21107 actes

Paroisses SAINT GERMAIN de Rennes
Baptêmes 1533-1792, 69223 actes - Mariages 1577-1792, 17246 actes - Sépultures 1637-1792, 37693 actes

Paroisses SAINT HELIER de Rennes
Baptêmes 1589-1792, 13668 actes - Mariages 1601-1792, 3084 actes - Sépultures 1601-1792, 10654 actes

Paroisses SAINT JEAN de Rennes
Baptêmes 1609-1791, 17148 actes - Mariages 1598-1791, 5579 actes - Sépultures 1599-1791 - 11597 actes

Paroisses SAINT LAURENT de Rennes
Baptêmes 1670-1792, 2950 actes - Mariages 1700-1792, 1588 actes - Sépultures 1700-1792, 2600 actes

Paroisses ST MARTIN DES VIGNES de Rennes
Baptêmes 1572-1791, 8213 actes - Mariages 1616-1791, 2067 actes - Sépultures 1615-1791, 5618 actes

Paroisses ST PIERRE EN ST GEORGES de Rennes
Baptêmes 1575-1793, 10832 actes - Mariages 1616-1793, 2789 actes - Sépultures 1616-1793, 6381 actes

Paroisses SAINT SAUVEUR de Rennes
Baptêmes 1501-1791, 33572 actes - Mariages 1572-1791, 3988 actes - Sépultures 1569-1791, 12062 actes

Paroisses TOUSSAINTS de Rennes
Baptêmes 1507-1792, 94883 actes - Mariages 1580-1792, 18187 actes - Sépultures 1580-1792, 68600 actes

Eglise réformée de CLEUNAY en Rennes (premier temple protestant)
Mariages et sépultures de 1645 à 1685 – 133 actes

HOPITAL ST MEEN de Rennes
Sépultures 1665-1792 - 4936 actes

HOPITAL SAINT YVES de Rennes
Sépultures 1727-1793 - 10394 actes

HOPITAL GENERAL de Rennes
Sépultures de 1678-1793 – 4499 actes

DEPOT DE MENDICITE
Baptêmes et sépultures 1772-1793 – 2376 actes

RENNES, état-civil :
Naissances, mariages, décès (1793 à 1908)

Rennes juridictions :

JURIDICTIONS DE RENNES
La Prévallaye Matignon, LaTourniolle, La Rivaudière.
XVIII° siècle
2493 minutes

JURIDICTIONS DE RENNES
Marquisat d'Epinay, Bréquigny, Vicomté d'Apigné,
Martinière Montbarrot, Beaulieu le Courrouze, Brais-Fleuré, Brais-Cornu,
Brais de Jussé, Brais la Boullais, La Freslonnière, Méjusseaume, La Motte au Vicomte, La Costardais Bon Espoir, La Villeneuve et Pontbriant. XVIII° siècle 3717 minutes

JURIDICTIONS DE RENNES
La Lande Coëtlogon, La Plesse, Marquisat de Cucé, Les Loges, Les Gayeulles, XVI° XVII°et XVIII° siècles
3485 minutes

JURIDICTIONS DE RENNES, ABBAYE ROYALE DE SAINT GEORGES
Abbaye, Benoist Moustiers XVI° XVII° et XVIII° siècle - 3497 minutes

JURIDICTIONS DES REGAIRES DE RENNES
Evêché, Chapitre. Prieurés de Rennes, Saint Cyr, Saint Denis, Saint Etienne de la Bretonnière. XVII° et XVIII° siècle
2886 minutes

JURIDICTIONS DE RENNES, ABBAYE ROYALE DE SAINT MELAINE
Prieurés de Vaux, Saint Thomas, Saint Moran. XVII° siècle

PRESIDIAL DE RENNES
1720-1791 - 9807 minutes

Marins du syndicat de Rennes
Nés entre 1728 et 1851 – 1938 matricules

Pompiers de Rennes
1817 – 1896 – 2102 fiches.

Noms de familles

Noms de familles les plus courants en France :
MARTIN - BERNARD - DUBOIS - THOMAS - ROBERT - RICHARD - PETIT - DURAND - LEROY - MOREAU.

Noms de familles les plus courants en Bretagne :
LE GALL - LE GOFF - LE ROUX - THOMAS - MARTIN - TANGUY - SIMON - MORVAN - GUILLOUX - HAMON.

Pour en savoir plus :

Centre généalogique : Association Bretonne de Généalogie et d'Histoire.

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Bases de données consultables sur :

http://www.geneabretagne.org

Association Parchemin.

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